Mgr. Ravel, évêque aux Armées, rappelle le vrai sens de la laïcité

Mercu au Salon beige pour les extraits choisis de cette lettre pastorale

Mgr Ravel rappelle le vrai sens de la laïcité


2011.03.01_Mgr._Ravel_a.jpg Dans une lettre pastorale sur les rapports entre les religions dans l'Etat, Mgr Luc Ravel, évêque aux Armées, prend soin de définir la laïcité :

"Reprenons à grands traits la notion catholique de laïcité dont le fondement tient dans cette formule du concile Vatican II : « autonomie des réalités terrestres. » (Gaudium et Spes)
Selon la pensée catholique, la laïcité est d'abord dans les choses elles-mêmes : constater ce que sont les choses avec leurs lois propres et leurs modes singuliers de comportement assoit la juste appréciation de cette laïcité inscrite dans l’être des choses par le Dieu Créateur. La théologie de la création, en effet, rend compte de la qualité de « laïque » qui appartient à toute chose créée : choses matérielles régies par les lois physiques à la précision extrême ; choses spirituelles marquées du sceau de la liberté ; choses matérielles et spirituelles, tout à la fois, soumises au jeu complexe de la nécessité et de la liberté. Nulle grâce ne vient endeuiller ou ternir ces principes et les règles propres à chaque chose. Si toute réalité individuelle est ‘laïque’ par essence, les réalités plurielles, faites de diversité de choses, ne perdent pas cette qualité. Ainsi de la réalité politique composée d’hommes multiples. Le caractère ‘laïque’ d’une réalité ne s’oppose pas à Dieu et à son pouvoir d’alliance puisque Dieu lui-même a voulu et a fait les choses ‘laïques’ c'est-à-dire à distance de lui pour qu’elles aient leur consistance propre. La foi catholique affirme que l’acte de création n’est pas une émanation ou une diffraction de l’Etre divin mais un acte précis qui pose une chose dans l’être, non pas séparée de Dieu (qui en reste la source) mais différente de Lui (qui est le Tout Autre). Dieu est sans nulle proportion avec les choses qui sont, et les choses qu’Il a faites sont autres que Lui. (...) A cette théologie chrétienne de la laïcité s’opposent les visions panthéistes à travers lesquelles les choses et Dieu se confondent : la réunion totale de l’ensemble des créatures ne coïncide pas avec Dieu. A cette perspective biblique s'opposent aussi les visions qui ne pensent pas ce lien de Dieu aux choses selon la modalité de la distance, soit parce qu’elles ne peuvent accéder à la notion de création soit parce qu’elles ne voient pas Dieu dans sa transcendance. (...)
Ce caractère ‘laïque’ des réalités créées se tire de cette mise à distance sans séparation : chacune joue son rôle et accomplit sa vocation à travers un jeu plus ou moins mesurable de causes et d’effets. Apparemment Dieu n’y touche pas ou, pour le dire comme un scientifique, le physicien Laplace, « l’hypothèse Dieu est inutile ». Et il avait raison dans son ordre d'intelligence scientifique. Mais ce serait mal comprendre le sacré chrétien que d’y voir un abandon par Dieu de son oeuvre comme un certain déisme l’avait laissé entendre. Dieu ne joue pas au billard avec le monde : les images de l’artisan qui crée et laisse ensuite son oeuvre à elle-même sont très imprécises et porteuses de plus de malentendus que des vérités claires. L’action de Dieu dans les choses ‘laïques’ continue d’entretenir l’être et le mouvement propres de chaque réalité. Mais Dieu porte avec discrétion le cosmos tout entier en laissant l’homme découvrir un ordre magnifique imprimé dans les choses : en scrutant par la recherche ou en contemplant par l’admiration chaque chose, l’homme, stupéfait de son propre pouvoir et de la cohérence de la chose, perçoit la densité, la consistance, le mouvement particulier inhérent à l’être lui-même. Bref, la laïcité des choses évacue un « totalitarisme divin » sur le monde, elle donne aux réalités d’être davantage qu’une prolongation confite en divin ou une image évanescente, une sorte de songe dont il faudrait se déprendre pour atteindre Celui-là seul qui vaudrait quelque chose.
(...) La laïcité athée, celle qui s’est enfermée dans le dogme de l’athéisme, perd son pouvoir fécondant : car si l'autonomie de l'homme est saine, son indépendance vis à vis de Dieu va la rendre folle. Nous voilà au coeur du mystère que nous nommons du désordre et du « salut »."