"La révolution chrétienne" - un livre du Père Michel Viot qui répond aux questions de l'abbé de Tanoüarn

La lecture de Jean Madiran

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Jean Madiran présente pour les lecteurs de "Présent" le livre d'entretiens "La Révolution chrétienne" dans lequel le Père Michel Viot répond aux questions de l'abbé de Tanoüarn


Le premier des deux ouvrages que j’ai recommandés pour ce mois de réflexion est donc celui où le P. Michel Viot répond aux questions de l’abbé Guillaume de Tanoüarn : La révolution chrétienne.
La révolution chrétienne ? Nulle part dans le livre il n’est précisé en quoi une « révolution » chrétienne pourrait bien consister. Ce terme lui-même de révolution y est rarement employé, et seulement comme il se doit, dans un sens péjoratif, subversif et non pas chrétien. C’est que ce « titre-choc » a été imaginé quand le livre était terminé. Il était trop tard pour l’expliquer dans le livre lui-même. L’auteur du titre n’a pu le faire que dans L’Homme nouveau du 2 février :
« La révolution chrétienne, c’est la transformation historique que produit la venue du Christ sur la terre. » « La révolution chrétienne, qui est une transformation des cœurs, dure depuis deux mille ans et n’est pas encore achevée. Au contraire, elle avance. »
Il faut respectueusement, il faut amicalement regretter cet emploi incroyable du terme de révolution, il faut aussi le réprouver totalement. Il est créateur d’un embrouillamini majeur. Il n’y a pas de bonne révolution. Il n’y a pas de révolution chrétienne. La révolution c’est le mal, la révolution c’est la mort, la révolution c’est Satan. L’école contre-révolutionnaire de langue française le sait depuis Joseph de Maistre et l’a fréquemment approfondi. Et le monde entier ne peut plus l’ignorer après Soljenitsyne.

Or justement, et pour en terminer avec le négatif puisque c’est par lui que son titre fait commencer, ce livre si fortement contre-révolutionnaire se comporte comme s’il avait lui-même tout découvert ; comme si, dans l’école contre-révolutionnaire, il n’y avait rien eu entre Augustin Barruel (1741-1820) et Jean de Viguerie (né en 1935). • Cet ouvrage mal nommé La révolution chrétienne est un livre puissant par son ton direct et sa vivante intelligence. S’il ne parle pas de « révolution chrétienne », il parle de nouvelle évangélisation pour en dire carrément qu’« elle n’est pas nouvelle dans la mesure où l’évangélisation a toujours eu lieu, car le grand évangélisateur est le Saint-Esprit ». Il y a un quiproquo : on parle de nouvelle évangélisation « comme s’il s’agissait d’une nouvelle annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même ». Le P. Michel Viot ose dire la vérité parce que d’abord il ose voir la réalité : « Aujourd’hui nous sommes un christianisme châtré : tout le monde est beau, tout le monde est gentil, toutes les religions se valent. Il n’y a pas de péché ou le péché n’est pas grave. Comment peut-on se convertir avec de tels présupposés ? et même, pourquoi se convertir ? »
Il ose aussi lire les textes (officiels…) au lieu de feindre de n’avoir rien vu : « Dans le Missel dit de Paul VI, il y a une prière de conclusion de la Prière universelle qui dit : “Dieu qui sauve tous les hommes”… On est en plein dans la théologie de Polnareff. »

Et surtout, le P. Viot a un sens aigu et une connaissance historique précise des persécutions brutales ou sournoises, sanglantes ou sociologiques, infligées à l’Eglise catholique par nos cinq Républiques. Depuis 1789, montre-t-il, c’est là le vrai débat, le vrai combat. Principalement aux pages 50-67 et 143-147, mais au vrai un peu partout au fil de ses propos, il décrit comment un monde politique plus mauvais qu’on ne le dit a fait subir au catholicisme des ravages beaucoup plus profonds encore qu’on ne le croit.
Je relisais ce puissant Viot-Tanoüarn quand (et ce n’est pas sans rapport) Jeanne Smits m’a communiqué l’entretien avec les curés de Rome où Benoît XVI parle en souriant du jeune Ratzinger et de ses compagnons allant en 1962 au Concile avec la pensée que ce serait « vraiment une nouvelle Pentecôte ». Je ne sais si des historiens plus savants que moi me démentiront, mais ce fut la première fois, me semble-t-il, qu’on allait à un concile en imaginant qu’il serait vraiment une nouvelle Pentecôte. D’où la suite…

JEAN MADIRAN

"Présent" - n°7795 en date du 19 février 2013