JEAN MADIRAN : CHRONIQUES SOUS BENOIT XVI

Bonnes pages : deux articles de novembre 2009

2010.07.01_Madiran_chroniques_c.JPGVoici quelques semaines nous vous avons conseillé de "partir en vacances avec du Madiran", vous invitant à profiter de l'été pour lire le dernier livre de Jean Madiran, "Chroniques sous Benoît XVI" (Editions Via Romana, 430 pages, 34 €).

Pour ceux qui n'auraient pas encore suivi ce conseil il est encore temps de passer à l'action. Pour vous encourager voici, sous forme de "bonnes feuilles", deux articles sur "le missel 2010" publiés les 13 et 14 novembre derniers, que vous retrouverez aux pages 393 à 396.





Version pdf : 2009.11.13_Madiran_Le_missel_2010.pdf

Le missel pour 2010 est arrivé (I)
Des omissions obstinées dans la messe en français


  • L’année liturgique commence avec le premier dimanche de l’Avent, qui tombe cette fois le 29 novembre. Notre épiscopat édite, pour sa messe en français, un Missel des dimanches qui change chaque année : puisque le monde change, la liturgie doit changer elle aussi, ainsi l’a voulu, paraît-il, « le Concile » (Vatican II).
  • Ce qui pourtant ne change pas, c’est qu’il s’agit toujours d’un missel devenu apatride, malgré les protestations qu’il provoque depuis des années. La France est privée de ses saintes patronnes, comme si déjà elle n’existait plus, anéantie par l’évolution mondialiste.
  • A l’intention des catholiques pratiquants qui risquent désormais de l’ignorer si, depuis trente-six ans, ils vont chaque dimanche à la messe en français et y amènent leurs enfants, rappelons ici que la France a dans le Ciel trois saintes patronnes, qui lui ont été très officiellement attribuées par la Papauté. Il y a d’abord la «patronne principale», qui est Notre-Dame de l’Assomption et dont la fête est le 15 août. Et deux « patronnes secondaires »: sainte Jeanne d’Arc, solennité le second dimanche de mai, et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, fêtée le 1er octobre par la messe en français (mais le 3 octobre par la messe traditionnelle). La solennité de Jeanne d’Arc a été la première abandonnée par l’épiscopat. Les autres ont suivi, il n’a même pas respecté la relation privilégiée de la Sainte Vierge avec les Français.
  • Pourquoi ces suppressions ? On pense d’abord qu’il pourrait s’agir d’un scrupule rationaliste devant l’idée audacieuse que les saints du Ciel puissent exercer un « patronage » sur nos activités terrestres. Cette idée relèverait d’un passé périmé, tributaire d’un contexte culturel hideusement médiéval.
  • Mais cette explication par un simple silence n’est pas tenable. Elle a contre elle le témoignage de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : la messe en français lui reconnaît le titre de « patronne des missions ». C’est seulement son patronage français qui a été retranché.
  • On imagine alors que le titre de patronne « des missions » a été maintenu parce qu’il s’agit d’un patronage religieux, tandis que le patronage de la nation française serait de nature trop politique. Explication insoutenable elle aussi, puisque si la France a perdu ses patronnes, « l’Europe » au contraire en a été comblée. La messe en français célèbre le 23 juillet « sainte Brigitte, patronne de l’Europe » ; elle célèbre le 9 août « sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, patronne de l’Europe », et elle n’oublie pas de fêter le 11 juillet « saint Benoit, patron de l’Europe » (que la messe traditionnelle fête le 21 mars).
  • Peut-être ne s’agit-il pas forcément d’une volonté délibérée de rendre rigoureusement apatride le missel de la messe en français. Une autre hypothèse explicative est possible. Il faudrait comprendre que l’épiscopat français respecte les décisions pontificales dans tous les cas où la France n’est pas directement concernée mais, par une déviation nationaliste inattendue, veut réputer nul et non avenu ce qui est décidé par le Pape pour la France sans le consentement préalable de la collégialité épiscopale française. Comme pour le catéchisme.
  • Quelles que soient les intentions, il y a les résultats, et les responsables de ces résultats. La « nouvelle gouvernance de l’Église de France », comme dit La Croix, est représentée en l’occurrence par Mgr Le Gall, « président de la Commission épiscopale pour la liturgie ». C’est lui qui donne chaque année l’imprimatur au Missel des dimanches. Lisez bien : Mgr Robert Le Gall (avec deux l), archevêque de Toulouse, à ne pas confondre avec Mgr Patrick Le Gal (avec un seul l). Si le missel en français est devenu apatride, il n’est pas anonyme. « Les auteurs » sont mentionnés en page 2 : un dominicain, un bénédictin, un curé de paroisse, un diacre et six laïcs, et par-dessus tous ceux-là, Mgr Le Gall qui les cautionne au nom de l’épiscopat. Il faudra bien que ces responsables en viennent un jour ou l’autre à faire connaître les raisons de tant d’anomalie.


Jean Madiran - "Présent" – n° 6967 – 13 novembre 2009


Le missel pour 2010 est arrivé (II)
Une liste des fêtes qui s’est beaucoup allongée


La suppression obstinée, par l’épiscopat français, des fêtes patronales de la France, est compensée, dans le Missel des dimanches, par l’arrivée en masse de fêtes que l’on n’avait jamais vues, avant la messe en français, s’introduire parmi les célébrations catholiques. Nous lisons dans ce « missel » :

  • Le 29 novembre 2009 : « Dans la communauté musulmane, Aid al Kabir, fête du sacrifice du bélier qu’Abraham a immolé en remplacement de son fils. »
  • Du 12 au 19 décembre : « Fête juive de Hanoukkah commémorant la victoire des Maccabées et la nouvelle dédicace de l’autel du temple de Jérusalem après sa profanation par les Grecs en 160 avant notre ère. »
  • Le 18 décembre : « Fête du nouvel an pour la communauté musulmane. »
  • Le 27 février 2010 : « Fête juive de Pourrim où la communauté fait mémoire du jeûne d’Esther, lorsque le peuple a été libéré du projet d’extermination des juifs exilés en Perse. »
  • Page 192 : « Il y a quatorze siècles, en 610, Mahomet, alors simple caravanier, commença à prêcher pour ramener le peuple de La Mecque à la religion du Dieu unique et lui enseigner la soumission à la volonté divine. »
  • Le 21 mars : « Collecte des dons pour le CCFD. »
  • Le 19 mai : « Fête juive de Chavouot, fête des moissons et du don de la Loi. »
  • Le 12 août « commence pour les musulmans le mois de jeûne du Ramadan ».
  • Le 18 septembre « la communauté juive célèbre le grand pardon, Yom Kippour, le jour le plus solennel de l’année, consacré à l’expiation des péchés ».
  • Du 23 septembre au 1er octobre, « dans la communauté juive, fête de Soukkot ou des Tentes, commémorant le séjour au désert lors de l’Exode ».
  • Dernier dimanche d’octobre : « Fête de la Réformation. »

Ce n’est plus un missel

  • Un missel, dit le Littré, est le « livre ecclésiastique qui contient les messes propres aux différents jours et fêtes de l’année ». Selon le Grand Larousse, c’est le « livre qui contient les prières de la messe ». Selon le Grand et le Petit Robert, il s’agit bien du « livre liturgique qui contient les prières et les lectures nécessaires à la célébration de la messe pour l’année entière ». Et si l’on trouve ces références sémantiques trop exclusivement profanes, interrogeons le Dictionnaire de la foi chrétienne publié par les très catholiques Editions du Cerf, il confirme que le missel est bien un « livre liturgique contenant les textes et les rubriques pour la célébration de la messe ».
  • Je laisse à de plus savants le soin de décider quelle qualification juridique et morale mérite donc le (soi-disant) Missel des dimanches 2010 : « abus de confiance » ? « tromperie sur la marchandise » ? ou quelque autre ? En tout cas le fait est là : ce prétendu missel contient aussi d’autres choses que les « textes et rubriques pour la célébration de la messe ». Il serait plus honnête de lui donner désormais un autre titre que celui de « missel ». Simple suggestion à l’adresse de Mgr Robert Le Gall.
  • Aux plus savants je laisse aussi la charge d’examiner si les insuffisances théologiques de cette messe modernissime ont été réellement corrigées. Limitons-nous ici à quelques-unes des observations qui peuvent sauter aux yeux du simple laïc. Par exemple, page 65, nous apprenons que dans la messe en français, ce sont « les fidèles qui vont donner la communion », sans aucune mention des supposées « circonstances exceptionnelles » qui avaient naguère servi de prétexte (provisoire) pour introduire cette communion laïcisée. Elle est devenue le rite ordinaire et obligatoire de la messe en français. On remarquera aussi la suppression obstinée du « consubstantiel » dans le Credo. Cette suppression dans la messe en français est antérieure de plusieurs années à la promulgation d’une messe nouvelle par Paul VI : par quoi l’on voit qu’en France, le vrai problème n’est pas purement et simplement celui de la messe de Paul VI, mais en outre et surtout celui d’une messe particulière, et particulièrement inacceptable : la messe en français, la messe de notre épiscopat, à nulle autre pareille.


Jean Madiran - "Présent" – n° 6968 – 14 novembre 2009