Pèlerinage 2014 - Sermon du dimanche de Pentecôte

Le dimanche 8 juin 2014


Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ainsi soit-il.

« Le consolateur, l'Esprit Saint que mon père enverra en mon nom vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14,26)

Venez Esprit Saint, venez en ce dimanche de Pentecôte nous rappeler « tout ce que Jésus nous a dit. »

Venez nous rappeler, en particulier et même d'abord et avant tout, ces merveilleuses paraboles de l'Evangile, qui chantent les splendeurs de la création mieux qu'aucun poète, jamais, ne l'a fait.

Venez nous parler du grain de sénevé, qui devient un arbre magnifique ; venez évoquer les lys des champs qui ne filent ni ne cousent, la vigne et les sarments féconds, les moissons splendides, nées du sacrifice obscur d'un grain de blé semé en terre.

Venez, Esprit de Vérité, et donnez-nous particulièrement ce don de science qui nous fait voir la splendeur de la Création, telle qu'elle est sortie, resplendissante, ruisselante de beauté des mains du Créateur, avant que le péché d'Adam ne vienne la saccager. Il nous fera comprendre alors, ce don de science, quelle folie, quelle mauvaise affaire, quel effroyable gâchis est le péché.

Splendeur et gâchis : voilà les deux aspects du monde créé, révélés par le don de science.

Voir la splendeur de la Création


« Ouvrir ses yeux et ses oreilles », comme un bon louveteau, devant les merveilles du monde, « voir dans la nature l'œuvre de Dieu ». Cette maxime, que le scoutisme catholique place au cœur de sa loi est un prodigieux stimulant pour notre vie spirituelle.

« voir dans la nature l'œuvre de Dieu » c'est déjà voir l'invisible c'est voir la main invisible de Dieu à l'œuvre, qui modèle et façonne toute chose «avec mesure, nombre et poids » c'est pressentir l'effet de la Sagesse de Dieu et se laisser guider par elle.

« Voir dans la nature l'œuvre de Dieu », c'est la condition requise pour entrer dans l'évangile de Saint Jean et saisir qu'au Commencement, au Principe de tout, à la suprême verticale de toute chose créée, il y a la Parole de Dieu à l'œuvre, la Parole agissante de Dieu, le Verbe de Dieu.

C'est comprendre, saisir, sentir que « tout a été fait par Lui » et que « sans Lui rien n'a été fait ».

Mais avant que le Don d'Intelligence ne nous fasse pénétrer avec ferveur les textes de la Sainte Ecriture, il faut que le Don de science enseigne à l'âme docile le langage de la création.

C'est là le premier fruit du don de Science : il nous fait voir, à travers les choses créées les choses invisibles, la trace de Dieu, sa toute-puissance et sa divinité, perceptibles au cœur des choses. Saint Paul l'enseigne : les choses invisibles de Dieu, aussi bien sa puissance éternelle que sa Divinité, se voient comme à l'œil nu par la création du monde, étant considérées dans ses ouvrages.

Encore faut-il, mes frères, que la vie que nous menons reste au contact des beautés, des réalités de la nature.

L'estime, la connaissance, l'amour de la création connue comme œuvre du créateur, n'est pas une futilité facultative pour notre sens religieux. Ce n'est pas une concession à la manie écologique actuelle. La théologie biblique commence par le chant des psaumes, qui se veut l'écho des splendeurs de la création.

Bien fou vraiment qui oublie que Dieu, avant de nous sauver, nous a créés ! Bien à plaindre qui voudrait adorer Dieu sans proclamer de Lui qu'avant d'être le sauveur, il est le « créateur du Ciel et de la terre ! »

Saint Bernard avertit celui qui veut entreprendre l'étude des livres saints : « les forêts t'apprendront plus que les livres, les arbres et les rochers t'enseigneront des choses que ne t'enseigneront pas les maîtres de la science. »

Bien à plaindre notre génération stupidement scientiste qui, aveuglée par les faibles lueurs de sa science acquise, s'imagine avoir fait le tour de l'univers, croit avoir dissipé par ses équations le mystère de l'existence s'enorgueillit stupidement d'avoir fait taire à tout jamais la voix des Cieux « qui chantent la gloire de Dieu ».

Le monde moderne, qui « avilit tout ce qu'il touche», dit Péguy, ne veut plus entendre le chant des créatures. Dans le vacarme de la vie qu'il mène, « Il a des oreilles, mais n'entend pas ; des yeux, mais il ne voit pas », comme les idoles techniques et informatiques qu'il se fabrique avec frénésie.

Il s'enorgueillit de son savoir technique mais il s'est fermé dramatiquement aux lumières supérieures du don de science.

Venez Esprit saint !

Au delà du silence oppressant qui règne dans l'espace, qu'enregistrent les astronautes, faites nous entendre la voix des cieux qui « racontent la gloire de Dieu », au delà des planètes qu'explorent laborieusement nos sondes spatiales faites nous comprendre le firmament qui « annonce l’œuvre de ses mains. »

Oui, faites nous comprendre … ce que chantent les psaumes : « la louange que le jour crie au jour, que la nuit apprend à la nuit .Ce n’est pourtant pas un langage muet, ce ne sont pas des paroles dont la voix serait inaudible. Leur son parcourt toute la terre, leurs accents vont jusqu’aux extrémités du monde. Dieu a dressé une tente pour le soleil. Et lui, semblable à l’époux qui sort de la chambre nuptiale, il s’élance joyeux, comme un héros, pour fournir sa carrière. Il part d’une extrémité du ciel, et sa course s’achève à l’autre extrémité : rien ne se dérobe à sa carrière. »

Dieu présent partout dans sa création ! « La loi de Seigneur est parfaite : elle restaure l’âme. Le témoignage du Seigneur est sûr : il donne la sagesse aux simples. »

Alors, venez, Esprit du Seigneur Jésus, faites nous exulter de joie comme Lui : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, - aux astronautes sans Dieu et aux physiciens sans âme - tu l’as révélé aux tout-petits - qui admirent les splendeurs de ma Création - Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté. »

Pères et mères de famille : vos enfants étudient leurs équations mathématiques, et c'est sans doute très bien. Ils n'ignorent rien des dernières théories physiques: tant mieux. Ils vont devenir sages et savants aux yeux des hommes, et cela leur sera peut-être utile.

Mais par pitié, parlons de choses sérieuses : puissent-ils avoir, au-delà de la science des hommes, le don de science ! Puissent-ils cultiver, au-delà de leurs savoirs humains, cette lumière intérieure, surnaturelle, du don de science qui illuminait le regard du serviteur de Dieu Jérôme Lejeune, lui faisant voir, en tout être humain, même blessé, même cruellement handicapé, un enfant chéri de Dieu ! Quand tant de ses confrères, presque aussi savant que lui, ne veulent y voir qu'un amas de cellules !

Alors, vos chers enfants : entendent-ils la voix des cieux qui chantent la gloire de Dieu ? Connaissent-ils la splendeur d'un lever de soleil sur les neiges éternelles ? Ont-ils frémi devant l'immensité de l'océan ? Savent-ils s'émerveiller, à votre école, devant la floraison d'un arbre, devant la germination des semences, devant le cri des oisillons qui réclament leur nourriture ?

« Ô Dieu qui procurez pâture aux tout petits oiseaux, bénissez notre nourriture et purifiez notre eau ! »

Ont-ils le don de science ? Ce don se reçoit à la confirmation. Mais il s'entretient, il s'éduque, il se goûte, il s'affine.

Pères et mères de famille ! Vos chers enfants, Savent-ils que le monde n'est pas sorti d'un ordinateur ? Que les poissons qu'ils mangent ne sont pas nés dans le congélateur ? Savent-ils qu'on ne fait pas souffrir les animaux, qu'on ne massacre pas une fourmilière ? Qu'on ne plante pas des clous dans un arbre ? Qu'on ne joue pas à troubler l'eau limpide de la source ?

Vos enfants savent-ils d'expérience mais d'expérience tangible, sensible, charnelle, qu'ils sont eux-mêmes des créatures ?

Il nous faut approfondir ce que nous disent les créatures. « Les cieux racontent la gloire de Dieu », mais les néons clignotants de nos cités polluées et les écrans de nos ordinateurs empêchent les enfants de Dieu d'écouter la leçon des étoiles !

« Fuyons donc la ville, ses bruits inutiles, ses plaisirs futiles ; et partons pour le camp ! »

Dans la splendeur d'une nuit d'hiver étoilée, après avoir grelotté de froid et tremblé de fatigue après avoir donc mesuré sa petitesse et sa faiblesse de créature, non pas malgré la fatigue mais grâce à la fatigue en face de ce monde de merveilles, en contemplant les astres, dans l'obscurité glaciale on vient à penser que l'un d'eux, le soleil, « frère soleil » comme disait saint François, se lèvera bientôt comme il le fait chaque matin, s'approchera de la terre juste assez pour la réchauffer et l'éclairer, sans nous aveugler ni nous détruire.

On songe alors que c'est là l'œuvre d'une intelligence aimante qui ne se trompe pas et qui cache dans ses desseins une bonté sans égale.

Pères de famille, plutôt que d'offrir à vos enfants ces jeux électroniques qui les abrutissent faites-leur cet été le cadeau précieux d'un lever de soleil au sommet d'un mont escarpé. Regarder silencieusement, quand on a huit ans, l'astre du jour s'élever sur le monde, la main dans la main de son papa, c'est sentir un avant-goût de la bonté du Père des Cieux « de qui descend toute paternité ».

Le monde alors devient transparent, comme un vitrail, il révèle Dieu, l'intelligence et la bonté divines.

On comprend alors ce que chantait Saint François : « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil, par qui tu nous donnes le jour, la lumière : il est beau, rayonnant d’une grande splendeur, et de toi, le Très-Haut, il offre le symbole.»

Pèlerins de Chartres, « Si nous voulons comprendre à nouveau le christianisme, enseignait le pape Benoît XVI, et le vivre dans toute son ampleur, il nous faut impérativement retrouver la dimension cosmique de la révélation chrétienne »

Apprenons que l'Évangile, source inépuisable de toute théologie, a été prêché en plein vent, au grand air, au contact charnel de ces merveilles de la nature qui fournissent à Jésus l'image de tant d'analogies.

Quel effroyable gâchis ...


Quand le regard s'est ainsi élevé des créatures jusqu'à leur Créateur quand il est remonté du monde jusqu'à Dieu il en redescend purifié et apaisé : il peut regarder le monde sans se laisser séduire par lui, par ses richesses, par ses beautés temporelles, par ses attraits éphémères.

« Tout est pur pour les purs !» Saint Augustin a exprimé cette purification du regard qui successivement s'élève du monde vers Dieu et redescend de Dieu sur le monde : « Qu'est-ce que j'aime en aimant Dieu ? J’aime une lumière, une mélodie, une odeur, un aliment, une volupté, en aimant mon Dieu ; mais c'est cette lumière, cette mélodie, cette odeur, cet aliment, cette volupté, suivant l’homme intérieur; - c'est-à-dire suivant l'homme doué du don de science - lumière, harmonie, senteur, saveur, amour de l’âme, qui défient les limites de l’étendue, la mesure du temps, et le dégoût de la jouissance, Voilà ce que j’aime en aimant mon Dieu. »

Et qu’est-ce enfin ?

J’ai interrogé la terre, et elle m’a dit: « Ce n’est pas moi. » Et tout ce qu’elle porte m’a fait même aveu. J’ai interrogé la mer et les abîmes, et les êtres animés qui glissent sous les eaux, et ils ont répondu: « Nous ne sommes pas ton Dieu; cherche au-dessus de nous. » J’ai interrogé les vents, et l’air avec ses habitants m’a dit de toutes parts: « Les païens se trompent ; je ne suis pas Dieu. » J’interroge le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, et ils me répondent: « Non, nous ne sommes pas non plus le Dieu que tu cherches. » Et je dis enfin à tous les objets qui se pressent aux portes de mes sens: « Parlez-moi de mon Dieu, puisque vous ne l’êtes pas ; dites-moi de lui quelque chose. » Et ils me crient d’une voix éclatante: « C’est lui qui nous a faits ( Ps. XCIX, 3). »

La voix seule de mon désir interrogeait les créatures, et leur seule beauté était leur réponse. Et je me retournai vers moi-même, et je me suis dit : Et toi, qui es-tu? Et j’ai répondu: «Homme. » Et deux êtres sont sous mon obéissance; l’un extérieur, le corps; l’autre en moi et caché, l’âme. »

Venez donc, Esprit Saint, votre don de Science, nous fera comprendre, au fond de notre cœur surnaturalisé, que nous sommes, corps et âmes, vos créatures le vide, l'insuffisance, la vanité des créatures quand elles désertent l'ordre dans lequel elles ont été créées ; il nous en fera expérimenter le néant, le gâchis qu'il y aurait à les aimer sans aimer Dieu qui les a faites.

Il nous apparaît, à cette lumière, que les choses qui pourrait nous tenter ne sont rien. Les grandes conversions s'opèrent par ce sentiment intense de la vanité des biens de ce monde.

Tel est ce second effet du don de Science : il nous fait connaître le néant des créatures; dès qu'elles sont séparées de Dieu, arrachées à la main de Sa Providence.

Quand une âme sait qu'elle ne doit rien attendre des créatures qui ne vienne de Dieu, elle est savante de la grande science du Saint-Esprit.

Le second fruit de cette science que nous inspire le Saint-Esprit au contact de la nature est donc de connaître la brièveté, la petitesse, le néant des choses terrestres, leur impuissance à contenter notre cœur avide de vrai bonheur. Quand on a cette science, on se délivre progressivement de l'emprise des biens périssables et on peut se jeter en Dieu.

Le don de Science nous révèle la fin que Dieu s'est proposée dans la création. Dieu qui a créé nos âmes est celui qui a créé les vignes et les moissons. Ce don nous fait entrer dans l'intelligence des desseins de Dieu.

Venez Esprit Saint ...

Faites nous comprendre quelque chose du plan de Dieu hors duquel les êtres ne sauraient trouver ni le bien ni le repos. Donnez-nous l'intuition, le goût, le sens de l'ordre moral qui régit le monde et la société et dans lequel chaque homme à sa place à tenir, son rôle à jouer, sa partition à chanter !

Avant d'être une offense au Créateur, le péché est un désastre, un gâchis, une tragique mutilation de la création.

Le don de science nous apprend l'usage que nous devons faire des créatures. Le secret de la vie nous est ainsi manifesté, notre route devient sûre, nous n'hésitons plus, et nous nous sentons disposés à nous retirer de toute voie qui ne nous conduirait pas au but.

C'est cette Science, don de l'Esprit-Saint, que l'Apôtre a en vue lorsque il dit aux chrétiens : «autrefois vous étiez ténèbres; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur: marchez désormais comme les fils de la lumière» (Eph. 5, 8). Le péché, contraire à l'ordre de la création n'a ni beauté, ni intérêt, il n'a aucun droit dans nos vies.

Oui, enseigne Saint-Paul : « les choses invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa Divinité, se voient comme à l'œil nu - à l'âme douée du don de science - dans la création du monde, étant considérées dans ses ouvrages, » de sorte que les païens, les athées, les agnostiques sont inexcusables : « ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, ils ne lui ont point rendu grâces, mais ils sont devenus vains en leurs discours, et leur cœur vidé d'intelligence, a été rempli de ténèbres. Se disant être sages ils sont devenus fous. Et ils ont changé la gloire de Dieu incorruptible en la ressemblance de l'image de l'homme corruptible, des oiseaux, des bêtes à quatre pieds, et des reptiles. » (Romains 1,23)

Pères et mères de famille, rappelez vous l'avertissement du Curé d'Ars : « Laissez une paroisse dix ans sans prêtre, et on y adorera les bêtes ! » Laissez une école sans Dieu, on y enseignera la théorie du genre.

Par pitié, ne laissez pas vos enfants à ces maîtres : Saint Paul dit d'eux que « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs propres cœurs, de sorte qu'ils se sont abandonnés à l'impureté déshonorant entre eux-mêmes leurs propres corps. » Eux qui ont refusé d'admirer la création et d'adorer Dieu comme Créateur « Ils ont changé la vérité de Dieu en fausseté, ils ont adoré et servi la créature, en abandonnant le Créateur, qui est béni éternellement : Amen. C'est pourquoi Dieu les a livrés à leurs affections infâmes ; car même les femmes parmi eux ont changé l'usage naturel en celui qui est contre la nature. Et les hommes tout de même laissant l'usage naturel de la femme, se sont embrasés en leur convoitise l'un envers l'autre, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes la récompense de leur erreur, comme ils le méritaient. » (Romains 1, 24-27).

Ne laissons à personne le soin d'éveiller nos enfants à la connaissance du Créateur. N'abandonnons pas nos enfants aux folies perverses d'une école sans Dieu !

Venez Esprit Saint, Esprit de Vérité, faites de nous des éducateurs avisés, courageux, persévérants, passionnés qui sachent montrer aux âmes vos traces divines dans la nature que vous avez créée, leur enseigner la splendeur de votre loi et conduire leur marche d'étape en étape - comme dans ce pèlerinage vers Chartres - jusqu'au camp du repos et de la joie où vous avez dressé notre tente la nôtre pour toute éternité.

Ainsi soit-il !