Jean Sévillia : «Les catholiques ont à témoigner à temps et à contretemps»

Rencontre avec Jean Sévillia à l'occasion de la sortie de son livre "Ecrits historiques de combat"

20161108JeanSevilliaBrunoKlein.jpg L'Appel de Chartres : Jean Sévillia, vous publiez sous le titre Ecrits historiques de combat un recueil de vos trois principaux essais, Historiquement correct, Moralement correct et le Terrorisme intellectuel. Qu’apporte cette réédition ?
Deux de ces livres n’étaient plus disponibles autrement qu’en format de poche. En les réunissant en un volume, mon éditeur a d’abord voulu les rendre de nouveau accessibles aux lecteurs qui ne les possédaient pas et qui préfèrent les livres de grand format pour leur bibliothèque. La réunion des trois titres permet de souligner la logique du travail que j’ai effectué en analysant successivement l’histoire de la manipulation des esprits au cours des soixante années écoulées (dans le Terrorisme intellectuel), l’application du politiquement correct à la grande histoire (dans Historiquement correct) et les incidences du terrorisme intellectuel sur les questions de société (dans Moralement correct). Pour cette nouvelle édition, j’ai apporté quelques modifications dans les textes et surtout rédigé une préface qui actualise et relie les trois livres entre eux. Un index des noms propres qui couvre les trois titres constitue par ailleurs un instrument de travail pour les lycéens et les étudiants ou pour tous ceux, en général, qui cherchent des citations et des références précises pour connaître et combattre les idées fausses.

AdC : Les ouvrages qui composent ce volume sont parus entre 2000 et 2007. Le phénomène du politiquement correct que vous dénoncez dans les trois livres s’est-il modifié depuis ces dates ?
Le propre du politiquement correct, s’il a des invariants, est d’évoluer au fil du temps puisqu’il épouse et reflète l’idéologie dominante. Dans les années 1950, cette idéologie était le communisme version stalinienne. Dans les années 1960, le marxisme tiers-mondiste. Dans les années 1970, le gauchisme. Dans les années 1980, le droit-de-l’hommisme. Dans les années 1990, le libéralisme libertaire, né du rapprochement entre une gauche ralliée à l’économie de marché et une droite gagnée à la révolution des mœurs. Depuis les années 2000, nous sommes dominés par le multiculturalisme qui prétend effacer notre histoire, nos frontières, notre culture et notre héritage religieux dans une perspective relativiste où l’individu est la mesure de toute chose. Dans les années 1950, le terrorisme intellectuel empêchait de dire la vérité sur l’URSS. Aujourd’hui, il s’oppose par exemple à un discours de vérité sur les racines de l’islamisme.

AdC : Les catholiques sont-ils plus visés que d’autres par les mensonges de la culture contemporaine ?
20161108JeanSevilliaEcrits_historiques_de_combat.jpgDes croisades à l’Inquisition, le passé de l’Europe chrétienne nourrit d’inépuisables arguments hostiles à l’Eglise, arguments fondés sur des mensonges, des approximations, des anachronismes. Il importe de ne pas répondre à ces mensonges par d’autres mensonges, évidemment, mais par la vérité de l’histoire. La civilisation chrétienne n’a jamais été parfaite, parce qu’elle était humaine, mais elle a ses pages de gloire, ses héros et ses saints qu’il faut connaître pour appréhender toutes les facettes du passé. D’une manière générale, l’Eglise catholique qui est une des dernières institutions, sinon la seule, à affirmer que la Vérité ne dépend pas du jugement humain mais d’éléments objectifs, et d’abord la Révélation, n’est pas faite pour plaire au subjectivisme contemporain. On le voit sur des sujets fondamentaux comme la défense de la vie, la définition du mariage, la prise en compte de la différence sexuelle : le simple rappel de l’anthropologie chrétienne déclenche la fureur de certains. Ce n’est pas une raison pour que les catholiques s’enferment dans une posture victimaire. Tout en sachant que l’Ecriture nous a prévenus que nous souffririons « en Son nom », les catholiques ont à témoigner à temps et à contretemps, sans jamais perdre ni la foi, ni l’espérance, ni la charité.

Jean Sévillia, Ecrits historiques de combat, Perrin, 840 pages, 25 €.