Le petit âne de Bethleem, conte de Noël

Chacun sait que Dieu a créé les animaux pour qu'ils soient les compagnons des hommes. Certains eurent même la chance de devenir l'ami de saints très connus, à tel point que l'on représentait ce saint, on oubliait jamais de placer auprès de lui l'animal qui l'avait accompagné dans la vie.


Or, un jour, dans le ciel, un des anges qui servait le Seigneur, comme le font d'ailleurs tous les anges, eut une idée qu'il proposa immédiatement à tous les saints du Paradis : il aimait beaucoup les animaux et il souhaitait que soit récompensé l'animal qui avait le mieux servi ses amis durant leur vie sur la terre. Tous applaudirent à cette proposition et les saints partirent sans tarder chercher leurs compagnons. On vit d'abord une multitude d'oiseaux plus gazouillant les uns que les autres qui entouraient saint François d'Assise en lui faisant de petits signes d'amitié : ils se souvenaient si bien des beaux sermons que François leur faisait et eux l'avaient écouté avec tant de respect qu'ils pensaient bien mériter le premier prix.

Mais, à ce moment-là, saint Joseph présenta deux tourterelles qui roucoulaient doucement: "Elles furent offertes au Seigneur le jour de la présentation de Jésus au Temple de Jérusalem", expliqua-t-il. "Elles ont pour moi une grande valeur, c'était l'offrande des pauvres". Un beau chien se fit alors entendre. Il léchait aimablement la main de saint Roch qui raconta :" J'étais malade, très malade et tout seul. Je m'étais traîné dans une pauvre cabane en dehors de
la ville. Ce chien qui appartenait au seigneur d'un château voisin, vint chaque jour m'apporter un pain et me tenir compagnie. J'ai été guéri grâce à lui." Les anges manifestèrent de l'amitié au chien de saint Roch.


Mais voici que les Rois Mages arrivaient avec leurs dromadaires : -" Sans eux, dirent-ils, nous ne serions pas arrivés jusqu'à Bethléem, ils nous ont portés vers l'Enfant-Dieu." Les dromadaires firent tressaillir de joie tous les saints du ciel. Sans eux, en effet, la crèche ne serait plus la crèche. Il y eut ensuite un cerf splendide qui accompagnait saint Hubert, le patron des chasseurs. - "Je le poursuivais dans la forêt des Ardennes, expliqua saint Hubert et je voulais le tuer. C'est alors qu'entre ses bois magnifiques apparut la croix lumineuse du Christ qui me fit comprendre que ce n'est pas en chassant que je sauverai mon âme. Grâce à lui, je me suis converti." Les anges applaudirent en écoutant ce récit.
Mais voilà que saint Antoine accourait maintenant avec un drôle de compagnon : un petit cochon tout rose. - "Oui, dit-il, j'avais permis à ce petit cochon de rester près de moi. Il ne voulait pas me quitter parce que j'avais guéri sa maman." Tout le monde sourit : vraiment, ce petit cochon était bien amusant !
Et chacun commençait à se demander lequel de tous ces animaux allait remporter le premier prix du service rendu. Car le défilé continuait et il était bien impossible de faire ici la liste de tous les saints qui vinrent raconter leur vie.

C'est alors qu'un des anges se fraya un chemin. Il tenait par la bride un petit âne gris. Il prit la parole : - "J'étais à Bethléem le jour où Jésus est né. Dans le ciel, nous étions venus nombreux pour chanter "Gloire à Dieu au plus haut des cieux". Et j'ai vu ce petit âne qui réchauffait de son souffle le nouveau-né, alors qu'un vent glacial pénétrait dans la grotte. Et je voyais la Sainte Vierge qui en était toute réconfortée et Saint Joseph qui remerciait l'ânon en
caressant son échine rugueuse. Des parents ne peuvent pas oublier cela, n'est-ce pas ?" - "C'est vrai, intervint saint Joseph, et je n'oublierai pas non plus que ce petit âne avait auparavant porté Marie, de Nazareth à Bethléem, et qu'il faisait bien attention de marcher doucement pour ne pas la fatiguer. Ensuite, quand il a fallu s'enfuir en pleine nuit, il fut tout aussi courageux pour porter à nouveau l'Enfant et sa Mère, et nous conduire jusqu'en Egypte
pour échapper à la colère du roi Hérode."

Tous les saints et les anges du Paradis furent très émus en écoutant ce beau récit. Ils décidèrent tous sans exception que le premier prix du service rendu devait être décerné à ce petit âne gris qui, en ce jour de Noël, avait servi le divin Enfant avec autant d'empressement. Mais l'âne ne voulut pas garder pour lui tout seul ces remerciements. On le vit se diriger vers un bon gros boeuf qui attendait non loin de là, et chacun reconnut celui qui logeait dans la
crèche au moment où la Sainte Famille vint s'y abriter. L'âne fit comprendre à tous que ce bon compagnon ne se fâcha pas d'être dérangé en pleine nuit, mais qu'il aida lui aussi à réchauffer de son souffle l'Enfant nouveau-né. On décida alors que le boeuf devait recevoir le second prix. Un troisième prix fut facile à donner car voici que venaient d'arriver une dizaine d'agneaux accompagnés de leurs bergers. On estima

que leur présence dans la crèche consola le Tout-Petit, lui qui serait plus tard appelé l'Agneau de Dieu. Vous comprenez maintenant pourquoi, quand chaque année les enfants préparent la crèche de Noël, il ne leur viendrait pas à l'idée d'oublier l'âne et le boeuf, pas plus que les moutons. Sans eux nous n'aurions même pas pu raconter cette
belle histoire…


Prière des ânes
Donne-nous, Seigneur, de garder les pieds sur terre…
Et les oreilles dressées vers le ciel pour ne rien perdre de ta parole.
Donne-nous, Seigneur, un dos courageux…
Pour supporter les hommes les plus insupportables.
Donne-nous d’avancer tout droit,
En méprisant les caresses flatteuses, autant que les coups de bâton.
Donne-nous, Seigneur, d’être sourd aux injures et à l’ingratitude…
C’est la seule surdité que nous ambitionnons.
Ne nous donne pas d’éviter toutes les sottises,
Car un âne fera toujours des âneries.
Donne-nous simplement, Seigneur,
De ne jamais désespérer
De ta miséricorde si gratuite
Pour ces ânes si disgracieux que nous sommes…
D’après ce que disent les pauvres humains qui
N’ont rien compris
Ni aux ânes
Ni à toi qui as fui en Egypte avec un de nos frères,
Qui a fait ton entrée prophétique à Jérusalem,
Sur le dos d’un des nôtres.
Amen