mercredi 22 juillet 2020

Mgr Schneider lance une croisade de réparation eucharistique en raison des péchés contre le Saint-Sacrement

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Mgr Athanasius Schneider, bien connu pour sa dénonciation de la communion dans la main, vient de lancer une Croisade eucharistique pour laquelle il propose une prière qu'il a lui-même composée ; vous en trouverez le texte ci-dessous.

Dans une explication qu'il m'a demandé de traduire, enrichie de nombreuses citations de saints, Mgr Schneider donne les raisons de son appel qui s'achève sur les mots de saint Pierre Julien Eymard : « Un âge prospère ou décline en proportion de sa dévotion à l'Eucharistie. »

 

A ce propos : n'ayant pas sous la main toutes les versions françaises originales ou les traductions admises de tous les textes cités (je signale cela par les mots « d'après » placés avant la source) je se serais très reconnaissante à ceux de mes lecteurs qui pourraient me fournir l'une ou l'autre de ces citations, car je n'ai pas tous les livres cités sous la main.


Voici en tout cas ma traduction de travail de l'appel et de la prière de Mgr Schneider. – J.S.

 

*

 

Les péchés contre le Saint-Sacrement
et la nécessité d’une croisade de réparation eucharistique

Par Mgr Athanasius Schneider

 

JAMAIS, dans toute l’histoire de l’Eglise, il n’y a eu de moment où le sacrement de l’Eucharistie a été bafoué et outragé à un degré aussi alarmant et grave qu’au cours des cinq dernières décennies, en particulier depuis l’introduction officielle de la pratique de la communion dans la main, qui a reçu l’approbation du Pape en 1969. Ces abus sont en outre aggravés, par la pratique répandue dans de nombreux pays où des fidèles qui n’ont pas reçu le sacrement de Pénitence depuis de nombreuses années, reçoivent néanmoins régulièrement la sainte communion. Le summum des outrages vis-à-vis de la sainte Eucharistie est l’admission à la sainte communion de couples vivant dans un état public et objectif d’adultère, qui violent ainsi leurs liens sacramentels indissolubles et valides, comme c’est le cas des personnes dites « divorcées et remariées ». Cette admission est officiellement légalisée dans certaines régions par des normes spécifiques ; dans la région de Buenos Aires en Argentine, de telles normes ont même été approuvées par le Pape. À ces abus s’ajoute la pratique de l’admission officielle des conjoints protestants dans les mariages mixtes à la Sainte-Cène, par exemple dans certains diocèses en Allemagne.

 

Affirmer que le Seigneur ne souffre pas à cause des outrages commis contre Lui dans le sacrement de la sainte Eucharistie peut conduire à minimiser la gravité des atrocités commises. Certains disent : Dieu est offensé par l’outrage au Saint-Sacrement, mais le Seigneur ne souffre pas personnellement. Il s’agit là toutefois d’une vision trop étroite sur le plan théologique et spirituel. Bien que le Christ se trouve désormais dans son état glorieux, n’étant donc plus sujet à la souffrance d’une manière humaine, Il est néanmoins affecté et touché en son Sacré-Cœur par les abus et les outrages contre sa majesté divine et l’immensité de son amour dans le Saint-Sacrement. Notre Seigneur a confié à nombre de saints ses plaintes et sa douleur face aux sacrilèges et aux outrages par lesquels les hommes L’offensent. On peut comprendre cette vérité à partir des paroles adressées par Notre Seigneur à sainte Marguerite Marie Alacoque, comme le rapporte Pie XI dans son encyclique Miserentissimus Redemptor :

 

« Dans ses apparitions à Marguerite-Marie, quand Il lui dévoilait son infinie charité, le Christ laissait en même temps percevoir comme une sorte de tristesse, en se plaignant des outrages si nombreux et si graves que Lui faisait subir l’ingratitude des hommes. Puissent les paroles qu'Il employait alors ne jamais s’effacer de l’âme des fidèles : “Voici ce Cœur ― disait-Il ― qui a tant aimé les hommes, qui les a comblés de tous les bienfaits, mais qui, en échange de son amour infini, non seulement ne reçoit pas de reconnaissance, mais ne recueille que l’oubli, la négligence et des injures, et cela parfois de la part de ceux-là même qui sont tenus de lui témoigner un amour spécial.” » (n. 12)

 

Frère Michel de la Sainte Trinité a donné une explication théologique profonde du sens de la « souffrance » ou de la « tristesse » de Dieu à cause des offenses que les pécheurs commettent contre Lui :

« Cette “souffrance”, cette “tristesse” du Père céleste, ou de Jésus depuis son Ascension, doivent être comprises de manière analogique. Elles ne sont pas subies passivement comme chez nous, mais au contraire librement voulues et choisies comme l’expression ultime de leur miséricorde envers les pécheurs appelés à la conversion. Elles ne sont qu’une manifestation de l’amour de Dieu pour les pécheurs, un amour souverainement libre et gratuit, et qui n’est pas irrévocable. » (d’après Toute la vérité sur Fatima, vol. I, pp. 1311-1312)

 

Cette signification spirituelle analogique de la « tristesse » ou de la « souffrance » de Jésus dans le mystère eucharistique a été confirmée par les paroles de l’Ange lors de son apparition en 1916 aux enfants de Fatima et surtout par les paroles et l’exemple de la vie de saint Francisco Marto. Les enfants ont été invités par l’Ange à réparer les offenses faites à Jésus Eucharistie et à le consoler, comme on peut le lire dans les Mémoires de sœur Lucie :

 

« Pendant que nous étions là, l’Ange nous apparut une troisième fois, tenant à la main un calice, et, au-dessus de celui-ci une Hostie, d’où tombaient dans le calice quelques gouttes de sang. Laissant le calice et l’Hostie suspendus en l'air, il se prosterna à terre, et répéta trois fois cette prière : “Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint Esprit…” Puis, se levant, il prit de nouveau le calice et me donna l’hostie, et donna à boire ce que contenait le calice à Jacinthe et à François, en disant en même temps : “Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus Christ, horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu !” » (Mémoires de sœur Lucie, éd. Pierre Téqui.)

 

Dans son récit de la troisième apparition du 13 juillet 1917, sœur Lucie a souligné comment François percevait le mystère de Dieu et la nécessité de le consoler à cause des offenses des pécheurs :

 

« Ce qui l’a le plus impressionné [François] et l’a entièrement absorbé, c’est Dieu, la Très Sainte Trinité, perçu dans cette lumière qui a pénétré au plus profond de nos âmes. Il a dit ensuite : “Nous étions en feu dans cette lumière qui est Dieu, et pourtant nous n’avons pas été brûlés ! Qu’est-ce que Dieu ? Nous n’avons jamais pu le mettre en mots. Oui, c’est effectivement une chose que nous ne pourrons jamais exprimer ! Mais quel dommage qu’Il soit si triste ! Si seulement je pouvais Le consoler !” (d’après les Mémoires de sœur Lucie).

 

Sœur Lucie a décrit comment François a perçu la nécessité de consoler Dieu, ayant compris qu’Il était « triste » à cause des péchés des hommes :

 

« Un jour, je lui demandai :
— François, qu’est-ce que tu aimes le mieux : consoler Notre-Seigneur ou convertir les pécheurs afin qu’il n’y ait plus d’âmes à aller en enfer ?
— J’aime mieux consoler Notre-Seigneur. Tu n’as pas remarqué combien Notre-Dame, le mois dernier, est devenue triste lorsqu’Elle nous a dit qu’il ne fallait plus offenser Dieu, Notre-Seigneur, car Il est déjà trop offensé ? Je voudrais consoler Notre-Seigneur et, ensuite, convertir les pécheurs afin qu’ils ne L’offensent plus » (d'après les Mémoires de sœur Lucie).

Dans ses prières et dans l’offrande de ses souffrances, saint Francisco Marto a donné la priorité à l’intention de « consoler Jésus caché », c’est-à-dire Jésus-Eucharistie. Sœur Lucie a rapporté ces paroles que François lui a dites : « Quand tu quittes l’école, va et reste un moment près de Jésus caché, et ensuite, rentre à la maison toute seule. » Lorsque Lucie a interrogé François sur ses souffrances, il lui a répondu : « Je souffre pour consoler Notre Seigneur. Je le fais d’abord pour consoler Notre Seigneur et Notre Dame, puis, ensuite, pour les pécheurs et pour le Saint-Père. (…) Plus que toute autre chose, je veux Le consoler » (d’après les Mémoires de sœur Lucie).

 

Jésus-Christ continue de façon mystérieuse sa Passion à Gethsémani à travers les âges dans le mystère de son Église et aussi dans le mystère eucharistique, le mystère de son immense Amour. Elle est bien connue, l’expression de Blaise Pascal : « Jésus est sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps‑là » (Pensées, n. 553). Le cardinal Karol Wojtyła nous a laissé une réflexion profonde sur le mystère des souffrances du Christ à Gethsémani, qui, en un certain sens, se poursuivent dans la vie de l’Église. Le cardinal Wojtyła a également parlé du devoir de l’Église de consoler le Christ :

 

« Et maintenant l’Église cherche à recouvrer cette heure à Gethsémani – l’heure perdue par Pierre, Jacques et Jean – afin de remédier au manque de compagnie du Maître, qui a augmenté la souffrance de son âme. Le désir de recouvrer cette heure est devenu un besoin réel pour de nombreux cœurs, en particulier pour ceux qui vivent aussi pleinement que possible le mystère du cœur divin. Le Seigneur Jésus nous permet de Le rencontrer à cette heure-là, il nous invite à partager la prière de son cœur.  Face à toutes les épreuves que l’homme et l’Église doivent subir, il existe un besoin constant de retourner à Gethsémani et de prendre part ainsi à la prière du Christ, Notre Seigneur » (Le signe de contradiction, chapitre 17, « La prière à Gethsémani »).

 

Jésus-Christ n’est pas indifférent et insensible dans le mystère eucharistique au comportement que les hommes adoptent à son égard dans ce sacrement de l’amour. Le Christ est présent dans ce sacrement également avec son âme, qui est unie à sa Personne divine par l’union hypostatique. Le théologien romain Antonio Piolanti a présenté une solide explication théologique à cet égard. Même si le corps du Christ dans l’Eucharistie ne peut pas voir ni percevoir sensiblement ce qui se passe ou ce qui est dit dans le lieu de sa présence sacramentelle, le Christ dans l’Eucharistie « entend tout et voit avec une connaissance supérieure ». Piolanti cite alors le cardinal Franzelin :


« La bienheureuse humanité du Christ voit toutes choses en elles-mêmes en vertu de l’abondante connaissance infuse due au Rédempteur de l’humanité, au Juge des vivants et des morts, au Premier-né de toute créature, au Centre de toute l’histoire céleste et terrestre. Tous ces trésors de la vision béatifique et de la connaissance infuse sont certainement dans l’âme du Christ, y compris dans la mesure où elle est présente dans l’Eucharistie. En plus de ces raisons, à un autre titre spécial, précisément parce que l’âme du Christ est formellement dans l’Eucharistie, et dans le même but que celui de l’institution du mystère, elle voit tous les cœurs des hommes, toutes les pensées et les affections, toutes les vertus et tous les péchés, tous les besoins de l’Église entière et de ses membres individuels, les travaux, les angoisses, les persécutions, les triomphes – en un mot, toute la vie interne et externe de l’Église, son Épouse, nourrie de sa chair et de son Précieux Sang. Ainsi, à un triple titre (si l’on peut dire), le Christ à l’état sacramentel voit et perçoit d’une certaine manière divine toutes les pensées et les affections, le culte, les hommages et aussi les insultes et les péchés de tous les hommes en général, de tous ses fidèles et de ses prêtres en particulier ; Il perçoit les hommages et les péchés qui se réfèrent directement à ce mystère ineffable de l’amour » (d'après De Eucharistia, pp. 199-200, cité dans Il Mistero Eucaristico, Firenze 1953, pp. 225-226).

 

L’un des plus grands apôtres de l’Eucharistie des temps modernes, saint Pierre Julien Eymard, nous a laissé ces profondes réflexions sur les affections de l’amour sacrificiel du Christ dans l’Eucharistie :

 

« En instituant son Sacrement, Jésus a perpétué les sacrifices de sa Passion. (…) Il connaissait tous les nouveaux Judas ; Il les comptait parmi les siens, parmi ses enfants bien-aimés. Mais rien de tout cela ne pouvait l’arrêter ; Il voulait que Son amour aille plus loin que l’ingratitude et la malice de l’homme ; Il voulait dépasser la malice sacrilège de l’homme. Il connaissait d’avance la tiédeur de Ses disciples : Il connaissait la mienne ; Il savait le peu de fruits que nous tirerions de la sainte communion. Mais Il voulait aimer tout de même, aimer plus qu’Il n’était aimé, plus que l’homme ne pouvait rendre. Y a-t-il autre chose ? Mais n’est-ce rien d’avoir adopté cet état de mort alors qu’Il a la plénitude de la vie, une vie glorifiée et surnaturelle ? N’est-ce rien que d’être traité et considéré comme un mort ? Dans cet état de mort, Jésus est sans beauté, sans mouvement et sans défense ; Il est enveloppé dans les espèces sacrées comme dans un linceul et déposé dans le tabernacle comme dans un tombeau. Mais Il est là, Il voit tout et entend tout. Il se soumet à tout comme s’Il était mort. Son amour jette un voile sur sa puissance, sa gloire, ses mains, ses pieds, son beau visage et ses lèvres sacrées ; son amour a tout caché. Il ne Lui a laissé que son Cœur pour nous aimer et son état de victime pour intercéder en notre faveur » (d’après La présence réelle, 29. Le Très Saint Sacrement n’est pas aimé !, III).

 

Saint Pierre Julien Eymard a écrit cette profession, émouvante et quasi mystique, de l’amour eucharistique du Christ, avec un appel ardent à la réparation eucharistique :

 

« Le Cœur qui a enduré les souffrances avec tant d’amour est ici, dans le Saint Sacrement ; il n’est pas mort, mais vivant et actif ; il n’est pas insensible, mais encore plus affectueux. Jésus ne peut plus souffrir, c’est vrai ; mais hélas ! l’homme peut encore être coupable envers Lui d’ingratitudes monstrueuses. Nous voyons les chrétiens mépriser Jésus dans le Très Saint Sacrement et faire preuve de mépris pour le Cœur qui les a tant aimés et qui se consume d’amour pour eux. Pour le mépriser librement, ils profitent du voile qui le cache. Ils l’insultent par leurs irrévérences, leurs pensées pécheresses et leurs regards criminels en sa présence. Pour exprimer leur mépris à son égard, ils se servent de sa patience, de la bonté qui souffre tout en silence, comme ce le firent les soldats impies de Caïphe, d’Hérode et de Pilate. Ils blasphèment de manière sacrilège contre le Dieu de l’Eucharistie. Ils savent que son amour le rend muet. Ils le crucifient même dans leurs âmes coupables. Ils le reçoivent. Ils osent prendre ce Cœur vivant et le lier à un cadavre immonde. Ils osent le livrer au diable qui est leur seigneur ! Non ! Jamais, même aux jours de sa Passion, Jésus n’a reçu autant d’humiliations que dans son Sacrement ! Pour Lui, la terre est un calvaire d’ignominie. Dans son agonie, il a cherché un consolateur ; sur la Croix, il a demandé quelqu’un pour compatir à ses afflictions. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons faire amende honorable au Cœur adorable de Jésus. Répandons en abondance nos adorations et notre amour sur l’Eucharistie. Au Cœur de Jésus vivant dans le Très Saint Sacrement, l’honneur, la louange, l’adoration et la puissance royale pour les siècles des siècles ! » (d’après La présence réelle, 43. Le Sacré-Cœur de Jésus, III).

 

Dans sa dernière encyclique Ecclesia de Eucharistia, le pape Jean-Paul II nous a laissé des exhortations lumineuses par lesquelles il a souligné l’extraordinaire sainteté du mystère eucharistique et le devoir des fidèles de traiter ce sacrement avec le plus grand respect et un amour ardent. De toutes ses exhortations, cette déclaration est la plus importante : « Il n’y a aucun risque d'exagération dans l’attention que l’on porte à ce Mystère, car “dans ce Sacrement se résume tout le mystère de notre salut” (Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, III, q. 83, a. 4c) » (n. 61).

 

Que l’Eglise établisse dans tous les diocèses du monde une « Journée annuelle de réparation des crimes contre la Très Sainte Eucharistie » serait une mesure pastoralement urgente et spirituellement fructueuse. Ce pourrait être le jour de l’octave de la Fête-Dieu. L’Esprit Saint donnera des grâces spéciales de renouveau à l’Église de notre temps là où – et seulement quand ce sera la cas – le Corps eucharistique du Christ sera adoré avec tous les honneurs divins, aimé, traité avec prévenance et défendu comme étant réellement le Saint des Saints. Saint Thomas d’Aquin dit dans l’hymne Sacris solemniis : « O Seigneur, visitez-nous dans la mesure où nous vous vénérons dans ce sacrement » (sic nos Tu visita, sicut Te colimus). Nous pouvons dire sans le moindre doute : O Seigneur, vous visiterez votre Église en notre temps dans la mesure où la pratique moderne de la communion dans la main reculera et dans la mesure où nous vous offrirons des actes de réparation et d’amour. »

 

Dans l’actuelle « urgence de la pandémie COVID-19 », les horribles offenses à l’égard du Très Saint Sacrement ont encore augmenté. De nombreux diocèses à travers le monde ont imposé la communion dans la main, et dans ces lieux, le clergé, souvent de manière humiliante, refuse aux fidèles la possibilité de recevoir le Seigneur à genoux et sur la langue, faisant ainsi preuve d’un cléricalisme déplorable et affichant un comportement de néo-pélagiens rigides. En outre, dans certains endroits, l’adorable Corps eucharistique du Christ est distribué par le clergé et reçu par les fidèles avec des gants de ménage ou jetables. Le fait de toucher le Saint-Sacrement avec des gants conçus pour le traitement des ordures est un abus eucharistique inqualifiable.

 

Au vu des horribles mauvais traitements infligés à Jésus Eucharistie –continuellement piétiné à cause de la communion dans la main, au cours de laquelle de petits fragments de l’hostie tombent presque toujours sur le sol ; traité de manière minimaliste, privé de son caractère sacré, comme un biscuit, ou traité comme un déchet par l’utilisation de gants ménagers – aucun véritable évêque catholique, prêtre ou fidèle laïc ne peut rester indifférent et se contenter de rester passif.

 

Il faut lancer une croisade mondiale de réparation et de consolation du Seigneur eucharistique. Comme manière concrète d’offrir à Jésus Eucharistie des actes de réparation et de consolation dont Il a un besoin urgent, chaque catholique pourrait promettre de consacrer chaque mois au moins une heure complète à l’adoration eucharistique, soit devant le Saint Sacrement dans le tabernacle, soit devant le Saint Sacrement exposé dans l’ostensoir. La Sainte Écriture dit : « Là où le péché abonde, la grâce surabonde » (Rm. 5:20), et nous pouvons ajouter par analogie : « Là où les offenses à l’Eucharistie ont abondé, les actes de réparation surabonderont. »

 

Le jour où, dans toutes les églises du monde catholique, les fidèles recevront le Seigneur eucharistique, caché sous les espèces de la petite hostie sacrée, avec une foi véritable et un cœur pur, dans le geste biblique d’adoration (proskynesis), c’est-à-dire à genoux, et dans l’attitude d’un enfant, ouvrant la bouche et se laissant nourrir par le Christ lui-même dans un esprit d’humilité, alors sans aucun doute se rapprochera l’authentique printemps spirituel de l’Église. L’Église grandira dans la pureté de la foi catholique, dans le zèle missionnaire du salut des âmes et dans la sainteté du clergé et des fidèles. Le Seigneur visitera son Église en acte, avec ses grâces, dans la mesure où nous le vénérerons dans son ineffable sacrement d’amour (sic nos Tu visita, sicut Te colimus).

 

Dieu fasse que, grâce à la croisade eucharistique de réparation, le nombre d’adorateurs, d’amoureux, de défenseurs et de consolateurs de Jésus Eucharistie augmente. Que les deux petits apôtres eucharistiques de notre temps, saint Francisco Marto et le futur bienheureux Carlo Acutis (qui sera béatifié le 10 octobre 2020), ainsi que tous les saints de l’Eucharistie, soient les protecteurs de cette croisade eucharistique. Car voici, comme le rappelle saint Pierre Julien Eymard, la vérité irrévocable : « Un âge prospère ou décline en proportion de sa dévotion à l’Eucharistie. C’est la mesure de sa vie spirituelle, de sa foi, de sa charité et de sa vertu. »

 

+ Athanasius Schneider,

évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Sainte Marie à Astana

 

*

 

Prière de la Croisade de réparation au Cœur eucharistique de Jésus

 

Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime ! Je demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et qui ne t’aiment pas. (3 fois)

 

Ô Divin Cœur Eucharistique de Jésus, regardez-nous qui nous prosternons avec un cœur contrit et plein d’adoration devant la majesté de votre amour rédempteur dans le Très Saint Sacrement. Nous sommes prêts à réparer par l’expiation volontaire, non seulement nos offenses personnelles, mais aussi et spécialement les indignes outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels vous êtes offensés en ces temps dans le Très Saint Sacrement de votre amour divin, spécialement par la pratique de la communion dans la main et la réception de la sainte communion dans un état d’incrédulité et de péché mortel.

 

Plus l’incrédulité attentera à votre Divinité et à votre Présence réelle dans l’Eucharistie, plus nous croirons en vous et plus nous vous adorerons, ô Cœur eucharistique de Jésus, en qui réside toute la plénitude de la Divinité !

 

Plus vos sacrements seront outragés, plus nous croirons fermement en eux et plus nous voulons les recevoir avec respect, ô Cœur eucharistique de Jésus, source de vie et de sainteté !

 

Plus votre Très Saint Sacrement sera dénigré et blasphémé, plus nous le proclamerons solennellement : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime ! Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et ne vous aiment pas », ô Cœur eucharistique de Jésus, très digne de toutes les louanges !

 

Plus vous serez abandonné et oublié dans vos églises, plus nous voulons vous visiter, vous qui habitez parmi nous dans les tabernacles de nos églises, ô Cœur eucharistique de Jésus, Maison de Dieu et Porte du Ciel !

 

Plus la célébration du Sacrifice Eucharistique sera privée de son caractère sacré, plus nous voulons soutenir une célébration respectueuse de la Sainte Messe, extérieurement et intérieurement orientée vers vous, ô Cœur Eucharistique de Jésus, Tabernacle du Très-Haut !

 

Plus vous serez reçu dans la main par des communiants debout, d’une manière dépourvue de tout signe d’humilité et d’adoration, plus nous voulons vous recevoir à genoux et sur la langue, avec la petitesse du publicain et la simplicité de l’enfant, ô Cœur eucharistique de Jésus, d’une majesté infinie !

 

Plus vous serez reçu dans la Sainte Communion par des cœurs non purifiés en état de péché mortel, plus nous voulons faire des actes de contrition et purifier notre cœur par une réception fréquente du sacrement de Pénitence, ô Cœur Eucharistique de Jésus, notre Paix et notre Réconciliation !

 

Plus l’enfer travaillera à la perte des âmes, plus notre zèle pour leur salut brûlera par le feu de votre amour, ô Cœur eucharistique de Jésus, le salut de ceux qui espèrent en vous !

 

Plus la diversité des religions sera déclarée comme étant la volonté positive de Dieu et comme un droit fondé sur la nature humaine, et plus le relativisme doctrinal grandira, plus nous confesserons avec intrépidité que vous êtes l’unique Sauveur de l’humanité et l’unique chemin vers Dieu le Père, ô Cœur eucharistique de Jésus, Roi et centre de tous les cœurs !

 

Plus les autorités de l’Eglise continueront à ne pas se repentir de l’étalage des idoles païennes dans les églises, même à Rome, plus nous confesserons la vérité : « Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et des idoles ? » (2 Cor. 6:16), plus nous condamnerons avec vous « l’abomination de la désolation, établie dans le lieu saint » (Matt. 24:15), ô Cœur Eucharistique de Jésus, Temple saint de Dieu !

 

Plus vos saints commandements seront oubliés et transgressés, plus nous voulons les observer avec l’aide de votre grâce, ô Cœur eucharistique de Jésus, abîme de toutes les vertus !

 

Plus la sensualité, l’égoïsme et l’orgueil règneront parmi les hommes, plus nous voulons vous consacrer notre vie dans un esprit de sacrifice et d’abnégation, ô Cœur eucharistique de Jésus, rassasié d'opprobres !

 

Plus les portes de l’enfer s’ouvriront violemment sur votre Église et le rocher de Pierre à Rome, plus nous croirons en l’indestructibilité de votre Église, ô Cœur eucharistique de Jésus, source de toute consolation, qui n’abandonnez pas votre Église et le rocher de Pierre même dans les plus grandes tempêtes !

 

Plus les gens se sépareront les uns des autres dans la haine, la violence et l’égoïsme, plus nous voulons, en tant que membres de l’unique famille de Dieu dans l’Église, nous aimer les uns les autres en vous, ô Cœur eucharistique de Jésus, plein d'amour et de bonté !

 

Ô Divin Cœur Eucharistique de Jésus, accordez-nous votre grâce, afin que nous soyons des adorateurs fidèles et humbles, amoureux, défenseurs et consolateurs de votre Cœur Eucharistique dans cette vie, et que nous puissions recevoir les gloires de votre amour dans la vision béatifique pour l’éternité. Amen.

 

Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime ! Je demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas et ne vous aiment pas. (3 fois)

 

Notre-Dame du Saint-Sacrement, priez pour nous !

 

Saint Thomas d’Aquin, saint Pierre Julien Eymard, saint Francisco Marto, saint Padre Pio et tous les saints de l’Eucharistie, priez pour nous !

 

Écrit par Mgr Athanasius Schneider

pour cette Croisade eucharistique de réparation


© leblogdejeannesmits

Lundi 13 juillet 2020

ORDINATIONS À L'INSTITUT DU BON PASTEUR

Le samedi 4 juillet 2020, Mgr Czesław Kozon, évêque de Copenhague, a ordonné deux diacres pour l’Institut du Bon Pasteur, et six nouveaux prêtres, originaires de France, du Chili, de Colombie et du Brésil.

samedi 11 juillet 2020

Manque de vocations ?

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Le site de la Conférence des évêques de France annonce l’ordination sacerdotale de 126 hommes en 2020. Depuis les années 1970, ce chiffre est relativement stable, autour de la centaine. Si on le compare aux quelque mille ordinations annuelles de la première moitié du XXe siècle, voire aux 1500-2000 du XIXe et aux 3000-4000 sous l’Ancien Régime, il est difficile de ne pas conclure, comme on nous l’assène, à une grave « crise des vocations ».

Mais est-ce vraiment le cas ? Je ne le pense pas. Car si on ramène le nombre d’ordinations à celui des catholiques pratiquants, on s’aperçoit que l’on a, en proportion du nombre de pratiquants, plus de vocations aujourd’hui, qu’au milieu du XXe siècle et même du XIXe ! Il faut remonter avant la Révolution pour voir ce rapport s’inverser ! D’après mes calculs – approximatifs j’en conviens, mais c’est l’ordre de grandeur qui importe ici –, on compte 110 ordinations par million de pratiquants en 2020, 50 vers 1950, 80 vers 1870 et 130 vers 1770.

Une crise de la foi

Il n’y a donc pas de crise des vocations en tant que telle. Voyons plutôt le problème qui se pose : il est tout simplement le trop petit nombre de catholiques fervents. La crise que nous traversons est ainsi bien plus une crise de la foi et de sa transmission qu’une « crise des vocations », celle-ci n’étant que la conséquence de celle-là. Qu’il y ait plus de chrétiens convaincus, plus de familles rayonnant la foi, et les vocations suivront. Pour l’heure, nous avons le nombre de prêtres qui correspond à ce que nous sommes, même si cela est souvent difficile à vivre tant il est douloureux de gérer un déclin aussi général, la quantité d’églises et de paroisses, reflet d’un temps de foi plus fécond, ne correspondant plus du tout à la situation présente de l’Église de France – encore est-il heureux que l’entretien des églises, dont beaucoup de joyeux architecturaux, soit à la charge de la communauté nationale, les chrétiens seuls étant incapables de subvenir à la conservation d’un tel patrimoine.

Si l’on saisit cela, on comprend du coup combien sont vaines les solutions proposées depuis des lustres par les plus progressistes, persuadés que le « manque » de prêtres serait dû à l’austérité de la « fonction » et au refus de conférer le sacerdoce aux femmes par pure « misogynie » : permettons l’ordination d’hommes mariés et de femmes, voire le mariage des prêtres, et les ordinations repartiront à la hausse ! Outre le peu de cas qu’ils font du Magistère, ils sont tellement aveuglés par leur idéologie, qu’ils ne voient pas ni ne veulent admettre que leurs remèdes, allant toujours dans le sens du monde et de ses facilités, ne marchent pas ; partout où ils ont été appliqués par les protestants, la situation est bien pire que dans l’Église catholique ! Comment ne pas le voir, quand, inversement, tout ce qui fonctionne encore à peu près correctement dans l’Église est ce qui maintient un degré d’exigence, de continuité historique et de conformité à la tradition ?

L’action humanitaire est assurément admirable, mais aucun jeune homme appelé par Dieu ne souhaite engager sa vie dans le sacerdoce pour n’être qu’un assistant social. C’est pourquoi l’idée qui se répand de « désacraliser » le prêtre est une erreur dangereuse qui ne peut qu’aggraver les choses. Quelle foi en la Présence réelle dans l’Eucharistie, en la rémission des péchés par la confession, en l’enseignement infaillible des papes (1), quand on veut « désacraliser » le prêtre et rabaisser le sacerdoce en l’ouvrant à tout-va pour espérer davantage de candidats ?

Priorité à l’évangélisation

Cela nous ramène au problème central de notre affaire : la perte de la foi. Ce constat, simple et incontournable, devrait tracer un programme pour l’Église de France et toutes les Églises d’Europe : concentrer toutes nos forces dans le témoignage et l’annonce de l’Évangile pour ouvrir les âmes à la foi – nos contemporains, ignorant tout de la Religion en raison de la déchristianisation galopante, sont, à son égard, dans une attitude d’indifférence plus que d’hostilité. Revenons à l’exemple des Apôtres : géraient-ils une lourde administration avec moult commissions ? Se préoccupaient-ils de politique ? Non, leur unique souci était d’annoncer le Christ mort et ressuscité, et de secourir leur prochain (2).

Dans notre monde qui ne croit plus en rien, d’un horizontalisme étouffant, sans transcendance, qui n’offre aucun sens profond à notre destinée humaine – on l’a bien vu avec la pandémie du Covid-19 –, les chrétiens sous-estiment totalement leur rôle de témoins. Il ne s’agit pas de faire du « prosélytisme » agressif, mais simplement de vivre sans complexe de la foi qui nous anime et qui devrait rejaillir en une joie surnaturelle, visible, communicative…

Christophe Geffroy

(1) Jean-Paul II a mis les notes de l’infaillibilité dans la Lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis (1994) « sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes » : pourquoi, dès lors, y revenir toujours alors que le débat est définitivement clos ?
(2) Cette priorité à l’évangélisation, en notre monde qui a perdu tout repère, n’exclut ni l’enseignement morale prophétique de l’Eglise, à temps et à contre-temps (ce que Jésus lui-même a fait, sur l’indissolubilité du mariage, par exemple), ni les œuvres de charité et de solidarité avec les plus faibles, les plus pauvres…

© LA NEF n°327 Juillet-Août 2020

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vendredi 10 juillet 2020

Lecture de vacances

« Pèlerin de Chartres depuis longtemps, ces derniers temps ont été pour moi l'occasion de lancer un projet dont les développements me sont encore flous, mais dont les débuts ont été dictés par la nécessité.

Durant le confinement que j'ai vécu à Rome, j'ai terminé l'écriture d'un livret de dévotion que j'ai imprimé par la suite. Il a pour titre : Les litanies de Lorette - petit commentaire franciscain, et le père Michel Viot m'a fait la grâce d'en écrire la préface.

Il s’inscrit dans l'esprit et la pratique du pèlerinage de chrétienté : chaque invocation est commentée afin de donner au lecteur son histoire et son sens (biblique, patristique, théologique, mystique...) ainsi que des points de méditation. Son format de poche peut en faire le compagnon idéal d'un pèlerinage marial : l'essai a été fait durant le pèlerinage orléanais de cette année. »

Henri-Maximilien M CHOMPRET

 

 

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mercredi 01 juillet 2020

In memoriam Michele Madiran - Jeanne Smits

Michèle Arfel Madiran a été rappelée à Dieu au matin du 30 juin, sept ans après le décès de son époux, Jean Madiran, qui lui manquait tant. Elle est partie sans bruit au terme d’une longue maladie et de plusieurs semaines d’hospitalisation, vécues dans une grande discrétion : dans cette pudeur qui la caractérisait. Une pudeur de grande dame.

Très entourée pendant les derniers mois et semaines de sa vie, Michèle Madiran a pu recevoir les derniers sacrements. Puis la visite de dom Louis-Marie, le Très Révérend Père Abbé du Barroux, lui a permis de communier dans la maison Jeanne-Garnier à Paris où elle fut accueillie une semaine avant son entrée dans l’au-delà, devenue inéluctable. La médecine se contentait de soulager, s’effaçait devant la maladie victorieuse ; le moine bénédictin apportait des secours de valeur infinie, pour la vie éternelle qu’elle espérait.

Où elle espérait retrouver Jean Madiran…

Elle avait une belle admiration pour Jean Madiran, elle était son soutien et cela se voyait ; que de jolie complicité entre eux deux !

En regardant nos photos d’elle et lui – nous en avons quelques-unes – j’étais saisie par ce regard amoureux, presque un regard de jeune fille, que Michèle Madiran portait sur son écrivain de mari : auteur de combat, catholique des tranchées antimodernistes, homme debout pour défendre Dieu et la France, la plume à la main, jusqu’aux derniers jours de sa longue vie enracinée dans la vérité et l’amour de la patrie.

Il fallait bien un tel homme à Michèle, née en Algérie française, pied-noire passionnée, marquée à jamais par la blessure des terres perdues… Il lui fallait cet homme de foi grave, mais espiègle, aux yeux bleus pétillants, aimant le vin, la chanson, le rire et l’amitié parce que c’est aussi tout cela qui fait l’amour de la France.

Elle était la fille du Dr Legendre, pédiatre : un de ces « colons » aujourd’hui médiatiquement maudits qui vécurent là-bas au service de la population, apportant un bout de Métropole à travers l’éducation, la santé, les routes, les infrastructures, mais aussi la langue française qui lui fut léguée en héritage.

Les Legendre, c’était une lignée d’hommes et de femmes soignants. Michèle avait quatre frères et sœurs : un frère médecin ; elle-même était infirmière-chef spécialisée en neurologie. Derrière la froideur des mots, une femme pleine d’empathie et de ce que j’aurais envie de qualifier de douceur énergique. Toujours là. Toujours prête à aider.

Michèle fut très proche de sa famille par le sang. Mais aussi de sa famille d’adoption, amie de longue date de Jean Madiran : la grande famille de Jean-Claude et Dominique Absil. Les mots que me dit l’une de leurs filles en ces jours tristes de la séparation sont parlants : « C’était une deuxième maman pour nous tous. » « Elle était là quand j’étais malade ; elle était là quand j’accouchais. Nous pouvions toujours compter sur elle. » « Elle faisait partie de nous. »

Elle avait pris sous son aile un petit-fils des Absil, gravement handicapé, parce qu’il était handicapé. Jusqu’à aller, quand les circonstances devenaient trop difficiles, passer des jours et des nuits auprès de lui à l’hôpital. Charité discrète, active, enveloppante, sans l’ombre d’une contrainte.

De Michèle, je garde le souvenir lumineux d'une femme chaleureuse, amicale, droite. Je me souviens de sa voix posée, grave et rassurante. De son accueil si amical, de son humour pince-sans-rire. Du soutien, aussi, qu’elle nous apporta lorsque les choses prirent pour nous un tour difficile à “Présent”, quelques mois après le décès de Jean Madiran…

Beaucoup de prières l’ont accompagnée lors de son grand départ dans l'autre monde, le vrai. Que Dieu daigne l'accueillir et la réunir au plus vite avec ceux qu'elle a tant aimés et qui l’ont précédée là-haut, et qu’Il console ceux, si nombreux, à qui elle manque aujourd’hui.

Jeanne Smits

Semer un grain, mais pour quelle récolte ?

Dans un texte en forme de lettre en réponse au président de la République, intitulé Le matin, sème ton grain (Bayard/Mame/Le Cerf), le président de la Conférence des évêques de France (CEF) aborde quatre axes de réflexion consacrés à nos modes de vie, sans jamais remettre en question le cadre mental de la laïcité qui a réduit l’Église à une simple organisation parmi d’autres.

Les analyses affluent sur la crise sanitaire que le monde vient de traverser et sur les leçons à en tirer pour réformer nos sociétés. Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr de MoulinsBeaufort, a voulu participer à cette entreprise en publiant un court texte, en réponse à la demande de contributions adressée aux responsables des cultes par le président de la République. C’est d’emblée dire que ce texte s’inscrit dans le cadre que nos institutions républicaines laïques laissent aux phénomènes religieux : ceux-ci sont limités à la sphère de la société civile et l’État, quant à lui, prétend transcender cette dernière. À aucun moment le successeur de la longue lignée des évêques de Reims, qui ont sacré les rois de France, ne remet en cause un tel cadre mental. Il ne s’agit pas de lui jeter la pierre car tel n’était pas le propos mais il peut être intéressant de voir si, prenant la parole à partir de la place qu’on lui laisse, il en profite pour un tant soit peu faire bouger les lignes.

Le constat d’un malaise

L’auteur part d’un constat, partagé par nombre de nos contemporains : « Quelque chose ne va pas dans notre mode de vie, dans nos façons de produire et de consommer. Comment changer ? » et il ajoute : « Autre chose est possible, avec la grâce de Dieu. » Il décline ainsi réflexions et propositions selon quatre axes : mémoire, corps, liberté et hospitalité. « Je les présente, dit-il, en espérant servir ainsi à une unité nationale plus forte. »

Le premier point consiste à faire mémoire de ce que nous avons vécu lors de cette crise, notamment de la manière dont notre rapport au temps a été modifié pendant le confinement. En contraste avec l’accélération du temps dans nos modes de vie, certains ont pu goûter la richesse de l’instant présent, « vivre l’intensité du temps au lieu de se laisser happer par le rythme frénétique de la consommation et de la production ». Le président de la CEF souhaite orienter le « mémorial » de cette expérience dans deux directions. Que chacun puisse avoir un logement digne (ce qui inclut aussi l’environnement naturel) et que le repos dominical puisse être davantage honoré. D’où la proposition concrète « qu’une fois par mois un dimanche soit “confiné” partout dans notre pays : un dimanche sans voiture ou sans dépasser un certain périmètre, sans commerces, sans travail productif, où tous soient appelés à chercher des activités accessibles à pied ou à bicyclette ou en transports en commun. » Ce qui est présenté comme une « suggestion », dans « un rêve éveillé », peut être lu comme appel à une vie plus contemplative où l’on goûte davantage le fait de demeurer. Comment sortir de cette vie liquide qui nous emporte dans des flux d’images, de soucis, d’informations souvent superficielles ? Comment sortir de cette perpétuelle captation de notre attention qui nous empêche de revenir à l’essentiel et d’être disponible à la Parole de Dieu ?

Rappel de ce qu’est le bien commun

Le deuxième axe est le corps, individuel et social. Pour sauver le premier, le second a été mis à mal par le confinement de toute la population. Comment articuler ces deux dimensions du corps ? Cela permet à Mgr de Moulins Beaufort de rappeler que le bien commun n’est pas la somme des biens individuels. Il n’est pas non plus «  la somme des biens communs (système scolaire, système hospitalier, système routier, distribution de l’eau ou de l’électricité, etc.), mais le bien dans lequel tous peuvent être en communion ». Et il ajoute : « Le corps social n’a pas à satisfaire les désirs de chacun, mais il devrait aider chacun à croire en son rôle propre, malgré ses manques et ses douleurs. ». La nécessaire participation de tous à la vie commune est requise mais on doit ajouter que celle-là, pour ne pas être formelle, doit être assumée par la pratique des vertus, au premier rang desquelles se trouve la justice. L’évêque de Reims s’insurge ensuite contre la manière dont de nombreux malades et mourants ont été ostracisés, en raison de règles ne prenant pas en compte l’intégralité des dimensions de la personne. Comment accepter que les aumôniers et visiteurs aient pu parfois être considérés comme « personnel non indispensable » ? Il rappelle alors à quel point la mort est partie prenante de la vie, et en quoi notre société cherche trop souvent à l’occulter en ne la considérant que comme un échec. La tentation de l’euthanasie s’inscrit dans cet oubli du sens profond de la mort qui est un passage que tous devront un jour vivre.

Un culte parmi d’autres…

Le troisième axe concerne la liberté et là, sans surprise, Mgr de Moulins-Beaufort s’inscrit docilement dans le droit commun : « Nous n’avons jamais réclamé un privilège ou une exemption des règles communes. Nous avons simplement demandé que les règles communes à toute la société s’appliquent à tous les cultes. » Si l’on considère que le vrai culte rendu à Dieu n’est pas une activité comme une autre, pourquoi alors ne pas contester ce principe laïciste ? On voit là que le nouveau président de la CEF assume l’héritage des équipes précédentes et ne semble pas prêt à faire bouger les lignes. L’intériorisation du régime mental qu’est la laïcité semble ici très profonde. À n’en pas douter, la manière dont « l’Église de France » se présente elle-même comme un « culte », et présente le culte comme une activité qui devrait être aussi permise que le commerce ou la réunion familiale, est signifiante de la conception (libérale) qu’elle se fait de la liberté. Certes, Mgr de Moulins-Beaufort critique la manière dont l’État a utilisé son autorité mais il n’interroge pas les présupposés profonds de celle-ci. En appeler à la responsabilité des citoyens est nécessaire mais cela ne suffit pas. La liberté de l’Église a une dimension institutionnelle car elle est responsable de ses choix devant Dieu et non devant l’État. L’Église est bien antérieure à l’État et elle a trop tendance à l’oublier.

Enfin, le dernier axe porte sur l’hospitalité. Et nous avons alors droit, parmi quelques belles remarques sur le lien humain, au couplet épiscopal habituel sur les migrations, en l’occurrence à un appel à faire preuve d’hospitalité envers les immigrés sans papiers travaillant au noir ! La captation de l’hospitalité biblique pour penser le phénomène complexe des migrations est révélatrice de la confusion mentale d’une grosse partie de nos dirigeants nationaux, légitimée par les évêques. Ce n’est pas nouveau mais on aurait pu espérer que la crise de la mondialisation, dont la pandémie est un symptôme supplémentaire, puisse être l’occasion d’une prise de conscience. Il faudra attendre d’autres signes.

Thibaud Collin - Homme Nouveau n°1714 du 20 juin 2020