Appel de Chartres n°206


Que résonne dès aujourd’hui l’appel de Chartres !


Chers amis pèlerins,

Noël est déjà derrière nous, laissant le regret d’un temps très pur et si court.

Sans respiration, l’agenda pousse les jours. Sans répit, il nous précipite dans une nouvelle année chargée de bien des menaces mais riche aussi de bien des grâces.

La chrétienté de France va mal. Après une temporisation des attaques, des lois nouvelles - que n’arrêtent même pas les cris des foules rassemblées - se succèdent et rongent le socle de la Loi Naturelle sur laquelle elle est fondée.

La mémoire collective, chargée de culture chrétienne, s’efface doucement dans l’indifférence générale. Elle est remplacée par un consumérisme qui gomme les signes de toutes les traditions forgées à l’abri des paroisses et qui formaient l’armature invisible de la Fille ainée de l’Eglise. Le mot Tradition est sommé de rester au banc. Privée de forces vives, la chrétienté de France semble épuisée et condamnée à abandonner son rôle missionnaire qui tant de fois lui a permis de redresser des situations désespérées.

Au regard de tout cela, le pèlerinage de Chartres est un paradoxe qui traverse cette époque dénaturée comme la colonne traverse la Beauce. Il s’assemble un matin, dans les cantiques et les prières. Sans complexe, il traverse un Paris ahuri et sa joie réveille sa banlieue désespérée. Il avance par champs et bois, trois jours durant, qui laisseront plus de grâces dans les cœurs et le secret des âmes que de traces de pas sur les chemins.

Ce Pèlerinage est pour la terre de France un événements spirituels de masse qui porte signe visible d’Espérance. Il est le fruit des sacrifices de quelques-unes et quelques-uns qui, durant des mois, ne cessent de le préparer. Il doit aussi beaucoup à quelques centaines de chefs de Chapitres qui chaque année se chargent d’accueillir, d’entraîner, d’enseigner, de soutenir et de conduire leurs pèlerins, et à qui l’on doit mille mercis pour avoir pris ce service.

Ce pèlerinage est en lui-même une terre de mission, car il enseigne à des pèlerins, maintenant très jeunes et pour partie peu pratiquants, les fondements les plus solides d’une foi parfois bien mal transmise.

Ce pèlerinage porte pour la jeunesse de France l’oriflamme de La Tradition. Elle s’y rassemble autour de l’autel et de l’encens, pour une liturgie qu’elle aime, ou qu’elle découvre mais que jamais elle n’oubliera plus. Elle y rapprend la force des symboles temporels en regardant passer l’anneau de Jeanne d’Arc. Elle y prie, s’y sanctifie et s’y forge une identité chrétienne qu’elle découvre ou redécouvre encore. Les retours à la chrétienté quotidienne sont parfois difficiles.

Les communautés des chapitres se dissolvent bien souvent. Cette rupture empêche les grâces collectives d’amitiés de perdurer et l’effort missionnaire né du regroupement s’affaiblit. Chers chefs de chapitre, il vous revient de pérenniser ces liens tissés pendant le pèlerinage ; qu’ils se fortifient et croissent au profit de tous et de la Chrétienté. Les Chapitres qui se retrouvent pendant l’année ont des fruits d’amitiés et de conversions dont les effets enfantent d’autres beaux engagements.

Janvier est le temps des résolutions personnelles qu’il ne faut pas manquer de prendre, par crainte de perdre maintenant, par omission, des combats que nous laissons trop souvent aux autres le soin de livrer pour nous.

Le prochain pèlerinage se prépare dés hiver, dès maintenant pour tout dire. Les Chapitres seront d’autant plus soudés, joyeux et missionnaires, qu’ils se seront reconnus et rassemblés avant le parvis de Notre Dame de Paris. Les méditations toucheront d’autant plus les âmes qu’elles auront été préalablement bien préparées et partagées entre plusieurs.

L’église n’est certes plus toujours au milieu du village mais nous marchons vers Chartres aussi pour l’y remettre.

Pèlerins, adjoints route, porteurs d’eau, animateurs, adjoints chant et adjoints principaux, chefs de chapitres, cadres des chapitres des soutiens et de la direction, aumoniers préparons Chartres dès maintenant, car le pèlerinage de Chrétienté, va beaucoup plus loin que Chartres.

Il va jusqu’à la Jérusalem Céleste si l’on y part en ayant bien préparé ce voyage spirituel à l’avance en communion de Foi, d’Espérance et de Charité

Ce sera mon vœu le plus sincère pour vous tous, chers pèlerins.
Que Notre Dame renforce notre Espérance durant toute cette nouvelle année.

Didier ROUSSEAU
Chef de région Est
Pèlerin depuis 1991.

Charles Péguy « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance »

FRANCE-LITTERATURE-WW1-PEGUY« La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance. La Foi ça ne m’étonne pas. Ce n’est pas étonnant. J’éclate tellement dans ma création. La Charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres. Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’Espérance. Et je n’en reviens pas. L’Espérance est une toute petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. C’est cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversa les mondes révolus. La Foi va de soi. La Charité va malheureusement de soi. Mais l’Espérance ne va pas de soi. L’Espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bienheureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. La Foi voit ce qui est. La Charité aime ce qui est. L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé. Sur la route montante. Traînée, pendue aux bras de des grandes sœurs, qui la tiennent par la main, la petite espérance s’avance. Et au milieu de ses deux grandes sœurs elle a l’air de se laisser traîner. Comme une enfant qui n’aurait pas la force de marcher. Et qu’on traînerait sur cette route malgré elle. Et en réalité c’est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne, et qui fait marcher le monde. Et qui le traîne. Car on ne travaille jamais que pour les enfants. Et les deux grandes ne marchent que pour la petite ».

Charles Péguy (1873-1914)