J-6 : la liturgie tridentine n'est pas un mariage de raison mais un mariage d'amour !

Pourquoi Notre-Dame de Chrétienté aime ce rite ancien, dont l’ordonnance remonte pour l’essentiel au VIe siècle ?

Le concile Vatican II (constitution « Sacrosanctum Concilium »), à la suite du concile de Trente, nous rappelle que « la Liturgie est avant tout un culte rendu à Dieu ». Bien sûr, à l’occasion de ce culte, il y aura tout un enseignement donné au peuple de Dieu. Mais avant tout, la Liturgie est un culte à la divine majesté. Un culte que les fidèles rendent à Notre Seigneur Jésus-Christ, mais aussi que Notre Seigneur Jésus-Christ, lui-même, rend à son Père. Aussi ce culte doit-il être sacré et tel que Dieu le désire. On ne va donc pas à la messe pour être agréable à un prêtre, ni parce qu’un tel ou une telle y va, ou que l’esprit est chaleureux et les chants entrainants, mais on va à la messe pour rendre un culte à Dieu, un culte qui soit vraiment digne de Lui.

La Liturgie n’est pas une leçon de catéchisme. N’attendez pas de trouver au détour d’une page de votre missel, une définition exhaustive et complète de la messe. En revanche, ce que vous trouverez en suivant la liturgie de la Sainte Messe, c’est un ensemble de prières, de paroles, de gestes, de vêtements et d’objets liturgiques qui vous feront connaître ce qu’est la messe, sa véritable nature. C’est un peu comme un jeune homme qui voudrait faire connaître sa flamme à une jeune fille. Il peut, soit lui fixer un rendez-vous et lui déclarer tout de go : « Je t’aime ». Cela a l’avantage d’être bref et clair. Mais il peut aussi, lui faire connaître sa flamme par un certain nombre de signes extérieurs, comme, par exemple, lui offrir des fleurs, l’inviter au cinéma, lui téléphoner régulièrement, etc. Soyez sûr que la jeune fille comprendra très vite la nature des sentiments de ce jeune homme ! Eh bien, dans la Liturgie, il en va un peu de même ! Ce sont tous ces signes extérieurs, visibles, qui nous indiquent clairement la nature et l’essence du mystère. D’où l’importance de tous ces signes sensibles et visibles qui nous conduisent à l’Invisible.

Certes, ce n’est pas tel signe de croix, ou telle génuflexion, pris séparément qui est essentiel et indispensable, mais bien l’ensemble de tous ces signes extérieurs, c’est le « Lex orandi, lex credendi », que l’on traduit par: « telle prière, telle croyance ». En effet, si la liturgie ne manifeste pas clairement, par tout ce qui doit la composer, la nature même du mystère, alors c’est la Foi elle-même qui peut être touchée.

Il existe trois aspects de la théologie de la messe que la liturgie traditionnelle met particulièrement bien en valeur. Dans son encyclique sur l’Eucharistie « Ecclesia de Eucharistia », le pape Jean-Paul II rappelait avec force le caractère sacrificiel de la messe : « La messe, disait-il, est à la fois et inséparablement le mémorial sacrificiel dans lequel se perpétue le sacrifice de la Croix, et le banquet sacré de la communion au Corps et au sang du Seigneur ». St Padre Pio revivait au cours de sa messe toute la passion du Christ : de l’agonie, au Jardin des Oliviers, à la mise au tombeau. C’est vraiment impressionnant et même bouleversant. St Padre Pio avait d’ailleurs demandé et obtenu de Paul VI de garder la messe traditionnelle jusqu’à sa mort. Dans la messe traditionnelle, ce caractère sacrificiel est mis en valeur dans les prières de l’offertoire mais aussi dans bien d’autres prières. Il y a également tous les signes de croix faits par le prêtre, qui désignent la divine victime et les baisers de l’autel où, précisément, le Christ va s’offrir lui-même, en victime à son Père.

Le deuxième aspect théologique est celui de la présence réelle. Dans une hostie consacrée, par la transsubstantiation, Notre Seigneur est réellement présent avec toute son humanité et sa divinité. Cette présence réelle réclame de notre part un très grand respect et des gestes d’adoration. C’est pourquoi dans le rite tridentin le prêtre fait une génuflexion avant et après avoir touché le corps du Christ ou le calice de son sang. De même il garde le pouce et l’index de chaque main joints, de la consécration jusqu’à la purification de ses doigts, parce que ses doigts, qui ont tenu l’hostie consacrée, ont touché le corps du christ et qu’il convient de ne pas risquer de les souiller ou de laisser échapper une parcelle de l’hostie. La communion sur la langue a également une grande importance : ce n’est pas que la langue soit plus digne que les mains (on pèche autant, si ce n’est plus, par la parole que par le geste), mais parce que Notre Seigneur se trouve tout aussi présent dans l’hostie entière que dans la moindre parcelle de l’hostie. C’est donc pour éviter au maximum le risque de perdre des parcelles d’hostie, qu’à la messe traditionnelle, on donne toujours la communion dans la bouche et que l’on tient un plateau sous le menton de la personne qui la reçoit. La bienheureuse Mère Térésa a eu à ce sujet des paroles très vigoureuses : « La chose la plus horrible, disait-elle, dans notre monde aujourd’hui, c’est la communion dans la main » (23 mars 1989, The Wanderer, Pakistan).

Enfin, le troisième aspect théologique est celui du rôle du prêtre par rapport à celui des fidèles. Le prêtre, à la messe, a un rôle unique, car il agit “in persona Christi” : c’est le Christ qui agit à travers le prêtre. Le prêtre est un instrument au service du Christ, pour que ce dernier puisse réactualiser son sacrifice. Les fidèles, eux, ont pour rôle d’offrir la victime une fois immolée et non pas de réactualiser le sacrifice. Ils doivent aussi s’offrir eux-mêmes en union avec le Christ qui s’offre sur l’autel pour leur salut. Dans la messe traditionnelle ce rôle unique du prêtre est mis en valeur, en particulier, par le fait qu’à l’autel il est tourné vers le Seigneur et non pas vers les fidèles, sauf quand il les invite à prier. Le prêtre est alors le pontife, celui qui fait justement le pont entre Dieu et les fidèles : il est tout à la fois celui qui prie Dieu au nom des fidèles et celui qui donne les dons de Dieu aux fidèles.

Benoît XVI a exprimé à de nombreuses reprises l’idée que la Liturgie est un don de Dieu que l’on doit recevoir et non pas que l’on peut fabriquer : « Il faut constater que le nouveau missel, quels que soient tous ses avantages, a été publié comme un ouvrage réélaboré par des professeurs, et non comme une étape au cours d’une croissance continue. Rien de semblable ne s’est jamais produit sous cette forme, cela est contraire au caractère propre de l’évolution liturgique ». D’où la grande idée de Benoît XVI de « la réforme de la réforme ». Pour lui, il fallait libérer la messe traditionnelle non seulement parce qu’elle est un rite vénérable qui doit avoir toute sa place dans l’Église, mais aussi pour qu’elle puisse servir de modèle à la réforme de la réforme. D'où son Motu Proprio "Summorum Pontificum" du 7 juillet 2007 sur l'usage du rite de la messe selon sa forme extraordinaire.

Le latin n’est pas un obstacle à la mission, bien au contraire : il concourt à donner à la Liturgie un caractère sacré. A l’heure où la soif du sacré et la recherche de l’authentique sont omniprésents, la messe traditionnelle est une réponse extraordinaire pour toucher les âmes et les conduire à Dieu. Il suffit de constater le nombre de conversions et de vocations que suscite la messe tridentine pour constater la qualité d’un arbre à ses fruits… Il y a quelques années, le Père Gy était venu au Barroux pour discuter avec Dom Gérard. Le père Gy était le grand spécialiste de la réforme liturgique, et il ne comprenait pas du tout notre attachement à la liturgie tridentine, persuadé que c’était pour des raisons purement intellectuelles, cérébrales. Alors Dom Gérard lui dit : « Mais, mon Père, notre attachement à la liturgie traditionnelle, ce n’est pas un mariage de raison, mais un mariage d’amour ! ». Le Père Gy fut visiblement ému de cette réponse à laquelle il ne s’attendait pas et déclara alors : « À cela, il n’y a plus rien à redire… ».