Une avancée de la culture de mort au Sénat

Le vote sur la recherche sur les embryons

Recherche sur l'embryon - le vote du Sénat


Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la conférence des évêques de France, déclare :

"Le Sénat a adopté hier soir une proposition de loi visant à mettre en place un régime d’autorisation sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Or, l’article 46 de la loi de bioéthique de 2011 prévoit que : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux ». Mgr d’Ornellas, qui a animé au nom de l’Eglise en France le dialogue de la qualité que l’on sait, préparant cette loi de 2011, s’exprime dans le communiqué ci-joint au nom de la Conférence des Evêques de France."

Réaction de Mgr. d'Ornellas, archevêque de Rennes :

"« Vous voulez protéger la vie dans des conditions qui nous paraissent contraires à l’essence même de la vie. » En prononçant cette phrase, le sénateur Jacques Mézard, (qui veut l’autorisation légale de la recherche sur l’embryon humain) a pourtant exprimé la gravité de l’enjeu de la proposition de loi adoptée dans la nuit par le Sénat. La vie de l’embryon humain mérite-t-elle d’être protégée ? Oui ou non ? Le Sénat a répondu par la négative. Conscient qu’il s’agit d’une « transgression anthropologique », il a pourtant voté l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain, par principe et non plus seulement par exception. Le motif invoqué est hasardeux : le retard de la France en matière de recherche scientifique. Est-il vrai que le progrès de la recherche française dépende de cette autorisation ? L’embryon humain a le droit d’être protégé. L’Europe demande que sa protection soit assurée le mieux possible. Notre droit français actuel s’honore en maintenant, sans ignorer les situations difficiles, le respect de l’être humain « dès le commencement de sa vie ». La France peut être fière de ce respect. Souhaitons qu’elle garde cette fierté ! Le Sénat a remis en cause ce respect. Cela est choquant. Et un tel changement est opéré sans même qu’un véritable débat ait eu lieu. La loi de bioéthique promulguée en juillet 2011 exige pourtant ce débat. Le Sénat ne l’a pas jugé utile. Pourquoi avoir peur du débat qui fait appel au vaste panorama de la philosophie et de la science ? L’Allemagne maintient l’interdiction de recherche sur l’embryon humain. Faudra-t-il que ce soit l’Allemagne qui soit en avance dans le respect dû à l’être humain ?
Le vote du Sénat est d’autant plus choquant que, dans les tests pour les nouveaux médicaments, la communauté scientifique internationale privilégie désormais les cellules souches reprogrammées découvertes par les Nobels Gurdon et Yamanaka. Comme l’a écrit le neurobiologiste Alain Privat, l’adoption d’une disposition autorisant par principe l’expérimentation sur les embryons humains « enverrait au monde un message de négation de l'éthique et d'anachronisme scientifique »."

Jeanne Smits dans "Présent" (n°7745 du vendredi 7 décembre 2012)

Culture de mort - La recherche sur l’embryon va devenir la norme

Sur le papier, le changement ne semble pas de taille, et l’information n’a pas fait les gros titres, alors qu’elle est le signe d’un séisme parmi les fondements du droit. Dans la nuit de mardi à mercredi, avec le concours d’ailleurs inutile de plusieurs élus de « droite », le Sénat a adopté en première lecture un texte qui autorise par principe la recherche sur l’embryon et les cellules souches que l’on y récolte. Proposée par le RDSE (radicaux de gauche) mais également appuyée par le gouvernement, la proposition de loi peut espérer bénéficier d’une niche parlementaire réservée aux députés PRG pour se voir inscrite à l’ordre du jour. A moins que le gouvernement n’en prenne lui-même l’initiative, puisque l’institutionnalisation de la recherche destructrice d’embryons humains faisait partie des promesses de campagne de François Hollande…
Cette recherche demeure actuellement « interdite » en France, une âpre bataille parlementaire en 2011 ayant permis de contrer le projet d’en autoriser le principe porté par les sénateurs dits de droite. On avait assisté alors à des prises de position insolites, par les temps qui courent, de la part de députés de la majorité qui avaient tenu à ce que l’exploitation des tout-petits d’hommes par leurs semblables ne soit pas affirmée comme un droit par la loi.
Il y a certes toujours eu une part d’hypocrisie dans cette affaire, puisque les lois bioéthiques, depuis 2004 et lors de leur révision en 2011, prévoient une possibilité de dérogation au principe de l’interdiction, donnant de fait un pouvoir de vie et de mort à l’Agence de biomédecine chargée de concéder des droits de recherche aux laboratoires qui les demandent.
Mais au moins reste affirmé par la loi le devoir général de protection de l’embryon considéré en tant qu’humain. Et les dérogations ne peuvent en principe pas être données sans raison. La Fondation Jérôme Lejeune avait ainsi poursuivi l’Agence de biomédecine pour une dérogation accordée à l’INSERM, et obtenu en mai dernier de la Cour administrative d’appel qu’elle soit condamnée, au motif qu’il n’avait pas été établi qu’un moyen alternatif excluant la recherche sur l’embryon puisse être utilisé pour atteindre l’objectif de recherche affiché.
La loi de 2011 est un pis-aller. On sait qu’elle ne pèse pas forcément très lourd face à la puissance des laboratoires et aux pressions des politiques. Mais enfin elle maintient un semblant de civilisation, un rappel du bien, même si celui-ci est bafoué par ailleurs dans les grandes largeurs.
Jean-François Copé a choisi de s’exprimer contre la loi juste avant son vote – dans une grande discrétion – au Sénat. « Ce projet de la gauche est un renversement complet de la logique actuelle du Code civil qui garantit le respect de la vie et de la dignité humaine », a-t-il proclamé avec davantage d’à propos que d’efficacité, puisque d’une part la proposition RDSE reprend tel quel un texte proposé en 2011 par la droite sénatoriale, et que le respect de la vie et de la dignité humaine ne sont bien évidemment pas garantis dans un pays qui compte plus de 200 000 avortements légaux par an. Et que l’un des arguments avancés par les partisans de l’autorisation de principe, quoique encadrée, de la recherche sur l’embryon, est celui de la présence de dizaines de milliers d’embryons créés lors de procréations médicalement assistées : « On a en stock 150 000 embryons surnuméraires, aux parents de décider de leur sort : soit ils ont un projet parental, soit ils en font don à un couple stérile, soit ils acceptent leur destruction ou en font don à la recherche », a ainsi déclaré Muguette Dini (UDI-UC).
Et seuls 10 sénateurs centristes sur 32, ainsi que 59 UMP sur 131 ont voté contre la loi, alors même que l’inefficacité thérapeutique et la dangerosité des cellules souches embryonnaires sont avérées et que les techniques « éthiques », comme le recours aux cellules souches dites « adultes » (prélevées sur la peau ou dans les organes sur des personnes vivantes) ont déjà de nombreuses applications.
Au nom de l’Eglise catholique, soulignant que ce genre de modification des lois bioéthiques passe obligatoirement par un « débat public sous forme d’états généraux », Mgr Pierre d’Ornellas a parlé d’une « transgression anthropologique », ajoutant : « L’embryon humain a le droit d’être protégé. L’Europe demande que sa protection soit assurée le mieux possible. Notre droit français actuel s’honore en maintenant, sans ignorer les situations difficiles, le respect de l’être humain “dès le commencement de sa vie”. La France peut être fière de ce respect. Souhaitons qu’elle garde cette fierté ! »
Le ton de la réaction reste teinté de gêne par rapport au respect intégral de la vie, qui demanderait de faire le lien avec le pseudo « droit à l’IVG » qu’on ne peut balayer sous prétexte de situations difficiles. Mais enfin il y a une réaction. Souhaitons-la de plus en plus fière et juste !