Mgr Marc Aillet dénonce l'anticléricalisme de nos gouvernants : Il y a du 1905 dans l'air

Sans langue de buis ... (tribune libre dans le Figaro)

Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, écrit une tribune dans le Figaro :


"Le discours fondateur de François Hollande au Bourget, au début de sa campagne électorale, avait donné le ton: constitutionnalisation de la loi de 1905 en introduction ; conclusion sur «la démocratie plus forte que les religions et la finance» érigées symétriquement en adversaires par excellence du futur président. À l'agressivité se mêlait l'approximation: il avait fallu revenir en arrière dès la présentation du «projet présidentiel», le jeudi suivant, pour limiter la constitutionnalisation de loi de 1905 à son titre I et mentionner l'exception des départements concordataires. Les premiers contacts entre l'Église et la nouvelle majorité ont été courtois et «professionnels». L'Église est spontanément et même délibérément légitimiste avec les pouvoirs publics, tout en faisant entendre sa différence, en toute transparence, sur les sujets éthiques qui lui tiennent à cœur. On devrait pouvoir en démocratie, échanger des opinions divergentes tout en se respectant.

Puis commença la phase opérationnelle du débat sur «le mariage pour tous». Beaucoup d'évêques et d'associations, confessionnelles ou non, ont fait entendre leur opposition à ce projet déstructurant pour la société, tout en rappelant leur respect à l'égard des personnes. Qu'ont dit ces opposants? En substance «une famille ce n'est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune. C'est l'articulation et l'institutionnalisation de la différence des sexes. C'est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre», pour citer Mme Élisabeth Guigou, garde des Sceaux socialiste en 1998…

Et voici que le rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale, dans un enthousiasme brutal qui rappelle le congrès du PS à Valence en 1981 («il ne suffit pas de dire comme Robespierre que des têtes vont tomber…»), mène des auditions délibérément partiales. Quand les «responsables de cultes» sont invités à s'exprimer devant la commission le 29 novembre dernier, c'est pour que des Fouquier-Tinville aux petits pieds leur fassent longuement et violemment la leçon en ne leur laissant pratiquement aucun droit de réponse. Alors que la Fédération protestante de France est habituellement partagée sur les sujets éthiques, c'est son président, le pasteur Claude Baty, qui a protesté le plus fermement contre ce fonctionnement irrespectueux et finalement antidémocratique.

Mme Cécile Duflot, ministre du Logement, fait alors un pas de plus dans l'anticléricalisme d'État. Alertée sans doute par un journal satirique - ô rigueur du travail ministériel - sur les propriétés des congrégations religieuses, elle s'en prend à l'Église catholique, sommée d'ouvrir sans délai ses immenses «locaux vides» aux personnes sans logement sous peine de réquisition par la force publique. Et la ministre d'ordonner à ses services de lui fournir un «inventaire» des immeubles disponibles. Mme Duflot ignorait manifestement que l'Église catholique est un des acteurs majeurs de l'aide au logement, dans l'urgence bien sûr mais aussi dans la durée grâce par exemple au travail persévérant d'«habitat et humanisme». La ministre connaît si bien l'immobilier catholique parisien que ses services auraient téléphoné à l'archevêché après l'interview de mise en demeure pour en connaître l'adresse.

À présent, le ministre de l'Éducation nationale, disciple de Ferdinand Buisson, le chantre de la «religion laïque», somme les recteurs de mettre les établissements catholiques sous surveillance rapprochée. Il les suspecte explicitement de ne pas respecter la liberté de conscience et les accuse pratiquement de favoriser le suicide des adolescents. Vincent Peillon va jusqu'à asséner une sorte de dogme chiffré sur le rôle de l'homosexualité dans le suicide des jeunes. Qui peut prétendre savoir pourquoi quelqu'un renonce à la vie? Comment oser instrumentaliser de tels drames et la souffrance des familles? Le ministre qui appelait de ses vœux la libre consommation du cannabis devrait peut-être s'interroger sur la fragilisation des jeunes liée à l'usage de drogues, sans parler du vide spirituel auquel il semble vouloir contribuer.

On apprend par ailleurs qu'après les manifestations de novembre contre «le mariage pour tous», des fonctionnaires, ayant manifesté, sans uniforme et en dehors de leurs heures de service bien sûr, ont été convoqués par leur hiérarchie. Des directives seraient adressées aux préfectures pour qu'elles surveillent de près les participants au défilé du 13 janvier: après les «inventaires» de Cécile Duflot, les «fiches» de Manuel Valls?

Cette hystérie anticléricale n'honore pas notre démocratie. Elle en constitue une sorte de régression adolescente. On peut et on doit s'exprimer avec force tout en se respectant. Bien des observateurs étrangers sont choqués par l'agressivité antireligieuse qui se manifeste en France aujourd'hui. Que l'on n'oublie pas que «le petit père Combes» dut démissionner avant la promulgation de «sa» loi de 1905 à cause de l'excès d'anticléricalisme de «l'affaire des fiches»."