Une recension du livre de Jean Madiran "CHRONIQUES SOUS BENOÎT XVI"

Dans "Présent" daté du samedi 21 août

Jean Madiran - “Chroniques sous Benoît XVI”
Un penseur et un combattant de la contre-révolution

Les éditions Via Romana nous ont offert cet été un florilège des éditoriaux et chroniques publiés par Jean Madiran depuis l’avènement de Benoît XVI (avril 2005) jusqu’à janvier 2010. Des textes que les lecteurs de Présent connaissent certes déjà, mais auxquels le fait d’être rassemblés et regroupés en un volume donne la force compacte et redoutable d’une colonne militaire bardée d’un formidable armement doctrinal. Un corps de troupe se déployant en front de bataille contre les mensonges et les impostures du monde moderne. Si ces dernières années Jean Madiran a pris quelques distances avec l’actualité politicienne, se consacrant tout entier à la défense de l’Eglise et à une lutte quasi exclusive contre ce que le blog de Christophe Saint-Placide nomme la « débâcle liturgique », il retrouve néanmoins épisodiquement, par le biais souvent de son combat religieux, les problèmes politiques. Et notamment le problème numéro un de la France d’aujourd’hui : l’immigration massive et ses deux corollaires, l’insécurité insurrectionnelle qui en découle ainsi que l’islamisation rampante de nos institutions. Mais ses observations et analyses, qu’elles soient politiques ou religieuses, ou les deux à la fois, Jean Madiran les formule toujours en journaliste dialecticien, capable de relier les événements d’un trait de plume fulgurant, et d’en exposer les conséquences dans une incomparable clarté de pensée et d’expression.

Le 27 septembre le cardinal Etchegaray déclarait dans un entretien : « Ce qui me frappe, c’est de constater qu’en Europe occidentale il ne suffit plus de réfléchir sur la présence de plus en plus massive de musulmans, mais sur l’implantation institutionnelle de l’islam dans notre société. » On en est déjà là, en effet, à ce stade avancé où la charia revendique sa place dans nos institutions. Jean Madiran commentait : « On est passé de la présence massive à l’implantation institutionnelle. (…) La “présence massive” n’était pas un bien. Quand elle évolue en “implantation institutionnelle”, le mal s’aggrave. Il y avait déjà cette croissante et massive présence de populations en majorité musulmanes, légalement ou illégalement entrées en France. C’est un grand malheur : nous ne pouvons les loger, les nourrir, les soigner, les instruire tous qu’au détriment des Français les plus pauvres. Et même ainsi, on finit par ne plus y arriver. » Ce poids de l’immigration musulmane sur nos institutions est devenu tel qu’aujourd’hui même les dévots du politiquement correct, sauf ceux bien sûr que leur idéologie aveugle, sont obligés de s’en apercevoir. « Implantation institutionnelle ». C’est-à-dire, pour parler franchement, islamisation. « Le mot est moins savant, il est mieux compris, il fait peur, la censure médiatique le récuse et le supprime comme étant “islamophobe”. Mais quand la présence massive devient “implantation institutionnelle”, quelles que soient les circonlocutions employées, c’est bien d’une islamisation qu’il s’agit. »

Septembre 2006… C’est la période où les Etats islamistes exigeaient avec une arrogance extravagante des excuses de Benoît XVI . « Ce sont les ministres des Affaires étrangères de 56 Etats musulmans de l’OCI, réunis à New-York en marge de l’Assemblée générale des nations unies. Mardi dernier ils ont réitéré leurs exigences, ils réclament que Benoît XVI présente des excuses et qu’il retire ou corrige son discours du 12 septembre sur l’islam et la raison (…). Même si l’on interprète les analyses faites dans le discours de Benoît XVI comme comportant une critique de l’islam, il ne s’agit point d’une déclaration de guerre ou d’une invective, mais d’une critique théologique concernant les rapports théoriques entre la croyance et la raison. Et c’est cela que l’islam ne peut pas supporter. Le pape Benoît XVI, dans son discours du 12 septembre, a exprimé une partie de ce qu’a toujours été la pensée catholique sur l’islam. Si erreur il y a, c’est une erreur théologique, relevant d’une réfutation également théologique. Mais voici les musulmans qui prétendent censurer le discours religieux du pape. Ce ne sont pas des extrémistes, ce ne sont pas des “islamistes”, qui énoncent une telle prétention. Ce sont 56 Etats musulmans de l’OI. C’est l’islam tel qu’il se parle. L’islam “modéré” ? (…) La bonne volonté vaticane semble avoir ainsi voulu prendre acte du fait qu’elle ne rencontrait dans le monde islamique aucune réciprocité. Modéré ou pas, l’islam est ce qu’il est. » L’islam dans sa véritable nature, conquérante et intolérante. Historiquement haineuse et revancharde à l’égard de l’Occident chrétien…

En juillet 2007, l’évêque d’Augsbourg, Mgr Walter Mixa, déclarait, toujours à propos de réciprocité : « Dans les pays majoritairement musulmans, les chrétiens n’ont à ce jour quasiment pas le droit d’exister. Si cela ne change pas, on sera en droit de dire aux musulmans, en toute amitié : – En ce cas il n’y a pas lieu d’avoir en Allemagne de grandes mosquées d’aspect ostentatoire, avec de hauts minarets, car il devrait suffire aux musulmans, dans un pays de tradition et de culture chrétiennes, d’avoir des lieux de prière modestes. » Ce qui est déjà infiniment plus que ce à quoi les chrétiens ont droit en terre musulmane. Bien heureux encore quand les mahométans leur laissent le droit de vivre…

Quand au Secrétaire particulier de Benoît XVI, le P. Georg Gänswein, il avertit : « Il ne faut pas minimiser les tentatives d’islamisation de l’Occident. Le danger qui en découle pour l’identité de l’Europe ne doit pas être ignoré sous prétexte d’une prévenance faussement compréhensive. »

Mais ces sonneurs de tocsin n’auront trouvé en France, pour la plupart, qu’une seule caisse de résonance : Présent.

Les partisans de la repentance unilatérale devraient aussi méditer la réflexion de l’ancien Premier ministre espagnol José Maria Aznar : « Je n’ai jamais entendu un musulman présenter ses excuses pour avoir occupé l’Espagne pendant huit siècles… Pour quelle raison devons-nous toujours demander pardon et eux jamais ? » Au nom des droits de l’homme maçonniques, bien sûr. Et de la vision marxiste-léniniste de l’Histoire…

Un an auparavant, Nicolas Sarkozy, dans son discours du 19 septembre 2005, assurait tout au contraire que la France « doit s’adapter » à la réalité d’une présence musulmane (et non pas la présence musulmane s’adapter à la France). Tout un programme. Celui d’un monde déboussolé, aux règles inversées et contre-nature. Mais ce programme d’asservissement, contrairement aux vaines promesses des politiciens en campagne, est déjà lui en voie de réalisation.

D’une émeute l’autre, de plus en plus de Français, confrontés à l’évidence, se rendent compte aujourd’hui que l’intégration a échoué. Même le président de la République ne peut plus le cacher (voir son discours de Grenoble). Un échec cuisant qui signifie « que ces populations (…) sont restées, avec ou sans naturalisations, des populations étrangères : étrangères par leur volonté farouchement allogène, par leur refus d’assimilation, par leurs mœurs et coutumes, par leurs pratiques religieuses ». Parmi les causes profondes de cette situation insurrectionnelle il y a certes l’économie illicite – drogue, racket, travail clandestin – et l’activisme de minorités religieuses ou politiques extrémistes. Mais il y a surtout « cette immigration massive et incontrôlée depuis trente ans, qui est la cause des causes » (...).

La revendication qui résonne toutefois avec le plus de force et de vigueur tout au long de ces chroniques, c’est évidemment celle que Jean Madiran adresse depuis quarante ans à l’épiscopat français : « Rendez-nous la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne, selon le missel romain de saint Pie V. » Cette messe traditionnelle qui a été « frappée d’une interdiction illégale, injuste, nulle de plein droit. Elle était le fait d’une coutume immémoriale que le Pape lui-même ne pouvait abolir… »

Deux autres réclamations sont également répétées et sans cesse recommencées avec la même persévérance. Elles concernent : « le petit catéchisme pour enfants baptisés » et l’Ecriture, dans « sa version et son interprétation traditionnelles ». « L’interdiction odieuse mais durable de la messe traditionnelle à partir de 1969-1970 n’est pas le seul abus de pouvoir de cette sorte. Elle a été précédée d’une autre, aussi abusive, aussi grave : l’interdiction générale, dans les diocèses français (et chez leurs imitateurs étrangers) de tous les catéchismes anté-conciliaires. » Pour remettre dans l’ordre les restitutions exigées : L’Ecriture, le Petit Catéchisme, la messe traditionnelle…

Dans ses Chroniques sous Benoît XVI, Jean Madiran, par la force des choses, est souvent amené à prendre la défense du Pape actuel contre une partie du clergé. Ainsi le 15 mars 2007 (page 144) écrit-il dans Présent : « Il est bien vrai que dans la plupart des pays d’Europe la quasi-totalité des élus, des dirigeants, des représentants officiels de l’opinion catholique, par leurs propos et par leurs actes, inciteraient le pape à reprendre à son compte la complainte de Rutebeuf :

Que sont mes cathos devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Je crois qu’ils se sont clairsemés
N’en vois que peu à mon côté
Le vent, je crois, les a ôtés
Ce sont cathos que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Sont emportés

« En France notamment, en Italie, au Portugal, le vent a soufflé très fort dans le sens de l’avortement, de l’euthanasie, de la promotion institutionnelle de l’homosexualité, de la privatisation de la foi chrétienne. » Ce vent mauvais qui souffle sur la chrétienté, Jean Madiran le nomme : modernisme ! « Les élites intellectuelles et sociales du catholicisme vivent aujourd’hui sous la domination d’un modernisme d’une gravité jamais atteinte auparavant. » L’auteur use d’un mot plus précis : Néo-Modernisme. « Je ne l’emploie que par référence à Maritain déclarant dès le lendemain du concile, que l’Eglise (…) entrait dans un néo-modernisme auprès duquel le modernisme du temps de Saint Pie X paraîtrait un modeste rhume des foins. »
Un modernisme qui prend sa source dans la pensée de Teilhard de Chardin : « Au bout de deux mille ans, c’est inévitable. L’humanité est en train de muer. Comment le christianisme ne devrait-il pas le faire ? »

A ce clergé trop vulnérable à la pensée marxiste-léniniste et theilhardienne, Jean Madiran rappelle que « la politique est le monde clos du mensonge ». Et rappelle aussi pourquoi : « Elle l’est devenue aux mains de la démocratie moderne, instrument idéologique de la ténébreuse alliance entre le socialisme apatride et la fortune anonyme et vagabonde : ténébreuse alliance qui réduit les peuples chrétiens en servitude, la servitude de l’argent-roi. »

Pour les nécessités de la polémique, Jean Madiran n’hésite pas à affûter l’impeccable classicisme de son style – il écrit la langue de Bossuet, où la clarté de l’écriture jaillit d’une exacte adéquation de la phrase et de l’idée – de quelques traits d’humour, extrêmement tranchants. En font tout particulièrement les frais Michel Kubler (ex-rédacteur en chef religieux du quotidien La Croix), la journaliste franco-italienne Catherine Panzoni, Le Pomadin qu’il décline en Pomadin-Magazine et en Pomadin-Madame, le goguenard cardinal André Vingt-Trois et quelques autres… Nicolas Sarkozy n’échappe pas non plus aux jets de ses sarcasmes : « Ce président qui entend “lutter contre toute espèce de discrimination” est aussi celui dont la politique met en œuvre une préférence étrangère qu’il assume en tant que discrimination positive. Ce président qui a fait campagne avec un vocabulaire carrément nationaliste est aussi celui qui surpasse tout le monde en matière d’européo-mondialisme. » (...)

Jean Madiran, Chroniques sous Benoît XVI, Editions Via Romana, 425 pages.

JEAN COCHET