La paix du Christ ne peut se faire que par le Règne du Christ

Le 4 février 2019, à Abu Dhabi, le pape François et le Grand Imam d’Al Azhar Ahmad Al-Tayyeb ont signé un document sur la Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune. La déclaration s’ouvre au nom d’un Dieu qui, s’il doit être en commun, ne peut être qu’Allah, le dieu des musulmans. Le Dieu des chrétiens, en fait, est unique dans sa nature, mais trinitaire dans Ses personnes, égales et différentes : le Père, le Fils et le Saint Esprit. Depuis Arius, l’Eglise a lutté contre les antitrinitaires et les déistes qui niaient, ou laissaient de côté, ce mystère, le plus important du Christianisme. L’Islam, par contre, le refuse avec horreur, comme le proclame la sura « du culte sincère » : « Il est Allah, l’Unique, l’Eternel ! Il n’a jamais engendré et n’a pas été engendré non plus ! Nul ne Lui est égal » (Coran 112, 1-4).

En réalité, dans la déclaration d’Abu Dhabi, le culte n’est prêté ni au Dieu des chrétiens ni à celui de l’Islam, mais à une divinité laïque, la « fraternité humaine », « qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux ». Nous ne sommes pas face à « l’esprit d’Assisi », qui dans son syncrétisme reconnait cependant le primat de la dimension religieuse sur la dimension séculariste, mais à une affirmation d’indifférentisme. Nulle part, en effet, on mentionne un fondement métaphysique des valeurs de paix et de fraternité qu’on évoque continuellement. Le document, lorsqu’il affirme que « le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains », ne pratique pas l’œcuménisme condamné par Pie XI dans Mortalium animos (1928), mais l’indifférentisme religieux condamné par Léon XIII dans l’encyclique Libertas (20 juin 1888), qui le définit un « système doctrinal qui enseigne que chacun est libre de professer la religion qui lui plaît et même de n’en professer aucune ». Dans la déclaration d’Abu Dhabi, chrétiens et musulmans se soumettent au principe fondamental de la franc-maçonnerie, d’après lequel les valeurs de liberté et égalité de la Révolution française devraient trouver leur synthèse et leur actuation dans la fraternité universelle. Ahmad Al-Tayyeb, qui a rédigé le texte à quatre mains avec le pape François, est un cheik héréditaire de la confrérie des Soufis du Haute-Egypte et, au sein du monde islamique, Al Azhar, l’université dont il est recteur, se caractérise par sa proposition de l’exotérisme Soufi comme « pont initiatique » entre la franc-maçonnerie d’Orient et d’Occident (cf. Gabriel Mandel,Federico II, il sufismo e la massoneria, Tipheret, Acireale 2013).

Le document demande de manière insistante et répétitive « aux leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale », « aux intellectuels, aux philosophes, aux hommes de religion, aux artistes, aux opérateurs des médias et aux hommes de culture » de s’engager pour répandre « la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix », en exprimant « la forte conviction que les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix ; à soutenir les valeurs de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune ». De telles valeurs, souligne-t-on dans le document, sont l’ « ancre de salut pour tous ». Par conséquent, « Al-Azhar et l’Eglise Catholique », demandent que « ce Document devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, dans les universités et dans les instituts d’éducation et de formation, afin de contribuer à créer de nouvelles générations qui portent le bien et la paix et défendent partout le droit des opprimés et des derniers ».

L’11 avril, à Santa Marta, au Vatican, le document d’Abu Dhabi a été scellé par un geste symbolique. François s’est prosterné à terre devant trois leaders du Soudan et il a embrassé leurs pieds, en implorant la paix. Ce geste exprime la soumission au pouvoir politique et le refus de la Royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ. Celui qui représente le Christ, au nom duquel tout genou fléchisse dans les cieux et sur la terre (Philippiens 2,10), doit recevoir l’hommage des hommes et des nations et ne rendre hommage à personne. Dans l’encyclique Quas primas (1925), Pie XI écrivait : « Oh ! qui dira le bonheur de l’humanité si tous, individus, familles, Etats, se laissaient gouverner par le Christ ! Alors enfin – pour reprendre les paroles que Notre Prédécesseur Léon XIII adressait, il y a vingt-cinq ans, aux évêques de l’univers – il serait possible de guérir tant de blessures; tout droit retrouverait, avec sa vigueur native, son ancienne autorité; la paix réapparaîtrait avec tous ses bienfaits; les glaives tomberaient et les armes glisseraient des mains, le jour où tous les hommes accepteraient de bon cœur la souveraineté du Christ, obéiraient à ses commandements, et où toute langue confesserait que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père ».

Même le geste fait par le pape François à Santa Marta nie un mystère chrétien sublime : l’Incarnation, Passion et Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, le seul Sauveur et Rédempteur de l’humanité. Avec la négation de ce mystère, on nie la mission salvifique de l’Eglise, appelée à évangéliser et à civiliser le monde entier. Le Synode sur l’Amazonie qui s’ouvrira en octobre prochain, sera-t-il une nouvelle étape de ce refus de la mission de l’Eglise, qui est aussi le refus de la mission du Vicaire du Christ ? Le pape François s’agenouillera devant les représentants des peuples indigènes ? Demandera-t-il de transmettre à l’Eglise la sagesse tribale dont ils sont porteurs ?

Ce qui est certain c’est que, trois jours après, le 15 avril, la cathédrale de Notre-Dame, image plastique de l’Eglise, a brûlé et les flammes ont dévoré sa flèche, en laissant la base intacte. Est-ce que cela ne signifie pas que, malgré l’effondrement de la tête de l’Eglise, sa divine structure résiste, et rien ne pourra la détruire ?

Une semaine après, un autre évènement a touché l’opinion publique catholique. Une série d’attentats, provoqués par les disciples de la même religion à laquelle le pape Bergoglio se soumet, ont transformé la Résurrection du Seigneur dans un jour de Passion pour l’Eglise universelle, avec 310 morts et plus de 500 blessés. Le feu a consommé, avant même des corps, les illusions de ces catholiques qui avec les applaudissements et les guitares chantent l’alléluia, lorsque l’Eglise vit son Vendredi et son Samedi Saint. Quelqu’un pourrait objecter que les terroristes du Sri Lanka, même si musulmans, ne représentent pas l’Islam. Mais même pas l’Imam d’Al Ahzar, qui a signé le document de paix et fraternité, représente l’Islam entier. Le pape François, en revanche, certainement représente l’Eglise catholique. Jusqu’à quand ?

Il n’existe pas de véritable fraternité en dehors de la fraternité surnaturelle, qui ne nait pas du lien avec les hommes, mais avec Dieu (1 Thessaloniciens, 1,4). De même, il n’existe pas de paix en dehors de la paix chrétienne, car la source de la vraie paix est le Christ, Sagesse incarnée, qui « est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près » (Ephésiens 2, 17). La paix est un don de Dieu, porté à l’humanité par Jésus-Christ, Fils de Dieu et souverain du ciel et de la terre. L’Eglise catholique qu’Il a fondé est la dépositaire suprême de la paix, car elle est la gardienne de la Vérité et la paix repose sur la Vérité et sur la justice.

Le néo-modernisme, implanté aux sommets de l’Eglise, prêche une fausse paix et une fausse fraternité. Mais la fausse paix entraine la guerre dans le monde, ainsi que la fausse fraternité entraine le schisme, qui est la guerre au sein de l’Eglise. Saint Luigi Orione l’avait dramatiquement prévu le 26 juin 1913 : « Avec le modernisme et le semi-modernisme on n’en finit pas – et on aboutira tôt ou tard au protestantisme ou à un schisme dans l’Eglise qui sera le plus terrible que le monde a jamais vu » (Scritti, vol. 43, p. 53). (Roberto de Mattei)

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