Les évêques et le syndrome de Stockholm

Rémi Fontaine

Un article de Rémi Fontaine


L’affaire de la riposte catholique aux blasphèmes aura illustré une nouvelle fois la dérive qui est celle de l’Eglise « qui est en France ». L’amour évangélique de son ennemi et donc de son geôlier ou bourreau éventuel n’est pas synonyme du syndrome de Stockholm, selon une confusion que manifestent trop souvent certains de nos évêques.
D’après Wikipédia, le syndrome de Stockholm désigne « la propension des personnes partageant longtemps la vie de leurs geoliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers ». Benoît XVI a eu récemment un autre mot pour dénoncer ce syndrome qui peut atteindre tous les captifs, mais touche plus particulièrement la plupart de nos évêques englués dans la laïcité à la française : le « relativisme subliminal » qui se traduit notamment par une « autosécularisation » des clercs.
Après Jean-Paul II, le Saint-Père l’a suffisamment développé : le catholicisme est aujourd’hui pris en otage par le totalitarisme sournois du laïcisme ou de la démocratie moderne. Notre foi et la culture qui la soutient y trouvent assurément leur place, mais une place d’otages, une place de captifs dans un nouveau Panthéon totalitaire qui les aliène (la foi et la culture chrétiennes) et les rend étrangères à leur vocation et au devoir de se libérer de cette emprise.
En temps de guerre, le devoir d’un prisonnier n’est-il pas de s’évader et de favoriser ceux qui veulent l’y aider ? C’est en quelque sorte le spectacle contraire qu’offre aujourd’hui le président de la conférence épiscopale envers les militants catholiques qui tentent de sortir de la culture de mort et des structures de péché qui nous conditionnent et nous enferment dans une voie mortelle de décivilisation. Que ce soit sur le plan de l’avortement et de la bioéthique, de la famille et de l’école, de la philosophie, de la culture et de l’art contemporains… Assurément, on reconnaît bien qu’on est otage quelque part, car on ne peut pas aller jusqu’à ce déni de réalité. On finit même par accepter de s’associer à la chaîne de prière (provie) réclamée par le souverain pontife. On dit parfois, ici ou là, des choses excellentes du point de vue pastoral contre le laïcisme régnant. Mais dès que des militants chrétiens (avec leurs faiblesses éventuelles) proposent d’aller temporellement un peu plus loin dans la voie de la libération, on retombe inévitablement dans ce syndrome de Stockholm qui fait inexorablement condamner ces militants comme extrémistes. Et exprimer une empathie idéologique avec le geôlier malin du christianisme, dont on emploie le vocabulaire et la dialectique. On le voit ici avec l’art contemporain blasphématoire et le cas ridiculement controversé de Castelluci. Mais combien de fois, n’a-t-on pas vu cette empathie d’un côté et ces anathèmes de l’autre à propos des résistants provie, de ceux la liberté de l’enseignement, bref des légitimes dissidents chrétiens de tous ordres, défendant notamment les principes non-négociables de Benoît XVI ? Je renvoie au Livre noir des évêques de France avec la repentance emblématique de Mgr Santier en Vendée (p. 139).

Empathie avec son geôlier, agressivité avec ceux qui veulent en sortir !

Un dernier exemple révélateur de ce syndrome à travers une citation éloquente de Jacques de Guillebon, adéquate dans son ton agressif à l’esprit des évêques en général contre nous : « Ça commence à suffire. Je refuse, et je suis loin d’être le seul, et nous sommes très nombreux, qu’une poignée de défenseurs autoproclamés de l’honneur du Christ prenne en otage ma foi et ma confession. Ce spectacle lamentable de jeunes gens dépourvus de libre-arbitre autant qu’incapables de la moindre réflexion esthétique, qui défilent, grognent et insultent, en sus d’être lassant, ridiculise généralement l’intelligence catholique que vingt siècles ont construite. »
Ainsi, selon maints évêques (pas tous heureusement), la foi et la confession catholiques seraient aujourd’hui davantage menacées et prises en otage par cette poignée trop facilement qualifiée d’« intégristes » – le mot (servilement correct) qui tue ! – que par l’idéologie dominante de la dictature du relativisme !
On reconnaît dans cette démesure flagrante le syndrome de Stockholm. Lequel débouche quelquefois sur le syndrome fameux du Pont de la rivière Kwaï, quand on en vient à faire carrément le jeu de l’ennemi. Mais ceci est encore une autre histoire, comme dirait Kipling…

REMI FONTAINE

Article extrait du n° 7475 du mercredi 16 novembre 2011