Lecture: “Histoire des conciles”

Le dernier ouvrage d'Yves Chiron

Histoire des Conciles

“Histoire des conciles” par Yves Chiron

Cette Histoire des conciles, comme la plupart des livres écrits par Yves Chiron, est appelé à devenir un livre de référence, à l’occasion du cinquantenaire de Vatican II qui demeure précisément un concile atypique.

Un concile œcuménique, explique dès le début le spécialiste d’histoire religieuse, rassemble les évêques de l’oikoumenè (l’ensemble de la terre « habitée »), pour pouvoir imposer ses décisions à toute l’Eglise, dans une collégialité en acte sous l’autorité souveraine du pape : « C’est là que les saints dogmes de la religion sont définis avec plus de profondeur, exprimés avec plus d’ampleur ; que la discipline ecclésiastique est restaurée et plus solidement établie |…|, que se resserrent les liens des membres |les évêques| et de la tête |le pape|, que s’accroît la vigueur de tout le corps mystique du Christ » (Constitution De fide catholica de Vatican I).

L’auteur cite aussi le Code de droit canonique : « Le collège des évêques exerce le pouvoir sur l’Eglise tout entière de manière solennelle dans le Concile œcuménique. » Et d’expliquer pourquoi la tradition reconnaît 21 conciles œcuméniques : autant de « pierres milliaires » de l’histoire de l’Eglise, dont il retrace l’histoire humaine et divine avec le talent de synthèse qu’on lui connaît.

Dans sa dernière lettre Aletheia (16, rue du Berry, 36250 Niherne), Yves Chiron revient avec pertinence sur le problème particulier de Vatican II à travers notamment la constitution pastorale Gaudium et spes et ce qu’il appelle, avec Louis Rade, le « soixantisme » auquel s’est ouvert le concile. Il faut comprendre par ce néologisme « une idéologie de la modernité qui a trouvé son acmé dans les années 1960, allant jusqu’au milieu des années 1970. Avec comme caractéristique : l’individualisme, le rejet, plus ou moins radical, de l’autorité, le refus du devoir, la revendication de droits, le jeunisme, la consommation et, en même temps, la contestation de cette consommation ». Bref, cette idéologie contextualiste et historiciste aurait influencé et conditionné Vatican II dans certains de ses textes et surtout dans son « esprit ».

Mais cette espèce de néo-modernisme ou de progressisme latents, ombrageant quelque peu le 21e concile œcuménique (ce fameux « concile pastoral ») n’est pas sans rejaillir précisément sur la doctrine traditionnelle au sujet des conciles et du pouvoir du collège des évêques sur l’Eglise universelle.

Pour témoin ce « Code de droit canonique annoté », coédité en 1989 par les éditions du Cerf et Tardy, que me signale un prêtre ami. Il s’agit d’une traduction et adaptation françaises des commentaires de l’Université pontificale de Salamanque publiés sous la direction de feu le Professeur Lamberto de Echeverria. Cette traduction française révisée du Code (par la Société internationale de droit canonique et de législations religieuses comparées, avec le concours de la Faculté de droit canonique de l’Université Saint-Paul d’Ottawa et de la Faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris) offre des commentaires pour le moins surprenants. Je livre celui-ci à la sagacité historique et doctrinale d’Yves Chiron :

« En fait, cette notion |le concile œcuménique|, apparemment si claire, rencontre des difficultés au moment de sa mise en pratique. Le chiffre de vingt et un conciles œcuméniques que l’on donne habituellement a été introduit tardivement par saint Robert Bellarmin. L’opinion de plusieurs auteurs, qui est aussi la notre |sic|, est que le concile Vatican II n’est que le 12e |resic|. Quelques conciles, comme le 1er concile de Constantinople, ont été célébrés en tant que conciles particuliers et ce fut le pape qui leur a donné leur œcuménicité… »

Exit alors de la catégorie des conciles œcuméniques, pas moins que :

  • les deux conciles de Nicée : 1. la consubstantialité du Verbe contre les Ariens ; 2. le culte des images contre les iconoclastes ;
  • les quatre conciles de Constantinople : 1. la divinité du Saint-Esprit contre Macédonius ; 2. précisions sur la Sainte Trinité et l’Incarnation ; 3. les deux volontés (divine et humaine) dans le Christ ; 4. la primauté du pape contre Photius ;
  • Ephèse : l’unité de personne dans le Christ et la maternité divine de Marie contre Nestorius ;
  • Chalcédoine : les deux natures dans le Christ contre Eutychès.


Doit-on alors relativiser et interpréter tous ces éminents conciles à la lumière des « douze » suivants, comme on voudrait trop souvent interpréter la tradition aujourd’hui à la lumière du seul Vatican II (se transformant pour le coup en super-concile dogmatique) ? On saisit à ce singulier commentaire du code de droit canonique l’urgence d’une herméneutique de la continuité et d’un magistère appliqués à l’extension et la compréhension des conciles.

Histoires des conciles, par Yves Chiron, Perrin, 22 euros.

REMI FONTAINE


Article extrait du quotidien Présent n° 7535 du Mercredi 8 février 2012.