samedi 31 octobre 2020

COMMUNIQUE DE LA FRATERNITE SACERDOTALE SAINT-PIERRE

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En lien avec l’association l’AGRIF, l’Institut-du-Christ Roi, l’Institut-du-Bon-Pasteur, la communauté Saint-Vincent-Ferrier et l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre dépose aujourd’hui une requête en référé-liberté devant le Conseil d’Etat contre le décret du 29 octobre 2020 interdisant toute célébration religieuse publique dans les églises, alors que les écoles, les transports en commun et de nombreux commercent restent ouverts. Depuis le début de la crise sanitaire, les catholiques français ont eu à cœur de respecter fidèlement les précautions sanitaires imposées par le Gouvernement, de sorte qu’on n’a jamais entendu dire que les églises aient été des lieux de contamination. L’absence de considération, de la part du Gouvernement, pour la dimension spirituelle de l’homme et la pratique religieuse, nous montre, une fois de plus, que notre société a escamoté toute transcendance et considère la religion à l’égal du tourisme ou des loisirs. Face à ce que nous estimons être une atteinte grave à la liberté de culte, dont le Conseil d’Etat avait pourtant rappelé l’importance lors de l’arrêté du 18 mai 2020, il nous semble juste de réagir pour que les catholiques français puissent, le dimanche, assister à la messe dans le respect scrupuleux des mesures sanitaires afin de protéger les plus fragiles d’entre nous.

Notre démarche est soutenue par les associations Notre-Dame de Chrétienté, Renaissance Catholique, Oremus, le blog Le Salon Beige et le journal L’Homme Nouveau.

mardi 27 octobre 2020

« On dit que la jeunesse est faite pour le plaisir ; en réalité, elle est faite pour l’héroïsme. »

Je reviens de Rome après avoir assisté vendredi dernier, le 23 octobre, à la sixième rencontre Summorum Pontificum organisée à l’Institut de patristique Augustinianum par l'abbé Claude Barthe, Aumônier Général du Pèlerinage Summorum Pontificum, et Christian Marquant, Président d'Orémus - Paix Liturgique. Le pèlerinage était cette année perturbé mais la journée de conférences a pu se tenir contre « vents et covid », elle était comme chaque année d’un grand intérêt.

Ces rencontres sont précieuses, elles permettent au petit monde traditionnel de se réunir, de briser son isolement, de réfléchir sur nos différentes situations nationales, d’envisager des actions communes pour demain.

Après une intervention de l’abbé Barthe, nous avons entendu une passionnante et brillante conférence du Docteur Shaw, professeur de philosophie médiévale à l’université d’Oxford et président de l’association « The Latin Mass », sur « le concept de Tradition ». Le cardinal Burke est ensuite intervenu sur le thème de la sauvegarde et de la promotion de l’Usus Antiquior du rite romain. Votre serviteur a présenté l’œuvre du pèlerinage dans sa dimension missionnaire et internationale. Enfin, Christian Marquant nous a parlé du développement de la liturgie traditionnelle dans le monde.

The Latin Mass est une association en Angleterre et au pays de Galles créée en 1965 dont le but est de voir s'étendre l'usage de la messe tridentine. Cette association organisa une pétition en 1971 que le cardinal John Heenan présenta au Pape Paul VI qui attribua un Indult cette même année. Souvent appelé « Indult Agatha Christie » parce que la romancière avait signé la pétition avec beaucoup d’autres grands noms scandalisés par le gâchis de l’abandon de la messe tridentine. Dans l’« histoire » de la Messe traditionnelle, cet « Indult Agatha Christie » fut le premier pas officiel de Rome envers les catholiques attachés à la Messe de Saint Pie V quelques mois après l’entrée en vigueur du Nouveau Missel. Il est tout de même amusant de noter, 50 ans après, qu’il était alors « plus efficace » d’avancer des arguments historico-esthétiques que doctrinaux (comme l’avait fait le Bref examen critique le 5 juin 1969) et qu’il valait surtout mieux ne pas être catholique pour avoir une chance d’attendrir les autorités romaines de l’époque.

Un extrait de la conférence du Cardinal Burke « Je préfère utiliser la terminologie d’Usus Antiquior et d’usus Recentior au lieu de la forme extraordinaire et forme ordinaire afin de souligner plus fortement que la liturgie romaine est et restera toujours une part significative de la vie de l’Eglise. Si le mot extraordinaire n’est pas bien compris, on peut comprendre que la liturgie classique romaine serait inhabituelle dans la vie de l’Eglise ce qui de temps en temps se manifeste ».

Enfin, vous me pardonnerez de me citer en vous rapportant la conclusion de mon intervention :

« Je citerai enfin deux allemands, un laïc et un clerc. Martin Mosebach, le grand écrivain allemand, était venu donner une brillante conférence en 2017 ici même à l’occasion du dixième anniversaire du Motu Proprio de Benoît XVI. « L’eau doit couler, et personne qui tient la liturgie pour une composante essentielle de la Foi ne peut se dispenser de cette tâche. La liturgie EST l’Eglise ». Monseigneur Schneider dans son livre récent « Christus vincit » demande « le renouveau du culte à travers la liturgie de l’Eucharistie, la doctrine catholique servie par une catéchèse saine et sûre et sa mise en œuvre dans la vie quotidienne ». Monseigneur Schneider résume en quelques mots ce pourquoi des dizaines de milliers de pèlerins de Chartres ont pèleriné depuis près de 40 années.

Je le répète, nos pèlerins ont vingt ans, ils sont exigeants, fervents et courageux. Ils ne demandent qu’à servir, se former, s’engager. Pourquoi choisissent-ils la messe tridentine ? Mais tout simplement pour la foi.

Je terminerai cette intervention avec deux citations. La première d’un évêque des antipodes : « Ce sont les moins de 30 ans qui veulent la Messe tridentine, les plus de 50 ans veulent la Messe des jeunes le samedi soir ». Et la seconde de Paul Claudel dans une lettre à son ami Jacques Rivière : « On dit que la jeunesse est faite pour le plaisir ; en réalité, elle est faite pour l’héroïsme. »

Jean de Tauriers, Président de Notre-Dame de Chrétienté

 

 

 

 

 

 

Dimanche 25 octobre 2020

Fête du Christ Roi : Quas primas, toujours d’actualité ?

L’encyclique Quas primas a été rédigée en 1925 par le pape Pie XI, soit il y a près d’un siècle ! Alors que vient d’être publiée tout récemment la dernière encyclique du Pape François Tutti fratelli, il s’agit dans cet article de nous demander si le texte de Pie XI dont cent ans nous séparent est toujours d’actualité... Ne serait-il pas finalement plus urgent, plus profitable pour notre temps, d’extraire de Tutti fratelli (un long texte de 216 pages !) les meilleures pensées du Pape François ? La vérité se situe ailleurs : la qualité d’une réflexion se mesure à sa force prophétique et à sa capacité à se situer au-dessus du temps. S’il est trop tôt pour l’affirmer de la dernière encyclique de François – l’avenir seul nous le dira –, il est possible en revanche de l’affirmer sans fard à propos de celle de Pie XI.  Alors que l’empire de la confusion sème son ivraie au milieu du meilleur blé, la lecture ou relecture de Quas primas aura l’avantage de remettre les pendules à l’heure et les idées à l’endroit pour un grand nombre. Et en ce sens, prouvera sans peine son étonnante actualité.

Lorsqu’il rédige l’encyclique Quas primas, le pape Pie XI se fixe un objectif principal : instaurer une fête liturgique du Christ-Roi le dernier dimanche du mois d’octobre. S’il était possible d’honorer la royauté du Fils de Dieu le jour de Son épiphanie et de l’adoration des mages, le Saint-Père souhaite marquer la chrétienté au moyen d’une solennité liturgique spéciale. Le choix du dimanche n’a rien d’anodin. Estimant qu’il n’y a pas mieux qu’une solennité liturgique annuelle pour imprimer dans le peuple des fidèles des leçons divines, il oblige ainsi tous les baptisés à entendre chaque dernier dimanche d’octobre un enseignement sur la théologie du Christ Roi des nations. Son ambition ? Combattre le fléau du laïcisme en rappelant la dignité royale de Notre Seigneur Jésus-Christ : le Christ est Roi, partout, pour tous les peuples, pour toutes les sociétés. Pour Pie XI, il ne saurait y avoir en effet de paix durable tant qu’il n’y a pas de reconnaissance de la souveraineté de la “royauté sociale du Christ”. « Que sert à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme » ? Autrement dit que sert à l’Etat de chercher à bâtir la paix dans la société sans reconnaître que le Christ en est le prince. Autant travailler à construire un hôpital sans y faire régner la médecine...

En matière de paix durable, le Saint-Père s’attache à caractériser trois types d’erreurs pour mieux les dénoncer :

  • Nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations.
  • Refuser à l’Eglise son droit d’enseigner le genre humain en vue de la béatitude éternelle.
  • Assimiler la religion du Christ à toutes les fausses religions ou la placer sous l’autorité civile.

Finalement, à travers ces erreurs, on mesure combien le camp du bien et celui du mal ne se départagent pas en fonction d’un positionnement à droite ou à gauche au sein d’un hémicycle. La ligne de fracture ne se trouve pas sur un échiquier politique mais ailleurs... Dans son ouvrage L’empire du politiquement correct, l’essayiste québécois Mathieu Bock-Coté nous éclaire en citant le philosophe Paul Valéry : « Toute politique, même la plus grossière, suppose une idée de l’homme, car il s’agit de disposer de lui, de s’en servir, et même de le servir ». Oui ! La démarcation profonde entre les différentes façons d’ordonner la société se tire d’abord de la conception que l’on se fait de l’homme. Depuis le combat angélique, la chute de nos premiers parents et la trace du péché originel qui a poussé notamment Caïn à tuer Abel, on peut distinguer deux conceptions opposées de l’homme, une conception révolutionnaire et une conception contre-révolutionnaire.

Quas primas nous permet de prendre de la hauteur quant à la politique politicienne dans laquelle l’enthousiasme ou l’idéalisme peut se perdre. Le défi du règne du Christ ne dépend pas, d’abord, des jeux d’appareils ou de combinaisons électorales complexes. Il dépend d’une conception de l’homme. Depuis l’origine des temps, et la capacité d’organisation des hommes à s’établir en société, nous le savons avec saint Augustin : « Deux amours ont fait deux cités. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ». Au-delà du génie de la formule, le paradigme de l’engagement du chrétien au service de la cité n’a pas changé depuis un siècle, et c’est justement ce qui rend l’enseignement sur le Christ Roi criant d’actualité.

La conception révolutionnaire de l’homme plonge ses racines dans deux traits lucifériens : la soif d’indépendance et le goût de la révolte. L’esprit de la révolution, fondamentalement, consiste à croire que la cité idéale est réalisable ici-bas. Croire que l’homme est indéfiniment en progrès grâce à la science et la démocratie. Au final, sa bonté naturelle n’est entravée que par des structures sociales inadaptées qu’il convient, selon les écoles, d’abolir ou de modifier. Alors seulement enfin couleront pour tous le lait et le miel et, dans un merveilleux vivre-ensemble, l’agneau se couchera en paix près du lion...

Monseigneur Gaume, né en 1802 et mort en 1879, avait ainsi défini la révolution : « Si, arrachant son masque, vous lui demandez : qui es-tu ? Elle vous dira : Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme, ni l’émeute, ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public (...). Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers et moi, je suis un état permanent. Je suis la haine de tout ordre que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble. Je suis la proclamation des droits de l’homme sans souci des droits de Dieu. Je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme, au lieu de la volonté de Dieu. Je suis Dieu détrôné et l’homme à sa place, l’homme devenant à lui-même sa fin. Voilà pourquoi je m’appelle Révolution, c’est-à-dire renversement… » : l’essentiel est dit ! La révolution, c’est l’homme qui se fait Dieu. C’est l’homme qui refuse tout ordre qu’il n’a pas lui-même établi, qui refuse tout déterminisme.

A l’inverse, la doctrine du Christ Roi part du réel, celui de notre condition humaine. Elle rappelle le sens des priorités et réaffirme en quoi consiste le juste ordonnancement d’une société. En ce sens, sans doute davantage encore qu’en 1925 hélas, Quas primas apparaît plus que jamais d’actualité dans la société liquide dans laquelle nous sommes noyés. A l’heure où beaucoup sont frappés par la perte de repères solides, l’encyclique vient redire aux hommes d’aujourd’hui, de façon saisissante, une vérité largement oubliée : la cause profonde des calamités humaines réside dans le rejet du Christ de la sphère publique, privée ou familiale. Abandonnant l’évangile et l’enseignement de l’Eglise, une large part de l’humanité a préféré se livrer à elle-même pour le résultat que l’on sait. Désormais, dans leurs décisions, Dieu n’a plus voix au chapitre.

Quas primas redit l’importance du combat contre-révolutionnaire : aller à contre-courant reste l’apanage du chrétien. Dans le tumulte du combat politique et du fracas des idées, il appartient donc aux fils de l’Eglise de ne pas s’égarer sur la méthode pour bâtir le règne du Christ. Selon la formule connue de Joseph de Maistre, dans ses Considérations sur la France publiées en 1797 : « La contre révolution ne sera pas une révolution contraire mais le contraire de la Révolution ».  Blessé par le péché originel, l’homme s’il est capable de Dieu et du sublime, n’en reste pas moins fragile individuellement. Et que dire socialement. Avec la conjonction des égoïsmes individuels, des passions et de toutes ses misères, le social reste par nature le décevant puisqu’il s’agit d’un corps de péché. L’art de rendre possible ce qui est nécessaire au Bien Commun, voilà le champ d’action de la haute et véritable politique. En rappelant la préséance de la royauté du Christ sur les sociétés, Pie XI n’ambitionne pas d’appeler à la construction d’un monde parfait mais plus modestement de remettre Dieu à la première place. Ce qui est, on en conviendra, un heureux commencement. Péguy disait très bien qu’on ne construira pas le Paradis sur la terre, mais que c’est beaucoup d’empêcher l’enfer de redéborder.

Le poète de la Beauce constatait encore que « Le spirituel fait son lit de camp dans le temporel ». L’oubli de la primauté du Christ sur la société a entrainé la sécularisation d’un nombre non négligeable de catholiques. Parmi eux, beaucoup ont fini par se convaincre que l’espace d’expression la parole de l’Eglise doit se cantonner aux sacristies ou aux chaires à prêcher. Tout au long des siècles, l’Eglise s’est pourtant toujours préoccupée de la vie des hommes. Il lui importe d’éclairer les consciences des uns et les jugements des autres parce qu’elle est désireuse de permettre à la personne humaine de vivre libre sous le regard de Dieu. Quas primas nous avait prévenu des incohérences du monde contemporain. L’encyclique offre encore pour notre présent le remède « pour qu’Il règne » ! Nous aurions tort de nous limiter à de seules considérations pieuses. Si notre monde va mal, c’est parce qu’il s’est affranchi du décalogue, des repères établis, tout au long des siècles, par la civilisation occidentale et chrétienne. Ora et labora, la prière et l’action culturelle : telle doit être notre réponse d’hommes de Foi face aux égarements de la postmodernité. « Malheur à l’insensé qui bâtit sa maison sur du sable ». Depuis le Christ, rien n’a changé. La parole du chrétien doit être celle qui donne du sens, qui revient au réel, qui s’inscrit dans le temps long parce qu’elle s’appuie sur le Christ Roi.

Le 1er juin 1941, le Pie XII rappelait, à l’occasion d’un discours prononcé le jour anniversaire des 50 ans de l’encyclique sociale du Pape Léon XIII Rerum Novarum, que « de la forme donnée à la société, conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le Bien ou le mal des âmes ». En appelant les baptisés à reconnaître et étendre le règne du Christ ici-bas, l’encyclique Quas Primas redit combien la politique, plutôt que de chercher à construire le paradis sur terre, consiste à endiguer le mal. Et, qu’en endiguant le mal, incontestablement le bien s’en trouve encouragé.

 

mercredi 21 octobre 2020

Annulation événement

Amis pèlerins, 

En raison de la situation sanitaire et des mesures de restriction, nous sommes au regret de devoir annuler notre Journée d'Amitié Chrétienne initialement prévue le samedi 21 novembre 2020.

 

 

vendredi 09 octobre 2020

Ce qu'elle a vu a tout changé : un film au coeur de l'actualité

Unplanned

Jeune étudiante issue d’une famille catholique, Abby Johnson s’engage comme bénévole au Planning Familial américain pour aider les femmes en détresse et défendre leurs droits. Son ardeur, son professionnalisme et sa détermination vont la propulser dans une carrière brillante de directrice de clinique du Planning Familial et porte-paroles du mouvement, jusqu’au jour où tout bascule… après 22 000 avortements pratiqués sous son autorité, elle vit l’expérience d’assister en direct sur un moniteur de contrôle à un avortement par aspiration à la 13ième semaine. La violence de ce qu’elle voit la sort avec la même brutalité de sa méprise sur la vérité de ses combats : de militante des droits de la femme, elle deviendra une pierre angulaire des mouvements pro-vie aux Etats-unis.

De facture très américaine, ce film d’inspiration autobiographique, n’en reste pas moins bouleversant. Il illustre bien les déviations éthiques inévitables d’un droit des femmes aussi biaisé que sacralisé : « un enfant si je veux quand je veux », comme l’exprime parfaitement le titre.

Rien n’est caché au regard du spectateur de la violence de l’acte, les metteurs en scène ont d’ailleurs sollicité parmi leurs acteurs un chirurgien qui avait pratiqué plus de 1000 avortements au-delà du 2ième trimestre de grossesse et une infirmière spécialisée : ce film est destiné à un public d’une certaine maturité, et pour les grands adolescents il nécessite à l’évidence d’être accompagné.

Unplanned incarne parfaitement le paradoxe de la psychologie humaine dévoyée par la certitude et la volonté de faire le bien alors même qu’elle pose des actes intrinsèquement mauvais dont elle n’est même plus consciente, et c’est là bien tout l’enjeu du film.

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » pourrait résumer Unplanned : Abby Johnson est victime de la manipulation d’autorités politiques à l’idéologie mortifère et au diktat économique qui base toute la captation et l’activisme de ses agents du crime sur le chantage affectif.

Nul ne peut regarder ce film sans penser au Docteur Dor qui nous a quittés cette année : la reconnaissance par la directrice du planning familial  de l’impact des prières et des mobilisations devant les mouroirs infantiles sur le taux de fréquentation des salles d’avortement ne peut que rendre hommage à ce qui aura été le combat de tout une vie pour le Docteur Dor. Ne pas juger les femmes sous emprise mais les accompagner, combattre les instances supérieures seules responsables, sauver les enfants.

En ces jours de vote de l’allongement des délais de l’avortement, ce film est à promouvoir pour réveiller les consciences : il n’est jamais trop tard, le combat doit se poursuivre.

Unplanned, sorti en salle le 1er octobre, disponible en e-billet, ici

 

 

jeudi 08 octobre 2020

J'en avais rêvé, les moines me l’ont donné...

Samedi 3 Octobre, il est 10h, il pleut, il fait froid, je ne sais plus très bien pourquoi j’ai pris cette décision de faire une retraite : est-ce le sentiment d’une dette à honorer pour n’avoir pas marché vers Chartres à la Pentecôte ? Le besoin de fuir une lourdeur ambiante ? La soif d’autre chose ? Deux jours de silence… est-ce vraiment ce dont j’ai envie ?

« Il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints » ! L’Abbé Garnier n’y va pas de main morte pour introduire ces deux jours de retraite prêchée sur la sainteté. Nous sommes loin des considérations sur les contraintes sanitaires qui submergent notre quotidien : l’objectif n’est pas ici de prendre soin de soi, mais de prendre soin du Bon Dieu, de le rejoindre dans la confiance qu’Il place en nous pour réaliser ce à quoi Il nous a appelés. C’est tout simplement ça la sainteté : un chemin d’amour, né et enrichi de l’attirance envers Dieu comme source première du Bien, de l’immensité de Sa bienveillance paternelle, de la volonté de faire non seulement ce qui est bon, mais encore mieux, ce qui Lui plait et de fuir le péché comme l’instinct de survie répugne à la maladie.

« Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit » : portables coupés, pas d’internet, ni sms, whatsapp, ni réseaux sociaux, l’on s’abandonne peu à peu… «  Vous êtes reçus ici comme le Christ » nous dit en souriant le Père Hôtelier en ouvrant grand ses bras pour nous inviter à rejoindre pour les femmes et les couples, de jolies petites maisons qui bordent l’abbaye, et pour les hommes qui le souhaitent, l’hôtellerie des moines. Les deux jours seront rythmés par des enseignements entrecoupés d’offices ; le temps est suspendu, en silence nous oscillons entre l’abbatiale, le confessionnal, la librairie, l’atelier de poterie, les enseignements de l’Abbé et la Lectio Divina de Dom Pateau qui témoigne ainsi de son accueil profondément paternel. Soigner l’âme sans négliger le corps : les nuits sont profondément reposantes et les repas savoureux, servis à table en même temps que quelques bonnes vies de saints !

Des enseignements concrets dans un langage très imagé : l’Abbé Garnier semble féru de voiture… « on ne monte pas en voiture pour rester du bon côté de la ligne jaune mais pour avancer, atteindre le but (l’amour de Dieu), avec du carburant (le Saint Esprit), un bon GPS (une conscience chrétienne bien formée dans la lumière de la Vérité), avec un volant (la prudence), une boite de vitesse (la tempérance), des rétroviseurs (la justice), un accélérateur (la force et la patience), un moteur (la charité), des phares (la foi, avec une fonction anti brouillard), des essuie glace (la contrition, la componction et la pénitence), des amortisseurs (l’Espérance théologale pour absorber les chocs), une bonne assurance (la Vierge Marie) et des dépanneurs / panneaux indicateurs, les prêtres ». La finalité et le mode d’emploi sont autrement plus simples et engageants que celui du port des masques et du respect des distances sociales assurant le grade de bon citoyen…

Mais la route est-elle fiable ? L’Eglise est-elle vraiment sainte et donc à suivre malgré tous les scandales qui l’ont éclaboussée, la baisse des vocations, la ruine du culte, la fermeture des églises et le refus de la communion par peur de la maladie…? « Oui !, nous répond l’Abbé, le Christ a promis l’indéfectibilité de l’Eglise mais n’a jamais promis que tous les hommes d’Eglise prendraient les meilleures décisions possibles. L’Eglise est donc bien sainte car son fondateur Jésus-Christ est Saint : elle est sainte par sa doctrine, par son culte, sa loi de charité, de justice et de miséricorde, la sainteté de certains de ses enfants », rappelant les propos de l’Abbé Coiffet : « Ce n’est pas nous qui sauvons l’Eglise, c’est l’Eglise qui nous sauve ». Devant les imperfections de sa gouvernance, il suffit donc de rester lucide sans devenir amer. Le chrétien n’est pas un mouton de panurge mais une brebis du troupeau du Seigneur, et même s’il se doit d’être respectueux, il est libre !  Quelle bouffée d’oxygène que de l’entendre dire …

Les saints français sont ceux de la confiance (Brasillach), les saints du XXIIème siècle seront ceux de l’Espérance. En soldats du Christ (Peguy), sachons être de paisibles insatisfaits, capables de bousculer mais aussi d’accueillir les épreuves comme des purifications pour la vie théologale lorsque les choses ne dépendent pas de nous : la sainteté est un don de Dieu, elle est la confiance absolue dans la plénitude des bienfaits qu’Il nous donne. Pratiquons l’écologie spirituelle en cultivant des zones de sainteté comme nous y invite Benoît XVI : des espaces pour la liturgie, des exercices de piété, des pèlerinages qui sont autant des forces de résistance que des zones de protection et de rayonnement du Bien.

Quel meilleur remède à la morosité que de se retirer du monde pendant 48h pour tourner les yeux vers le Ciel ? Nous étions particulièrement nombreux cette année à tel point que les inscriptions ont été assez vite fermées : le vide anesthésiant que nous imposent nos gouvernants n’y est sûrement pas pour rien. La main de Dieu est omniprésente à Fontgombault : du murmure de ses chants grégoriens à la lumière tamisée de ses vitraux, de la chaleur si paradoxale de ses murs glacés à la douceur paternelle de ses confessions. Tant de grandeur et de simplicité donnent des ailes, celles de devenir saint ! 

Un retraitant

 

mercredi 07 octobre 2020

In Memoriam Dom Antoine Forgeot.

Le 15 août dernier, nous réapprenions l'Assomption de la Très Sainte Vierge Marie. Et nous apprenions le départ de Dom Forgeot à l'éternité.

Il est difficile d'écrire sur un Père Abbé, un religieux dont la première caractéristique est l'humilité et le «retrait du monde». Autant gloser sur la vie cachée du Seigneur à Nazareth... Toutefois nous avons les Evangiles dont celui de St Luc sur cette période de la vie du Seigneur. De même nous avons quelques aperçus sur la vie monastique bénédictine. Et quelques confidences recueillies nous permettent de saluer d'ores et déjà la mémoire du Père Abbé émérite. En attendant, s'il plait à Dieu, la parution d'une biographie plus ample et détaillée.

Dom Antoine Forgeot est né au sein d'une famille basque, comptant plusieurs militaires[1]. Il avait fait profession dans l'ordre de Saint Benoit, le 15 août 1955, et avait été ordonné prêtre en 1964. 3 attitudes nous retiendront surtout ici ; douce fermeté, humilité et joie.

Douce fermeté

Comme ses prédecesseurs, Dom Forgeot eut à cœur de maintenir une « via media », dans la double fidélité aux traditions monastiques bénédictines et au Saint Siège. Il rejoignait là-dessus la pensée et l'action du Cardinal Ratzinger, qui était venu présider un colloque sur la liturgie à l'Abbaye, en 2001. Devenu pape, et recevant Dom Pateau et son prédecesseur, Benoit XVI avait seulement dit au nouveau supérieur; « Demeurez fidèle à l'héritage du cher Père Abbé ».

L'abbaye était une de ces micro-chrétientés devenues aujourd'hui vitales[2], des «zones de protection et de résistance[3]» évoquées par le Saint Père. Cette fidélité étant indissociable de la fécondité spirituelle, Fontgombault deviendra sous son abbatiat « mère » de 3 abbayes filles ; Randol, Triors[4], Clear Creek, Gaussan (puis Donezan).

Humilité

Elu et installé en 1977 comme 3Ème Abbé de Fontgombault[5], après Dom Edouard Roux et Dom Jean Roy, il se voulait héritier de Dom Gueranger, Dom Delatte, et Mère Cécile Bruyère.

La bénédiction abbatiale est constitutive (donnée une fois pour toute, perpétuellement, à une personne), l'exercice de la charge est transmissible. Ceux qui ont exercé une charge et l'ont transmise ensuite connaissent le dernier temps de l'autorité; l'effacement. Dom Forgeot a connu cet effacement. Il faut une vraie maturité spirituelle pour reprendre alors sa place dans un ensemble que l'on a conduit auparavant. Maturité d'autant plus grande que l'on a plus intensément exercé cette charge. En effet, le rayonnement d'une abbaye et de son supérieur, en temps de crise dans l'Eglise et la  vie religieuse, dépasse souvent la clôture. Combien de communautés naissantes ou éprouvées, de familles, de clercs et de fidèles ont trouvé une oasis à l'Abbaye, et un conseil, un encouragement, une lumière auprès de son Abbé...

Cette humilité transparaissait peut-être spécialement chez lui dans la célébration de la messe. Il était tout en même temps effacé derrière le Christ Prêtre en la Personne duquel il agissait – et pleinement absorbé, appliqué, imprégné du Saint Sacrifice qu'il offrait.  «Lorsqu'on voyait le Père Abbé célébrer, on était frappé à la fois par sa grande fidélité aux rubriques liturgiques, et aussi par son intériorité, par son effacement pour être le plus transparent possible au mystère. Il était comme une fenêtre ouverte sur Dieu[6]».

Joie

Cette allégresse spirituelle qu'évoque la Règle, il en était irradié, et irradiant, notamment dans son regard pétillant et vif. Il avait dit simplement, avec un air malicieux, en donnant l'accolade à un frère nouvellement entré ; «Ah, enfin... Depuis le temps que je vous attendais!»

Oubli de soi.

Dans les derniers jours, Dom Forgeot avait dit comme en passant, à qui demandait des nouvelles de sa santé; «Oh, ça ne va pas...» Puis, tout juste après, il avait repris un autre sujet. Comme si parler de soi lui avait échappé.

2 jours avant son décès, il a été hospitalisé pour des difficultés respiratoires. Après plusieurs réanimations, il s'est éteint. Son corps transferé à l'abbaye a été veillé par ses frères de la communauté, de son retour à ses funérailles. En effet, la charité des moines « fait corps » visiblement dans la prière autour de chaque membre lors des étapes majeures de sa vie religieuse – et notamment au jour de son entrée à l'éternité. Ce jour, nos anciens dans la foi, éclairés et affermis par l'esperance et les fins dernières, l'appellent « dies natalis », anniversaire de naissance.

 

Touchante coincidence, Dom Forgeot a été rappelé à Dieu le 15 août. « Assomption de la Ste Vierge Marie... Fruit du Mystère ; la grâce d'une bonne mort », dit-on au fil du Rosaire...

Cette expression parle-t-elle encore ? L'instant ultime ne nous appartient pas absolument ; « on ne connait ni le jour ni l'heure ». Or l'enjeu est de taille, puisqu'à cet instant, l'âme se sépare du corps. Et dans cet état fixe et définitif, elle paraît devant Dieu son souverain juge. Moment clé donc, qu'on ne peut assurer complètement par soi-même. Mais par une autre, bien et mieux placée que nous. « Priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort »... Oui, c'est bien Notre Dame qui prie pour que l'instant où l'âme se sépare du corps soit aussi l'instant où elle est unie par la grâce à son Créateur.

Il avait développé cette demande de l'Ave Maria dans une belle prière inspirée, pleine de tendresse filiale et virile;

« Notre-Dame du Bien-Mourir, Mère de Jésus et notre Mère, c’est avec la simplicité des petits enfants que nous venons à vous pour vous confier nos derniers instants et notre mort. (…) Mais pour que nous puissions affronter dans la paix cette ultime épreuve, si rude à notre nature, soyez aussi pour nous Notre-Dame du Bien-Vivre. » Parmi les milliers de personnes qui la récitaient chaque jour, j'ai connu un colonel de troupes de marine qui avait souvent cotoyé de près ce passage à l'éternité.

Le chrétien ne devance pas l'heure de Dieu, et le temps de l'Eglise. Il laisse place à son jugement. Mais il peut demander, dans l'esperance, « le lieu de rafraichissement, de lumière et de paix » pour l'un de ses frères. Et il peut prier Dieu de manifester selon sa volonté aux hommes l'union achevée d'une âme avec Lui. De manière privée, individuelle et discrète, mais de tout cœur.

Nous confions le repos de l'âme de Dom Forgeot à la Mère de Miséricorde. Il achevait aux pieds de cette Reine du ciel chaque jour de sa vie terrestre... Alors, achever le « jour de cette vie ici-bas » le 15 août est sans doute  l'ultime regard miséricordieux de Notre Dame posé sur son fils, comme un clin d'oeil maternel et providentiel. Requiescat in pace, amen !

 

 


[1]            Auguste Forgeot (1874-1927), lieutenant-colonel d'artillerie et maire-adjoint d'Anglet, lui-même fils du Colonel d'artillerie Lucien Forgeot.

[2]            L'Homme Nouveau rapporte judicieusement les mots de Dom Forgeot sur l'institution monastique « qui donne l’exemple d’une petite société chrétienne, dans laquelle tout est organisé pour que soit reconnue la Royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ : saint Benoît ne veut dans son monastère que des gens décidés à militer pour le Seigneur Christ, le vrai Roi, il le dit dès le début de sa Règle. »

[3]    Benoit XVI, Le sel de la terre. Entretiens avec Peter Seewald.

[4]            La fondation a demeuré sous Dom Jean Roy. Elle fut conclue par Dom Antoine Forgeot, qui procéda à la nomination et l’installation de son premier Abbé en la fête de l’Annonciation 1981.

[5]            Depuis 1948, date de la reprise de la vie bénédictine à l'Abbaye.

[6]    Dom Jean PATEAU, Article in memoriam à Famille Chrétienne.