J'en avais rêvé, les moines me l’ont donné...

Samedi 3 Octobre, il est 10h, il pleut, il fait froid, je ne sais plus très bien pourquoi j’ai pris cette décision de faire une retraite : est-ce le sentiment d’une dette à honorer pour n’avoir pas marché vers Chartres à la Pentecôte ? Le besoin de fuir une lourdeur ambiante ? La soif d’autre chose ? Deux jours de silence… est-ce vraiment ce dont j’ai envie ?

« Il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints » ! L’Abbé Garnier n’y va pas de main morte pour introduire ces deux jours de retraite prêchée sur la sainteté. Nous sommes loin des considérations sur les contraintes sanitaires qui submergent notre quotidien : l’objectif n’est pas ici de prendre soin de soi, mais de prendre soin du Bon Dieu, de le rejoindre dans la confiance qu’Il place en nous pour réaliser ce à quoi Il nous a appelés. C’est tout simplement ça la sainteté : un chemin d’amour, né et enrichi de l’attirance envers Dieu comme source première du Bien, de l’immensité de Sa bienveillance paternelle, de la volonté de faire non seulement ce qui est bon, mais encore mieux, ce qui Lui plait et de fuir le péché comme l’instinct de survie répugne à la maladie.

« Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit » : portables coupés, pas d’internet, ni sms, whatsapp, ni réseaux sociaux, l’on s’abandonne peu à peu… «  Vous êtes reçus ici comme le Christ » nous dit en souriant le Père Hôtelier en ouvrant grand ses bras pour nous inviter à rejoindre pour les femmes et les couples, de jolies petites maisons qui bordent l’abbaye, et pour les hommes qui le souhaitent, l’hôtellerie des moines. Les deux jours seront rythmés par des enseignements entrecoupés d’offices ; le temps est suspendu, en silence nous oscillons entre l’abbatiale, le confessionnal, la librairie, l’atelier de poterie, les enseignements de l’Abbé et la Lectio Divina de Dom Pateau qui témoigne ainsi de son accueil profondément paternel. Soigner l’âme sans négliger le corps : les nuits sont profondément reposantes et les repas savoureux, servis à table en même temps que quelques bonnes vies de saints !

Des enseignements concrets dans un langage très imagé : l’Abbé Garnier semble féru de voiture… « on ne monte pas en voiture pour rester du bon côté de la ligne jaune mais pour avancer, atteindre le but (l’amour de Dieu), avec du carburant (le Saint Esprit), un bon GPS (une conscience chrétienne bien formée dans la lumière de la Vérité), avec un volant (la prudence), une boite de vitesse (la tempérance), des rétroviseurs (la justice), un accélérateur (la force et la patience), un moteur (la charité), des phares (la foi, avec une fonction anti brouillard), des essuie glace (la contrition, la componction et la pénitence), des amortisseurs (l’Espérance théologale pour absorber les chocs), une bonne assurance (la Vierge Marie) et des dépanneurs / panneaux indicateurs, les prêtres ». La finalité et le mode d’emploi sont autrement plus simples et engageants que celui du port des masques et du respect des distances sociales assurant le grade de bon citoyen…

Mais la route est-elle fiable ? L’Eglise est-elle vraiment sainte et donc à suivre malgré tous les scandales qui l’ont éclaboussée, la baisse des vocations, la ruine du culte, la fermeture des églises et le refus de la communion par peur de la maladie…? « Oui !, nous répond l’Abbé, le Christ a promis l’indéfectibilité de l’Eglise mais n’a jamais promis que tous les hommes d’Eglise prendraient les meilleures décisions possibles. L’Eglise est donc bien sainte car son fondateur Jésus-Christ est Saint : elle est sainte par sa doctrine, par son culte, sa loi de charité, de justice et de miséricorde, la sainteté de certains de ses enfants », rappelant les propos de l’Abbé Coiffet : « Ce n’est pas nous qui sauvons l’Eglise, c’est l’Eglise qui nous sauve ». Devant les imperfections de sa gouvernance, il suffit donc de rester lucide sans devenir amer. Le chrétien n’est pas un mouton de panurge mais une brebis du troupeau du Seigneur, et même s’il se doit d’être respectueux, il est libre !  Quelle bouffée d’oxygène que de l’entendre dire …

Les saints français sont ceux de la confiance (Brasillach), les saints du XXIIème siècle seront ceux de l’Espérance. En soldats du Christ (Peguy), sachons être de paisibles insatisfaits, capables de bousculer mais aussi d’accueillir les épreuves comme des purifications pour la vie théologale lorsque les choses ne dépendent pas de nous : la sainteté est un don de Dieu, elle est la confiance absolue dans la plénitude des bienfaits qu’Il nous donne. Pratiquons l’écologie spirituelle en cultivant des zones de sainteté comme nous y invite Benoît XVI : des espaces pour la liturgie, des exercices de piété, des pèlerinages qui sont autant des forces de résistance que des zones de protection et de rayonnement du Bien.

Quel meilleur remède à la morosité que de se retirer du monde pendant 48h pour tourner les yeux vers le Ciel ? Nous étions particulièrement nombreux cette année à tel point que les inscriptions ont été assez vite fermées : le vide anesthésiant que nous imposent nos gouvernants n’y est sûrement pas pour rien. La main de Dieu est omniprésente à Fontgombault : du murmure de ses chants grégoriens à la lumière tamisée de ses vitraux, de la chaleur si paradoxale de ses murs glacés à la douceur paternelle de ses confessions. Tant de grandeur et de simplicité donnent des ailes, celles de devenir saint ! 

Un retraitant