2ième pilier du pèlerinage de Chartres : La Mission

« Le royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour, afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. » Mt XX, 1-2. ». La parabole évangélique met sous nos yeux l’immense vigne du Seigneur et la foule des personnes, hommes et femmes, qu’Il appelle et qu’Il envoie y travailler. La vigne, c’est le monde entier  qui doit être transformé selon le dessein de Dieu, en vue de l’avènement définitif du Royaume de Dieu.

L’appel ne s’adresse pas seulement aux Pasteurs… il s’étend à tous : tous les fidèles laïcs, hommes et femmes, sont appelés par le Christ à aller travailler dans sa vigne. Cependant, on doit mettre les fidèles laïcs en garde contre deux tentations auxquelles ils n’ont pas toujours su échapper : la tentation de se consacrer avec un si vif intérêt aux services et aux tâches d’Église, qu’ils en arrivent parfois à se désengager pratiquement de leurs responsabilités spécifiques au plan personnel, social, économique, culturel et politique ; en sens inverse, la tentation de légitimer l’injustifiable séparation entre la foi et la vie, entre l’accueil de l’Évangile et l’action concrète dans les domaines temporels et terrestres les plus divers.

Des situations nouvelles, dans l’Église comme dans le monde, dans les réalités sociales, économiques, politiques et culturelles, exigent aujourd’hui, de façon particulière, l’action des fidèles laïcs. S’il a toujours été inadmissible de s’en désintéresser, présentement c’est plus répréhensible que jamais. IL N’EST PERMIS À PERSONNE DE RESTER À NE RIEN FAIRE.

Très grande est la diversité des situations…, toutefois, certaines lignes de tendances se font jour dans la société actuelle :

1/ L’indifférence religieuse et l’athéisme, en particulier sous la forme de sécularisme…touchant les individus… et des communautés entières (les peuples qui sont chrétiens de « vieille date »), qui appellent à une NOUVELLE ÉVANGÉLISATION,

2/ Les nombreuses violations infligées aujourd’hui à la dignité de la personne humaine : instrumentalisation de l’être humain ; injustice patente de certaines lois… droit à la vie, intégrité du corps, droit à un toit et au travail, droit à la famille et à la procréation responsable, droit à la participation à la vie publique et politique, droit à la liberté de conscience et de profession de sa foi religieuse. Le CARACTÈRE SACRÉ DE LA PERSONNE continue de s’imposer encore et toujours.

3/ La conflictualité par laquelle, plus qu’à aucun autre moment de son histoire, l’humanité est aujourd’hui frappée et ébranlée : violence, terrorisme, guerre. Si les situations que nous venons d’évoquer touchent l’Église, (par ces situations, l’Église se trouve en partie conditionnée), cependant elle n’est pas écrasée, encore moins terrassée.

En dépit de toute chose, par conséquent, l’humanité peut espérer, doit espérer.

I. LA DIGNITÉ DES FIDÈLES LAÏCS DANS L’ÉGLISE-MYSTÈRE : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments » Jn XV, 5

1. Participation des laïcs à la fonction sacerdotale, prophétique et royale de Jésus-Christ :

  • Ils participent à l’office sacerdotal, dans la mesure où, incorporés à Jésus-Christ, les baptisés sont unis à Lui et à son sacrifice par l’offrande d’eux-mêmes et de toutes leurs activités (cf Rm,1-2). Parlant des fidèles laïcs, le Concile Vatican II déclare : « toutes leurs activités, leurs prières et les entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit et de corps, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela devient offrandes spirituelles agréables à Dieu par Jésus-Christ » (cf 1p 2,5). « C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d’adoration » (Lumen Gentium, 34)
  • Ils participent à l’office prophétique du Christ « qui proclame, par le témoignage de sa vie et la vertu de sa parole, le royaume du Père » (Lumen Gentium 35), ce qui les habilite et les engage à recevoir l’Évangile dans la foi et à l’annoncer par la parole et par les actes, sans hésiter à dénoncer courageusement le mal. Ils sont, au surplus, appelés à faire briller la nouveauté et la force de l’Évangile dans leur vie quotidienne, familiale et sociale, comme aussi à exprimer, avec patience et courage, dans les difficultés de l’époque présente, leur espérance de la gloire « même à travers les structures de la vie du siècle ».
  • Ils participent à l’office royal du Christ, Seigneur et Roi de l’univers, en vivant la royauté chrétienne, tout d’abord par le combat spirituel qu’ils mènent pour détruire en eux le règne du péché (cf. Rm 6,12) et ensuite par le don d’eux-mêmes pour servir, dans la charité et dans la justice, Jésus lui-même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits (cf. Mt 25, 40)

2. Les fidèles laïcs et le caractère séculier

Le fidèle laïc est co-responsable, avec tous les ministres ordonnés et avec les religieux, de la mission de l’Église. Mais cette dignité baptismale commune revêt chez le fidèle laïc une modalité qui le distingue, sans toutefois l’en séparer, du prêtre, du religieux, de la religieuse, et qui se trouve dans le caractère séculier : « le caractère séculier est le caractère propre et particulier des laïcs » (Lumen Gentium 31).

Les fidèles laïcs sont « appelés par Dieu à travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment. » Il est aujourd’hui plus urgent que jamais que tous les chrétiens reprennent le chemin du renouveau évangélique. Nous avons un besoin très grand de saints ; nous devons en demander au Seigneur avec insistance. Tous les fidèles du Christ sont donc invités et obligés à poursuivre la sainteté et la perfection de leur état. La vocation des fidèles laïcs exige que la vie selon l’Esprit s’exprime de façon particulière dans leur insertion dans les réalités temporelles et dans leur participation aux activités terrestres. Ils doivent se sanctifier dans la vie ordinaire, professionnelle et sociale. Afin qu’ils puissent répondre à leur vocation, les fidèles laïcs doivent donc considérer leur vie quotidienne comme une occasion d’union à Dieu et d’accomplissement de sa volonté, comme aussi de service vers les autres hommes, en les portant jusqu’à la communion avec Dieu dans le Christ. (Décret sur l’Apostolat des laïcs)

II. LA PARTICIPATION DES LAÏCS À LA VIE DE L’ÉGLISE-COMMUNION « Demeurez en moi, comme moi en vous » Jn XV, 1-4

Le fidèle laïc n’a pas le droit de se renfermer sur lui-même, en s’isolant spirituellement de la communauté, mais il doit vivre en un partage continuel avec les autres, dans un sens très vif de fraternité, dans la joie d’une égale dignité et dans l’intention de faire fructifier avec les autres l’immense trésor reçu en héritage. Ce qui le distingue, ce n’est pas un supplément de dignité, mais une habilitation spéciale et complémentaire au service.

Les laïcs développeront sans cesse le sens du diocèse, Que les laïcs prennent l’habitude de travailler dans la paroisse en étroite union avec leurs prêtres.

Il est absolument nécessaire que chaque fidèle ait toujours vive conscience d’être un « membre de l’Église » à qui est confiée une tâche originale, irremplaçable et qu’il ne peut déléguer, une tâche à remplir pour le bien de tous, d’où « la nécessité absolue de l’apostolat de chaque personne ». Les différentes formes de regroupement des fidèles laïcs peuvent représenter pour beaucoup de gens une aide précieuse en vue d’une vie chrétienne fidèle aux exigences de l’Évangile et pour un engagement missionnaire et apostolique.

III. LA CO-RESPONSABILITÉ DES FIDÈLES LAÏCS DANS L’ÉGLISE-MISSION

1. Annoncer l’Évangile : « Allez et prêchez l’Évangile ». La situation actuelle exige absolument que la parole du Christ reçoive une obéissance plus prompte et généreuse. « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile » (Cor 9, 16)

2. Entreprendre la nouvelle évangélisation : Les fidèles laïcs sont donc aujourd’hui pleinement engagés dans cette tâche de l’Église. (Ils pourront témoigner) s’ils savent surmonter en eux-mêmes la rupture entre l’Évangile et la vie, en sachant créer dans leur activité de chaque jour, en famille, au travail, en société, l’unité d’une vie qui trouve dans l’Évangile inspiration et force de pleine réalisation.

3. Aller dans le monde entier : L’Église doit faire aujourd’hui un grand pas en avant dans l’Évangélisation, elle doit entrer dans une nouvelle étape historique de son dynamisme missionnaire. Pour l’évangélisation des peuples, il faut avant tout des apôtres.

4. Vivre l’Évangile en servant les personnes et la société. En recevant et en annonçant l’Évangile dans la force de l’Esprit, l’Église devient une communauté évangélisée et évangélisante, et par là elle se fait LA SERVANTE DES HOMMES. En son sein, les fidèles laïcs participent à la mission de servir la personne et la société. Il est certain que l’Église a comme fin suprême le royaume de Dieu. Mais le Royaume est source de complète libération et de salut total pour les hommes. Dans cette contribution apportée à la famille des hommes, dont l’Église porte la responsabilité, une place spéciale revient aux fidèles laïcs, en raison de leur « caractère séculier » qui les engage, selon des modalités propres et irremplaçables « dans l’animation chrétienne de l’ordre temporel ».

Quelques points d’application :

  • La dignité des personnes : découvrir et faire découvrir la dignité inviolable de toute personne humaine constitue une tâche essentielle et même, en un certain sens, la tâche centrale et unifiante du service à rendre à la famille des hommes.
  • Le droit inviolable à la vie : l’inviolabilité de la personne, reflet de l’absolue inviolabilité de Dieu Lui-même, trouve son expression première et fondamentale dans L’INVIOLABILITÉ DE LA VIE.
  • Le droit à la liberté de conscience : c’est l’un des biens les plus nobles et l’un des devoirs les plus graves de chaque peuple ; la liberté pour les individus et les communautés de professer et de pratiquer leur religion est un élément essentiel de la cohabitation pacifique des hommes. C’est la mesure des autres droits fondamentaux.
  • La famille : le couple et la famille constituent le premier espace pour l’engagement social des fidèles laïcs…C’est le lieu premier “d’humanisation” de la personne et de la société. « l’Avenir de l’humanité passe par la famille » (Familiaris Consortio 42-48)
  • La charité : la charité envers le prochain, œuvres de miséricorde corporelle et spirituelle, représente le contenu le plus immédiat, le plus commun et le plus habituel de l’animation chrétienne de l’ordre temporel, qui constitue l’engagement spécifique des fidèles laïcs.
  • La politique : « les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la « politique », à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions LE BIEN COMMUN ». (Christifideles 42) . « L’Église tient en grande considération et estime l’activité de ceux qui se consacrent au bien de la chose publique et en assume les charges pour le service de tous » (Gaudium et Spes 75). « Quant au Bien Commun, il comprend l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements, de s’accomplir plus complètement et plus facilement » (G. S. 74)

5. Situer l’homme au centre de la vie économico-sociale . Le service pour la société, de la part des fidèles laïcs, trouve un point d’action essentiel dans la question économico-sociale, dont la clé nous est fournie par l’organisation du travail (cf l’encyclique « Sollicitudo rei sociales » traitant de la doctrine sociale de l’Église, à laquelle le Pape Jean Paul II « désire vivement nous renvoyer tous, en particulier les fidèles laïcs »)

Les fidèles laïcs doivent remplir leur tâche avec compétence professionnelle, avec honnêteté humaine, avec esprit chrétien, comme moyen de leur propre sanctification.

6. Évangéliser la culture et les cultures de l’homme. L’Église demande aux fidèles laïcs d’être présents, guidés par le courage et la créativité intellectuelle, dans les postes privilégiés de la culture, comme le sont le monde de l’école et de l’université, les centres de recherche scientifiques et techniques, les lieux de la création artistique et de la réflexion humaniste. La voie actuellement la plus favorable pour la création et la transmission de la culture, ce sont les instruments de communication sociale.

À cet égard, il est urgent d’exercer, d’une part, une activité éducative du sens critique, animé par la passion de la vérité, et, d’autre part, une action visant à défendre la liberté et le respect de la dignité de la personne.

IV.LA NÉCESSITÉ DE LA FORMATION DES FIDÈLES LAÏCS

« Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruits, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » Jn 15, 5

La découverte et la réalisation de leur vocation et de leur mission personnelles comportent, pour les fidèles laïcs, l’exigence d’une formation à la vie dans l’UNITÉ. Dans leur existence, ils ne peuvent avoir deux vies parallèles : d’un côté, la vie qu’on nomme « spirituelle », avec ses valeurs et ses exigences, de l’autre côté, la vie dite « séculière », c'est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles.  Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d’un grand nombre est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps (cf décret sur l’activité missionnaire de l’Église, Ad gentes 21).

Il n’est pas douteux que la formation spirituelle ne doive occuper une place privilégiée dans la vie de chacun. La formation doctrinale des fidèles laïcs se révèle de nos jours, de plus en plus urgente…, du fait de la nécessité de « rendre raison à l’espérance » qui est en eux.

Il est tout à fait indispensable, en particulier, que les fidèles laïcs, surtout ceux qui sont engagés de diverses façons sur le terrain social ou politique, aient une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l’Église… qui renferme des principes de réflexion, des critères de jugement et des directives pour l’action. Cette doctrine doit se trouver dans le programme de base de la catéchèse.

Il n’y a pas de formation véritable et efficace si chacun n’assume pas et ne développe pas par lui-même la responsabilité de sa formation : toute formation, en effet, est essentiellement « autoformation »… Mieux nous nous formons, plus nous nous rendons capables de former les autres.

Christifideles Laici, La vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde. Extraits .Saint Jean Paul II, 30 décembre 1988