Génocide vendéen : la découverte fondamentale de Reynald Secher

Le génocide vendéen a été voulu, organisé, piloté par la Révolution

Le génocide vendéen a été voulu, organisé, piloté par la Révolution

A propos du nouveau livre de Reynald Secher qui sort ce samedi

"Vendée, du génocide au mémoricide" , édition Le Cerf, 448 pages

A commander auprès de www.reynald-secher-editions.com

2011.10.08_Secher_couv.jpg Voilà un livre qui devrait faire du bruit. Un livre qui montre et démontre que le massacre de 117 000 Vendéens – hommes, femmes, enfants, vieillards – à partir de l’automne 1793, dans des conditions d’indicible horreur, n’est pas la conséquence d’un excès de zèle, de la folie sanguinaire de quelques-uns ou d’une sorte de « légitime défense » de la Révolution et de la République naissante. Non : ce crime, matrice de tous les génocides contemporains, a été pensé avant d’être perpétré, préparé avec minutie et réalisé sous le regard vigilant du Comité de Salut public. Celui-ci a donné des ordres précis ; il a pu suivre leur mise en œuvre grâce aux fréquentes remontées d’informations du terrain. Tout a été voulu ; tout a été décidé sans états d’âme. Les signatures de Robespierre, de Carnot, de Barère, de Billaud-Varenne et bien d’autres en attestent : ce fut une œuvre collective, conjointe, concertée.
Signatures ? Mais oui. C’est une consultation fortuite aux Archives nationales qui a mis l’historien Reynald Secher sur le chemin de cette découverte majeure, qui accuse à tout jamais non plus des hommes mais un système qui prétendait instituer la liberté, l’égalité et la fraternité pour fabriquer un « homme nouveau ». Il a trouvé des petits bouts de papiers conservés avec zèle, mais sans grand ordre et sans explications, certains portant des signatures du Comité de Salut public, d’autres datés depuis l’Eure, la Mayenne, le Morbihan… Un mot y revient souvent. « Exterminez. » « Exterminez les brigands. » Exterminer la « race impure » des Vendéens qui menacent la République – affamés, malades, fuyant les Colonnes infernales, massés dans le plus grand « camp de concentration » de la Révolution – Nantes –, en déroute à Savenay, cherchant refuge au Mans.
Depuis le Morbihan, la commission administrative acquiesce, ni plus, ni moins : « Il faut que la France soit république, ou qu’elle soit un vaste cimetière. »
2011.10.08_Secher_illustration_2.jpg La découverte va bouleverser Reynald Secher. Patiemment, il photographie chacun de ces petits papiers, autant de preuves irréfutables de la volonté génocidaire, froide, calculatrice et légale qui a conduit à des massacres atroces et des destructions systématiques. Au sud de la Loire, soucieux d’exécuter les ordres de stopper toute velléité de poursuite du soulèvement vendéen, le général Turreau est à l’œuvre et rend compte. C’est la Vendée qui est visée, toute la Vendée, au risque de tuer des « Bleus » – peu importe. Il n’y a plus de « bon » Vendéen, fût-il révolutionnaire. Lorsque plus tard, accusé d’avoir été au-delà de ce qui lui était ordonné, Turreau se défend en se défaussant sur les ordres de Paris et de ceux qui gouvernent, il ne se livre pas seulement à un exercice d’autojustification : il dit vrai. En affirmant que le Comité de Salut public lui a ordonné de tuer tous les Vendéens et de procéder à la destruction de la Vendée, il parle le langage même des « petits papiers » qui ont mis en place la mécanique du génocide. Cela est désormais certain.
Au nord de la Loire, les choses sont prises en main depuis Paris. Il faut empêcher la « contagion » – peur qui en dit long sur la manière dont les révolutionnaires se perçoivent, et perçoivent la manière dont le bonheur qu’ils promettent est redouté et combattu par les braves gens.
Au Comité de Salut public, pour régler l’affaire du Mans, on a poussé le cynisme jusqu’à retenir les forces révolutionnaires pour qu’elles aient le temps de se rassembler, de se masser, de frapper un grand coup, un seul mais définitif. De jour en jour les billets se suivent et se ressemblent : le Comité suit les opérations depuis Paris, organise le ravitaillement, accueille avec la plus grande satisfaction les rapports victorieux de ceux qui se vantent d’avoir massacré femmes et enfants, cette « vermine » coupable.
La récente découverte de charniers de Vendéens au Mans atteste de la violence de cette phase de l’extermination et de son caractère aveugle puisqu’elle frappe femmes, enfants, vieillards… C’était prévu.
La lecture de ces billets, entre emphase et froideur administrative, soulève le cœur. J’ai vu toutes ces photos. Un lourd classeur qui, page à page, déroule un panorama de haine et d’absence totale d’humanité en vue d’organiser le massacre de Français par d’autres Français. Mais il fallait aller au-delà de ces sentiments de dégoût et de révolte. C’est que qu’a fait Reynald Secher en répertoriant, en classant, en retranscrivant ces « petits bouts de papier » jusqu’ici inédits pour changer à jamais le regard sur le génocide vendéen, que nul, désormais, ne saurait nier sans s’en avouer d’une façon ou d’une autre complice.
Il en a tiré une œuvre véritablement universitaire qui relève autant de la réflexion et de l’analyse que du puzzle reconstitué – car tout cela s’inscrit dans l’histoire connue et la confirme, à commencer par le décret-loi de la Convention du 1er octobre 1793 ordonnant « l’extermination des brigands de la Vendée ».
Les choses sont claires : il ne s’agissait pas seulement d’une figure de style pour viser ceux qui s’étaient armés contre la conscription et contre la République, mais d’une réalité sanglante dont les plaies n’ont jamais pu se refermer…

Rien que pour cela, il faut lire le livre de Reynald Secher.

Il dégage en effet – et cela avait été son premier objectif avant qu’il ne s’enrichisse des découvertes décrites plus haut – une notion souvent inséparable des génocides contemporains, le mémoricide. A savoir, quand les génocidés sont aussi des vaincus, l’éradication de leur mémoire : elle devient invisible parce que les bourreaux n’en veulent pas, nient toute culpabilité voire justifient leur action. Comme les historiens robespierristes qui tiennent le haut du pavé, et qui mentent effrontément, depuis Jules Michelet ; comme tous ces politiques qui n’envisagent pas de laisser dire la vérité parce qu’elle met directement en cause ce qu’ils représentent, ce à quoi ils s’accrochent.
C’est pourquoi, en annonçant que ce livre allait faire du bruit, j’ai peut-être parlé un peu vite. L’occultation fait partie de ce mémoricide, elle est efficace, elle est omniprésente. Elle l’était dès l’origine puisque le geste chrétien et héroïque de Bonchamps blessé à mort qui demanda « grâce pour les prisonniers », grâce pour les milliers de Bleus, fut immédiatement tabou du côté des républicains. Les prisonniers n’étaient pas peu coupables de s’être laissé libérer par les Blancs !
Le mémoricide va plus loin, comme on l’a vu aussi en Arménie, et dans bien des pays communistes. Il brouille les pistes, met bourreaux et victimes sur le même plan – et rend même ces dernières « coupables » des atrocités qu’elles ont subies. Tout est de leur faute, ils n’avaient qu’à ne pas être là ! Une deuxième postface signée Hélène Piralian analyse cette deuxième mise à mort en profondeur.
Et l’important cahier iconographique en apporte la preuve ; des places Carnot, il y en a jusqu’en Vendée ; les rues Robespierre foisonnent, il y a un lycée à son nom à Arras (opportunément sis « avenue des Fusillés » !), il y a des lycées Carnot dans plusieurs villes de France. Les bourreaux ne sont pas honnis, ils sont honorés, donnés en exemple. Westermann qui, triomphant, eut le privilège de faire ainsi son rapport à Paris, a lui aussi ses rues et ses hommages républicains : « Il n’y a plus de Vendée, Citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre libre avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré les femmes qui, au moins, pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. Un chef des brigands, nommé Désigny, a été tué par un maréchal des logis. Mes hussards ont tous à la queue de leurs chevaux des lambeaux d’étendards brigands. Les routes sont semées de cadavres. Il y en a tant que sur plusieurs endroits ils font pyramide. On fusille sans cesse à Savenay car à chaque instant il arrive des brigands qui prétendent se rendre prisonniers. »
Suivant les ordres que vous m’avez donnés… Là encore, il disait vrai.

Que signifie tout cela pour la France d’aujourd’hui ? Eh bien, un devoir de vérité, un devoir de reconnaissance, un devoir de justice envers une population qui a été génocidée par des hommes dont aujourd’hui nos hommes politiques se réclament ; plus de celui-ci ou de celui-là, peut-être, mais toujours de théoriciens de l’anéantissement qui ont inventé et donné les plans pour tous les massacres idéologiques des siècles suivants. Jusqu’à l’utilisation des gaz pour rationaliser la tuerie, jusqu’aux tanneries de peau humaine – à Angers, à Meaux – pour la rentabiliser.
Nos hommes politiques se réclament de leurs slogans et de leurs principes, ils voient dans cette République qui s’est construite sur des « pyramides de cadavres » le ferment d’unité qui forge l’identité française aujourd’hui. Pourront-ils encore le faire sans récuser explicitement les abominations qu’on a commises en son nom ? Pourront-ils continuer d’ignorer l’avertissement de Soljenitsyne en Vendée – longuement citée – qui lumineusement, faisait le lien entre l’incohérence de la trilogie « liberté, égalité, fraternité » et les mots qui la chargeaient d’emblée de tous les dangers : « ou la mort… » Et qui montrait combien tous les génocides ont pris modèle sur ce qui se passa en Vendée.
La question n’est plus de savoir si l’on parlera de ce livre. Il faut en faire parler.

JEANNE SMITS
Article extrait du n° 7450 de "Présent" du samedi 8 octobre 2011

La préface de Gilles-William Goldnadel

Elle est explosive. Elle analyse, accuse, tire toutes les leçons du livre de Reynald Secher. Il faut la lire attentivement, elle rompt avec un certain silence, un certain discours. Le président de France-Israël n’hésite pas à écrire : « Si Hitler a été jugé et condamné, si les lieutenants de Pol Pot sont en cours de jugement sur les lieux mêmes de leur crime, Robespierre, Talaat Pacha, Lénine, Staline, Mao, etc., sont vierges de tout jugement et bénéficient d’une certaine indulgence, voire d’une sympathie, dans nos milieux intellectuels et politiques : Robespierre, entre autres, sur l’Arc de Triomphe à travers des noms comme ceux de Turreau, le commandant en chef des colonnes infernales en charge de l’anéantissement de la Vendée militaire et de l’extermination des Vendéens ; Talaat Pacha sur la colline de la Liberté à Istanbul où se trouve son mausolée, Lénine sur la place Rouge à Moscou, Staline dans le métro moscovite, Mao dont le portrait trône toujours sur le fronton de la porte de la Paix céleste sur la grande place de Tienanmen, etc. Que dirions-nous si au centre de Dachau on avait dénommé une rue Himmler ? Cette seule pensée est insoutenable. Alors comment a-t-on pu donner des noms de rues à Lazare Carnot, y compris en pleine Vendée qu’il a exterminée, des noms de lycée à Robespierre, etc. Depuis toujours, l’histoire républicaine est bonne fille envers les excès d’une révolution à considérer comme un bloc, selon la formule consacrée par Clemenceau. »
Et plus loin il ose conclure : « A l’heure actuelle, de fait, nous sommes devenus complices de ces bourreaux, (…) nous avons fait nôtre le génocide des Vendéens. (…) Comment pouvons-nous prétendre nous donner en exemple ? »