Le but de la Révolution française : régénérer l'homme (suite)

A propos du nouveau livre du Professeur Philippe Pichot-Bravard

Présentation du livre du professeur Pichot-Bravard par Anne Bernet


Avant d’être politique ou militaire, la Révolution française fut idéologique et anti-chrétienne. Si les diverses écoles contre-révolutionnaires l’ont dit et démontré, la leçon s’est peu à peu perdue tandis que les héritiers intellectuels et spirituels des « Grands Ancêtres » imposaient dans tous les champs du savoir leur vision des événements.

Face à la vulgate officielle seule ou presque habilitée à s’exprimer en France, il est très difficile, sinon impossible, de faire entendre une voix discordante. La manière dont Reynald Sécher, jeune universitaire au commencement d’une carrière prometteuse, fut ostracisé et écarté de l’enseignement supérieur à la veille du bicentenaire de 1789, ostracisme jamais révoqué depuis, pour avoir osé qualifier de génocidaire la politique du Comité de Salut public en Vendée à l’hiver 1794, doit en principe servir de leçon à quiconque s’aventurerait sur ces terrains glissants.

On n’en saluera donc que plus chaleureusement le courage du professeur Philippe Pichot-Bravard qui publie, avec La Révolution française (Via Romana, Paris 2014, 295 p., 24 €), une synthèse dense, intelligente, brillante, propre à remettre en place les idées d’un public trop souvent désinformé.

Philippe Pichot-Bravard, en effet, ne se borne pas à raconter, fort bien au demeurant, dans une langue claire et élégante, et même avec un humour noir appréciable, le déroulement des faits et leur portée ; il leur donne, ce qui ne s’est pas fait depuis bien longtemps, leur véritable sens, celui d’une guerre implacable livrée en France au XVIIIe siècle et ensuite, à toute vision catholique de l’ordre social et humain.

Rappelant que ces théories, qui prétendent substituer à l’ordre naturel du monde, chrétien, une humanité régénérée, prennent leur source dans la Réforme, puis dans le cartésianisme, le professeur Pichot-Bravard, et c’est essentiel, éclaire la lente contagion des classes supérieures par cette pensée dévoyée. La Révolution n’a pas surgi ex nihilo et elle n’a si bien réussi que parce qu’elle avait, depuis plusieurs générations déjà, gagné la guerre des idées. Louis XVI et ceux qui l’entouraient ne combattirent pas efficacement l’ennemi pour l’excellente raison qu’ils lui étaient intellectuellement peu ou prou acquis … Or, Philippe Pichot-Bravard le rappelle, cette perversion de la pensée épargna en fait l’écrasante majorité des Français, ce « Peuple », précisément, que les hommes de la Révolution prétendait régénérer, malgré lui si nécessaire, dans l’intérêt commun et pour le bien de tous. Quitte à massacrer tous ceux qui s’opposeraient à ce projet, tout changement de paradigme de ce type entraînant l’éradication des « irrécupérables » …

Parce qu’il reprit, trop tard, conscience de ses responsabilités de Lieutenant de Dieu et refusa la déchristianisation en cours, Louis XVI perdit et son trône et sa tête. Parce qu’ils refusaient de devenir ce nouvel homme issu des Lumières, en rupture avec la loi divine, des centaines de milliers de catholiques français se battirent et moururent, souvent en martyrs, afin d’empêcher la mise en place d’un monde qui les épouvantait.

Telle est la leçon, d’une brûlante actualité, à tirer de ce livre remarquable, car, en France et partout en Occident aujourd’hui, les mêmes forces continuent d’imposer le parachèvement du projet révolutionnaire, l’ultime rupture entre l’humanité et la loi divine. Tant que l’on n’aura pas pleinement pris conscience de cet enjeu, tout combat, si légitime soit-il, demeurera voué à l’échec.

Anne Bernet