J-10 : soyez des pèlerins d'éternité !

Depuis le jour de son Baptême, le chrétien est incorporé au Corps mystique du Christ : il est devenu membre de l’Église. Comme tel, élevé à la dignité d’enfant de Dieu, le chrétien se dirige vers un but, qui est le but de toute sa vie, la récompense des actes bons qu’il aura posés ici-bas avec l’aide de la grâce.

 Ce but, c’est la vie en Dieu dans l’éternité bienheureuse. Il y a donc un point de départ (le baptême) et un point d’arrivée (le ciel) ; la grâce qui conduit à la gloire. Entre les deux, il y a un chemin à parcourir, c’est le chemin de la vie. Le chrétien est donc un homme en marche, il est viator. Et cette marche n’est pas n’importe quelle marche : c’est un pèlerinage. Le chrétien est un « pèlerin d’éternité ».

Qu’est-ce que le pèlerinage ? C’est un voyage mais qui n’est pas ordinaire. Les pèlerinages sont à petite échelle des représentations de notre pèlerinage vers l’éternité. L’Église a encouragé, depuis les origines, cette démarche très vénérable, que l’on constate déjà dans l’ancien Testament. Les Juifs pieux se rendaient en pèlerinage à la Ville sainte de Jérusalem, comme l’Évangile le rapporte, notamment au moment de la Présentation au Temple.

L’Église a repris cette pieuse tradition car le pèlerinage chrétien est une démarche de Foi. C’est un acte extérieur (marche, voyage) concrétisant un acte intérieur. L’acte extérieur comprend d’abord le but. Le pèlerin ne marche pas en rond, ce n’est pas un errant ! Le lieu du pèlerinage a une importance capitale. Il représente, annonce, la « Jérusalem céleste », le but ultime du pèlerinage de la vie. Ces lieux sont différents. Chartres, Lourdes, Pontmain, Rome, Saint-Jacques-de-Compostelle et tant d’autres lieux ! Ce qui les rapproche tous, c’est qu’il s’agit de lieux de Foi : miracles et apparitions reconnus par l’Église, sanctuaires de dévotion pluriséculaires qui ont façonné la Foi du peuple chrétien.

Le chrétien a ensuite le choix, en fonction de ses besoins spirituels. L’Église lui donne cette liberté, étant maternellement soucieuse du bien des âmes de ses enfants. L’acte extérieur comprend ensuite l’effort de la marche. Certes, la voiture, l’avion et le train sont parfois requis – distance oblige ! – pour se rendre dans les lieux de pèlerinage. Mais, sur place, nous avons un déplacement physique à accomplir, un effort pour ceux qui en sont capables, la difficulté du déplacement étant l’effort des personnes souffrantes. Le pèlerin réalise cet effort, qui a une valeur profondément pénitentielle. Ce qui nous introduit dans la démarche intérieure du pèlerinage.

En effet, comme acte de Foi, le pèlerinage possède surtout une dimension pénitentielle. C’était clair pour nos pères, cela devrait l’être aussi pour les chrétiens d’aujourd’hui. On ne va pas à Chartres pour faire du tourisme – même du « tourisme spirituel ». On va à Chartres pour y déposer nos peines, nos souffrances, physiques et morales, nos péchés surtout. Le pèlerin est l’homme pécheur qui désire le changement de son cœur. Ce changement, c’est la conversion. Se convertir, c’est se tourner vers le Seigneur, se détourner des voies du mal et du péché si nous y étions tombés. C’est changer son cœur, ses désirs, ses affections, pour mettre le bon Dieu au centre de notre vie. C'est s’ouvrir finalement à la vraie vie, cette vie de la grâce qui est la vie de Dieu en nos âmes, que le Christ nous a rendue par son sacrifice sur la Croix, Lui qui « a détruit notre mort par la sienne, et nous a rendu la vie en ressuscitant ».

Que le pèlerinage suscite en nous un véritable sursaut dans notre vie spirituelle, loin de notre petit confort, de notre petite médiocrité, contre lesquels, bien souvent, nous ne sommes pas totalement vaccinés ! Le moyen de cette conversion, c’est la pénitence. Le regret sincère de ses fautes, et le désir de s’en corriger.

Voilà pourquoi le pèlerinage est inséparable d’une préparation en amont, d’un examen de conscience. Le pèlerinage sera comme une retraite au désert, dans l’effort pénitentiel de la marche, sous la pluie battante ou le soleil ardent, pour revenir au Seigneur en considérant humblement ses faiblesses et ses chutes, en désirant de tout son cœur s’ouvrir à l’amour miséricordieux du Père, à la présence salvifique du Fils, à l’action sanctifiante du Saint-Esprit.

Une retraite qui nous fera voir clair sur nous-mêmes et que nous aurons à cœur de faire vivre par deux sacrements : le sacrement de Pénitence qui purifiera nos âmes et les délivrera des chaînes du péché, le sacrement de l’Eucharistie qui nous réconfortera dans le difficile chemin de la vie. Mais retraite aussi à plusieurs, où nous aurons à cœur de vivre de la charité fraternelle, en aidant nos frères, surtout ceux qui sont encore au commencement de la foi, par notre sollicitude et nos prières.

Ces pèlerinages font vivre le grand pèlerinage de l’éternité que nous avons à accomplir durant toute notre vie. Et ce grand pèlerinage est lui aussi soutenu par la prière et les sacrements, qui nous font rayonner de la présence de Dieu en nos âmes. Nous sommes des « pèlerins d’éternité », notre effort doit être authentique, notre marche vraie, courageuse et fidèle.