La pastorale des santons de provence

 Noël c'est bien, par excellence Dieu avec nous. Ce mystère présente au regard de notre âme ses deux faces divine ( marquée par la présence des anges, l'étoile, la naissance virginale, l'adoration du nouveau-né) et humaine (une crèche, une jeune mère, des bergers, des mages...). 

Contemplons ce mystère joyeux en nous rapprochant de la crèche et en observant tous ces personnages qui sont entrés providentiellement en contact avec Jésus, l'Enfant-Dieu.


La Crèche
"Il n'y avait pas de place pour eux à l'hôtellerie" : dès l'aube de sa vie Jésus connaît le rejet comme une lointaine annonce de la Passion. Il ne va pas imposer sa présence au village qui ne veut pas de lui ; il se manifeste aux coeurs simples et ouverts qui, sur la foi de l'annonce des Anges, viennent l'adorer. Quand Jésus ressuscitera, de même, il n'apparaîtra pas à la foule des Juifs, mais aux Douze , à Marie-Madeleine, et aux disciples d'Emmaüs, abattus mais prêts à croire. Une étable, était-ce une place pour la naissance du Roi des Rois ? Le mystère de Noël nous invite à voir où sont les vrais biens : le détachement des richesses matérielles nous libère pour le Royaume des Cieux. "Là où est ton trésor, là est ton coeur". (Mat. VI, 21).
Quant à l'âne et au boeuf, ces deux animaux, repris par l'imagerie populaire, ils sortent tout droit du premier chapitre d'Isaïe, le plus messianique des prophètes de l'Ancien Testament, pour exalter la simplicité du coeur et condamner l'orgueil et la suffisance. 

Les anges et les bergers
De simples bergers sont appelés à être témoins de l'événement de la naissance du petit Enfant, Dieu éternel. Des bergers, des âmes simples, vivant au contact de la nature et des bêtes. Dans leur vie, pas de précipitation ; leur rythme est celui de leur troupeau. Ils prennent le temps de réfléchir, d'observer la création. Ils sont par profession des hommes du silence, de la contemplation, mais aussi de la vigilance et de l'attention. Ils ont cru simplement. Ils ont reçu la grâce insigne de voir le Verbe Incarné. Ils sont nos modèles. "Bienheureux les coeurs purs car ils verront Dieu". C'est à ces hommes simples que se manifeste la gloire du ciel.
Les Anges, ces esprits créés par Dieu pour l'adorer et le servir, accomplissent à Bethléem leur double fonction de glorifier Dieu et d'être ses messagers. Totalement libres, ils adorent, ils louent, ils chantent l'infinie bonté de Dieu, ils forment sa cour céleste ; ils montrent qu'il n'y a rien d'autre à faire sinon devenir des louanges de gloire. Ils montrent que la suprême humilité consiste, non pas à se regarder pour s'accuse,r mais à s'oublier dans l'admiration et à se cacher dans la lumière. Les                                              anges, messagers de Dieu, sont venus révéler aux bergers l'invisible au-delà du visible. 

Les Mages et l'Etoile
Saint Augustin fait remarquer que, contrairement aux bergers qui sont israélites, les Mages qui s'approchent du berceau de l'Enfant-Dieu sont des étrangers. "Les pasteurs étaient des gens simples et du bas peuple, les Mages étaient des sages et des hommes de haute qualité" commente encore saint Thomas en concluant : "On voit par là qu'aucune condition humaine n'est exclue du salut du Christ (cf Col. III, 11) "Dans le Christ, il n'y a plus ni homme ni femme, ni gentil, ni juif, ni esclave, ni homme libre". Ce qui est remarquable dans cette arrivée des Mages à la crèche, c'est la probité de leur démarche, leur recherche humble et fidèle de la vérité. "Vidimus, venimus".  Les Pères de l'Eglise ont cherché à comprendre pourquoi Dieu avait choisi différents
moyens pour annoncer la naissance de son Fils : des Anges pour des bergers, une étoile pour les Mages. Par paroles, ou par signe, Dieu se fait connaître aux hommes de bonne volonté. Et nous-même, rappelons-nous qu'à défaut de pouvoir nous exprimer clairement pour annoncer l'Evangile, comme les Anges aux bergers, nous pouvons toutefois imiter l'étoile en chrétiens "dans le monde" à notre place -mais "pas du monde", témoins et apôtres par l'exemple bien souvent silencieux, et vivant en enfants de lumière comme l'étoile qui brille dans la nuit de ce monde de ténèbres.  "Il est important, chers jeunes, de scruter les signes par lesquels Dieu nous appelle et nous guide. Lorsque nous sommes conscients d'être conduits par lui, le coeur ressent
une joie authentique et profonde qui s'accompagne d'un vif désir de le rencontrer et d'un effort persévérant pour le suivre docilement"
(Jean-Paul II - JMJ 2005).

 "Les présents qu'offrent les mages au Messie, poursuit Saint Jean-Paul II, symbolisent la véritable adoration. Par l'or ils soulignent sa dignité royale ; par l'encens ils confessent qu'il est prêtre de la Nouvelle Alliance ; en lui offrant la myrrhe, ils célèbrent le prophète qui versera son sang pour réconcilier l'humanité avec son Père. Vous aussi offrez au Seigneur l'or de votre existence, c'est-à-dire votre liberté pour le suivre par amour en répondant fidèlement à son appel, faites monter vers lui l'encens de votre prière ardente à la louange de sa gloire ; offrez-lui la myrrhe, c'est-à-dire votre affection pleine de gratitude envers lui, vrai Homme, qui nous a aimés jusqu'à mourir, comme un malfaiteur, sur le Golgotha".
Et se prosternant, ils l'adorèrent : ."Soyez des adorateurs de l'unique vrai Dieu en lui reconnaissant la première place dans votre existence ! L'idolâtrie est une tentation constante de l'homme (…) Ne cédez pas aux illusions mensongères et aux modes éphémères qui laissent souvent un tragique vide spirituel ! Refusez les séductions de l'argent, de la société de consommation et de la violence sournoise qu'exercent parfois les médias. L'adoration du vrai Dieu constitue un authentique acte de résistance contre toute forme d'idolâtrie. Adorez le Christ. Il est le Rocher sur lequel bâtir votre avenir ainsi qu'un monde plus juste et plus solidaire ; il est le Prince de la Paix, la source du pardon et de la réconciliation qui peut rendre frères tous les membres de la famille humaine".

Hérode
Hérode va déchaîner la violence sur les Saints Innocents à cause de Lui. Il est déjà le signe de contradiction qu'Il sera toute sa vie terrestre et que l'Eglise
demeure jusqu'à la consommation des siècles. Hérode reste le type de l'autorité dévoyée quand elle n'est pas soumise au Christ-Roi, au
Prince de la Paix. "Qui n'est pas avec moi est contre moi" (Mat. XII, 30). Les Saints Innocents de tous les temps en ont fait les frais. Et les attaques contre la vie, contre la Vie, aujourd'hui, procèdent de la même diabolique logique. Jésus ira jusqu'au Calvaire et annonce à ses disciples qu'ils auront à le suivre sur ce dur chemin de croix. C'est le moyen du salut. Aussi le Christ en a-t-il fait une béatitude : "Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la Justice car le Royaume des cieux leur appartient. Bienheureux serez-vous quand on vous outragera, qu'on vous poursuivra, qu'on dira mensongèrement toute sorte de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez d'allégresse car votre récompense sera grande au ciel". (Mat. V, 10-12) Cela aussi
c'est la joie de Noël !


Marie et Joseph
Joseph, qui a assumé la paternité légale de l'Enfant-Jésus à Nazareth est présent à Bethléem, sa patrie, silencieux sous le poids du Mystère qui a bouleversé sa vie. Toujours discret, il est actif et efficace dans sa mission de protecteur de la vie et de la réputation de Marie et de Jésus. Son exemple fait de lui un modèle de la vie intérieure. Il a vécu auprès des deux êtres les plus extraordinaires qu'ait portés la terre, et n'a pas laissé une parole de lui dans l'Evangile sinon celle du nom de l'Enfant-Dieu.
Marie est la mère de Jésus parce qu'elle est la toute pure. La naissance virginale de Jésus, Dieu et homme, dans le silence de la nuit est vraiment le mystère de Noël : "Il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme". "L'approfondissement de sa foi en la maternité virginale a conduit l'Eglise à confesser la virginité réelle et perpétuelle de Marie, même dans l'enfantement du Fils de Dieu fait homme. En effet, la naissance du Christ n'a pas diminué mais consacré l'intégrité virginale de sa mère. La liturgie de l'Eglise célèbre Marie comme toujours vierge." (CEC 499) . Personne ne s'est donné à la contemplation du visage du Christ avec autant d'assiduité que Marie. Ce sera parfois un regard interrogatif, comme dans l'épisode de sa perte au temple, ce sera dans tous les cas un regard pénétrant, capable de lire dans l'intimité de Jésus, jusqu'à en percevoir les sentiments cachés et à en deviner les choix, comme à Cana ; en d'autres occasions, ce sera un regard douloureux, surtout au pied de la croix, où il s'agira encore, d'une certaine manière, du regard d'une "femme qui accouche", puisque Marie ne se limitera pas à partager la passion et la mort du Fils unique, mais qu'elle accueillera dans le disciple bien-aimé un nouveau fils qui lui sera confié; au matin de Pâques, ce sera un regard radieux et, enfin un regard ardent lié à l'effusion de l'Esprit au jour de la Pentecôte. Marie n'est-elle pas ainsi la première envoyée-apôtre, la première missionnaire manifestant Dieu aux hommes en le "mettant au monde" dans la nuit de Noël ? 


Jésus
L'humanité de Jésus est l'instrument de la grâce, c'est dans son corps et son âme, par son humanité qu'Il nous sauvera en réparant l'offense à Dieu qu'ont causée nos péchés. "Pour plaire à Dieu, écrit sainte Thérèse d'Avila, pour recevoir de lui de grandes grâces, il faut, et telle est sa volonté, qu'elles passent par les mains de son humanité sacrée en laquelle il a déclaré prendre lui-même ses complaisances (…) J'ai reconnu manifestement que c'est, là, la porte où nous devons entrer si nous voulons que sa Souveraine Majesté nous découvre ses hauts secrets …on marche avec assurance sur cette route là". A bien réfléchir, toute l'économie du salut est fondée sur cette vérité. L'Eglise, les sacrements, la prédication : autant de moyens sensibles par lesquels
Dieu nous amène à Lui comme par une extension de son Incarnation. Jésus, au Tabernacle comme dans la Crèche, c'est bien l'Emmanuel, Dieu avec nous, la Présence réelle. Le Christ, ici et là, est substantiellement présent dans la réalité de son Corps et de son Sang. Dans l'humanité vagissante du petit Enfant de la crèche, comme sous les espèces dérisoires du pain et du vin, c'est Dieu qui nous est donné. Les bergers et les mages se prosternent devant l'Enfant-Jésus, comme nous faisons la génuflexion devant l'Hostie Sainte, geste qui serait de l'idolâtrie si l'Enfant n'était pas Dieu, si le Pain n'était pas le Corps du Christ. 

Extrait de méditations des Dominicaines du Saint-Esprit