IDENTITÉ CHRÉTIENNE DE L'EUROPE

Affaire des crucifix : 20 pays européens soutiennent l’Italie contre la décision de la "Cour Européenne des Droits de l’Homme"

C'est un combat de la plus haute importance qui se joue sous nos yeux, combat contre la mise en place, sous couvert des institutions européennes, d'un "totalitarisme du relativisme". C'est pourquoi il faut saluer l'action des 20 pays qui ont décidé de soutenir l'Italie dans l'Affaire des crucifix.

Nous reproduisons ci-dessous l'article paru dans le quotidien "Présent" - n° 7141 du vendredi 23 juillet 2010

Sur le même sujet on lira aussi le billet du Salon Beige.


Une analyse du Centre européen pour la loi et la justice (ECLJ)

Nous reproduisons ci-dessous l’essentiel de la teneur du communiqué de l’ECLJ, organisme de défense des valeurs traditionnelles auprès de divers organismes internationaux, et plus spécialement le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). On se souviendra qu’un arrêt de chambre de celle-ci a condamné l’Italie à la demande d’une militante athée qui ne supportait pas que ses deux jeunes fils collégiens soient « exposés » dans leur classe à l’école publique italienne qu’ils fréquentaient à un crucifix fixé au mur. Cet arrêt a fait l’objet d’une procédure d’appel qui a vu dix pays européens se joindre à la démarche de l’Italie pour intervenir devant la Grande chambre de la CEDH en tant que tierces parties intéressées, tandis que l’ECLJ intervenait elle aussi avec ce statut d’amicus curiae mieux connu sous les cieux anglo-saxons que sous les nôtres.
Depuis l’audience qui s’est déroulée le 30 juin dernier – et en attendant l’arrêt qui a été mis en délibéré, en principe jusqu’à l’automne – dix autres pays ont manifesté par divers moyens leur soutien à l’Italie et sa défense du crucifix dans les lieux publics. C’est une mobilisation sans précédent, et pour une cause réellement fondamentale puisqu’il s’agit d’affirmer l’enracinement chrétien de l’Europe et son droit de prendre appui sur ces racines. – J.-S.

Au total, vingt pays ont donc jugé utile de manifester publiquement leur adhésion à ce combat ; les voici par ordre alphabétique : Albanie, Autriche, Arménie, Bulgarie, Chypre, Croatie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Macédoine (ARYM), Malte, Moldavie, Monaco, Pologne, Roumanie, Fédération de Russie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Ukraine.

L’affaire Lautsi contre Italie, qui est le nom technique de « l’affaire des crucifix », a une importance considérable. Cette importance n’est pas seulement politique et juridique, elle est aussi spirituelle. Cette affaire est devenue un symbole dans le conflit actuel relatif à l’avenir de l’identité culturelle et religieuse de l’Europe. Conflit qui oppose les partisans de la laïcisation complète de la société et les tenants d’une Europe ouverte et fidèle à son identité profonde. Face à cette tentative de « déchristianisation », vingt pays européens, dans une démarche réellement sans précédent, se sont joints à l’Italie pour réaffirmer la légitimité particulière du christianisme dans la société et l’identité européenne.

L’affaire Lautsi a fait scandale à travers l’Europe suite à la condamnation de l’Italie par la Cour européenne des droits de l’homme au motif que la présence des crucifix dans les salles de classe d’écoles publiques violerait les « droits de l’homme » et plus précisément la liberté de conviction des parents d’élèves et leur droit à ce que leurs enfants reçoivent un enseignement conforme à leurs convictions philosophiques. Jusqu’alors, la Cour avait toujours considéré à l’inverse que les Etats sont libres en ce domaine, qu’il convient de respecter leur culture et leur tradition, et que la seule limite à ne pas franchir était de soumettre les élèves à un endoctrinement ou à un prosélytisme abusif. Ainsi, selon la Cour, les Etats européens se devraient dorénavant d’être areligieux (neutralité confessionnelle) afin de servir le « pluralisme », lequel serait le ressort constitutif de la « société démocratique ».

En d’autres termes, comme le note Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ, « la Cour affirme dans l’arrêt Lautsi qu’une société, pour être démocratique, doit renoncer à son identité religieuse : c’est du pur sécularisme ».

Trois semaines après l’audience devant la Grande Chambre de la Cour de Strasbourg, il apparaît chaque jour plus nettement qu’une victoire réellement considérable a été remportée contre la dynamique de la « sécularisation ». Si, juridiquement, l’Italie n’a pas encore gagné, politiquement, elle a de fait déjà remporté une victoire magistrale. En effet, à ce jour, pas moins de vingt pays européens ont apporté leur soutien officiel à l’Italie en défendant publiquement la légitimité de la présence de symboles chrétiens dans la société et notamment dans les écoles.

Dans un premier temps, dix pays sont entrés dans l’affaire Lautsi comme « tiers intervenants » (amicus curiae). Chacun de ces pays – l’Arménie, la Bulgarie, Chypre, la Grèce, la Lituanie, Malte, Monaco, la Roumanie, la Fédération de Russie et Saint-Marin – a remis à la Cour un mémoire écrit l’invitant à revenir sur sa première décision. Ces mémoires ont non seulement un intérêt juridique, mais ils sont d’abord de remarquables témoignages de défense de leur patrimoine et de leur identité face à l’imposition d’un modèle culturel unique. La Lituanie par exemple n’a pas hésité à mettre en parallèle l’arrêt Lautsi avec la persécution religieuse qu’elle a subie et qui se manifestait notamment par l’interdiction des symboles religieux.

A ces dix pays, dix autres se sont à ce jour ajoutés. En effet, les gouvernements de l’Albanie, de l’Autriche, de la Croatie, de la Hongrie, de la Macédoine (ARYM), de la Moldavie, de la Pologne, de la Serbie, de la Slovaquie et de l’Ukraine ont publiquement mis en cause le jugement de la Cour et demandé que les identités et traditions religieuses nationales soient respectées. Plusieurs gouvernements ont insisté sur le fait que cette identité religieuse est à la source des valeurs et de l’unité européennes.

Ainsi, avec l’Italie, c’est déjà près de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe (21 sur 47) qui s’est publiquement opposée à cette tentative de laïcisation forcée des écoles et qui a affirmé la légitimité sociale du christianisme dans la société européenne. Derrière les arguments réels de défense des identités, des cultures et des traditions chrétiennes nationales, ces vingt Etats ont de fait publiquement affirmé et défendu leur attachement au Christ lui-même ; ils ont rappelé qu’il est conforme au bien commun que le Christ soit présent et honoré dans la société.

Cette coalition, qui regroupe presque toute l’Europe centrale et orientale, fait apparaître la permanence d’une division culturelle interne à l’Europe ; elle montre aussi que cette division peut être surmontée, comme en témoigne l’importance du soutien apporté à l’Italie par des pays de tradition orthodoxe, quelle que soit leur orientation politique du moment. L’importance du soutien apporté par des pays de tradition orthodoxe résulte en grande partie de la détermination du Patriarcat de Moscou à se défendre contre la progression du laïcisme. Mettant en œuvre la demande du patriarche Cyrille de Moscou visant à « unir les Eglises chrétiennes contre l’avancée du sécularisme », le métropolite Hilarion a proposé la constitution d’une « alliance stratégique entre catholiques et orthodoxes » en vue de défendre ensemble la tradition chrétienne « contre le sécularisme, le libéralisme et le relativisme qui prévalent dans l’Europe moderne » (Interview Inside the Vatican, 24 avril 2005).

Ce phénomène important indique que la « transition démocratique » à l’Est ne s’est pas accompagnée de la « transition culturelle » largement souhaitée par l’Ouest. On assiste aujourd’hui plutôt à un mouvement inverse de réaffirmation identitaire qui passe par une forme de restauration du modèle orthodoxe de relation entre l’Eglise et le pouvoir civil.

En outre, ce soutien massif venu de l’Est est susceptible d’annoncer un bouleversement dans la dynamique de construction culturelle de l’unité européenne. En effet, on a toujours pensé que l’unité européenne se ferait inéluctablement d’Ouest en Est, par une « conquête de l’Est » au libéralisme économique et culturel occidental. Or, événement rare, l’affaire Lautsi a provoqué un mouvement inverse d’Est en Ouest. L’Est de l’Europe, en s’appuyant sur le catholicisme, s’oppose à l’Ouest pour la défense de la culture chrétienne et d’une juste conception de la liberté religieuse. Comme le fait remarquer Grégor Puppinck, Directeur de l’ECLJ, « manifestement, les défenseurs de la liberté face au matérialisme ne sont plus là où ils étaient ».