Comprendre ce qu'est le salafisme

Pour l’abbé Fabrice Loiseau il faut faire preuve de vigilance et de discernement à l’égard de l’islam radical.

Le mouvement salafiste est une réalité complexe et ses membres ne sont pas tous favorables au djihad armé. Cependant, sa théologie peut être source de violence. La progression du salafisme et des frères musulmans est vertigineuse en France : congrès au Bourget de l’UOIF, livre La voie du musulman prônant le djihad armé et l’application des articles les plus durs de la charia, interventions d’Hani Ramadan favorable à la lapidation des femmes, cheikh Karadawi faisant l’éloge des « attentats martyrs »… Intellectuels musulmans et imams eux-mêmes parlent de chaos pour la pensée musulmane contemporaine.

Croire au livre révélé comme parole incréée fait partie des piliers de l’Islam. Cela signifie que le Coran vient de Dieu, sans collaboration aucune avec l’esprit humain.
Si l’Église doit inviter à la paix sociale et au dialogue inter-religieux, elle doit aussi faire preuve de vigilance et de discernement. Ne cédons pas à la haine ni à la violence. Cependant le respect et le dialogue n’existent que dans la vérité. Benoit XVI, on s’en souvient, interpellait sur l’importance de la raison dans la compréhension de la Révélation afin d’éviter l’absurdité de la violence. On se souvient de la réaction de nombreux pays musulmans…

La question est précisément là : quelle est la place de la raison dans l’Islam ? La théologie salafiste n’est-elle pas une cause importante de la radicalisation de milliers de jeunes ? Luc Ferry le rappelait, la cause de ce terrorisme est religieuse. Il s’agit certes d’une vision dévoyée mais Daech cherche sa légitimité dans l’Islam des origines.

Nous sommes obligés de sortir des lieux communs pour aborder la question théologique, cause principale de cette radicalisation, particulièrement sur quatre points :

1) Croire au livre révélé comme parole incréée fait partie des piliers de l’Islam. Cela signifie que le Coran vient de Dieu, sans collaboration aucune avec l’esprit humain. Pour les salafistes, seul le sens premier du Coran est autorisé en matière de foi. Chercher à spéculer ou raisonner dialectiquement serait une innovation hérétique par rapport à la nécessité de suivre les fondamentaux des anciens. Une interprétation plus radicale est possible avec la question des versets abrogeant et abrogés ‒ la sourate 2, 106 – rappelle qu’Allah peut remplacer un verset par un autre. Pour les salafistes, les versets violents de Médine abrogent les versets plus paisibles de la Mecque. Toute vision historico-critique est vécue comme un blasphème.

2) L’imitation du prophète est un pilier de la foi de l’Islam. Pour les salafistes, impossible de contextualiser les faits et gestes du prophète (hadits). Dans la Sunna, les hadiths de Bukhary, Muslim et Tabary révèlent le massacre d’une tribu juive, les assassinats, les mécréants brûlés… Certains comprennent alors que la stratégie de la terreur fut organisée par le prophète lui-même. C’est ce que revendique l’État Islamique ou l’Arabie Saoudite lors de leurs décapitations et des différents actes de barbarie. La sourate 9 ordonne de tuer les associationnistes (ceux qui associent l’humain au divin, c’est-à-dire les chrétiens qui proclament Jésus, fils de Dieu). Ces condamnations peuvent être perçues par des esprits fanatiques comme permanentes.

3) Pour les salafistes, le monde se décompose entre terre d’islam et terre de combat. L’instauration de la charia devient une urgence en terre d’islam et son nombre important de prescriptions implique un régime islamiste. L’islam veut alors absorber la politique, la science, le culturel, la justice, l’hygiène, etc. La liberté religieuse devient très difficile. Impossible en terre d’islam de changer de religion. Nous ne pouvons, en tant que chrétiens, ignorer ces manquements à la liberté religieuse.

4) Les salafistes prévoient un sens de l’histoire inéluctable : le monde va devenir musulman avant le retour d’Issa (Jésus). Celui-ci enverra les chrétiens en Enfer parce qu’ils l’ont divinisé. Le djihad devient une urgence pour rentrer dans ces fins des temps. Une doctrine en cours explique que le djihad doit être une guerre permanente contre les non-croyants.

Sans une révision profonde de la pensée salafiste et de la théologie des frères musulmans, nous allons droit vers la terreur. Les imams modérés sont souvent dépassés dans leurs mosquées par la présence de groupes salafistes.

Si l’enjeu du dialogue est vital, il ne doit pas être aveugle. Aujourd’hui, à l’heure où nous pleurons nos morts, la naïveté et l’alignement sur une pensée unique deviennent gravement coupables. Saurons-nous trouver la force de parler en vérité ?