2ème méditation sur la dignité de la personne : Dieu me donne ma nature et mes dons

« Réveille-toi, ô homme, et reconnais la dignité de ta nature ! Rappelle-toi que tu as été créé à l’image de Dieu. »

Chers pèlerins, notre monde moderne exalte la dignité, mais il oublie ceci : l’homme est digne parce qu’il est créé à l’image de Dieu. Deux conceptions opposées de l’homme et de sa dignité s’affrontent. Soit l’homme reçoit sa nature de Dieu. Alors sa dignité consiste à cultiver le sens de sa dépendance envers son créateur ; soit l’homme se prétend « la mesure de toutes choses ». Alors sa dignité consiste à s’affirmer comme sujet autonome, indépendamment de toute loi transcendante. Cet affrontement est au coeur des débats sur la révision des lois bioéthiques et sur le transhumanisme. La voix de l’Église doit guider notre combat : « La dignité de la personne humaine s’enracine dans sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu ; elle s’accomplit dans sa vocation à la béatitude divine » (CEC, 1700).

L’origine de la dignité de l’homme : sa création à l’image de Dieu

Le mystère de la création

« Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » (Gn 1, 26). Toute créature reflète les perfections de Dieu : cailloux, plantes, etc. Mais l’homme participe à la Sagesse et l’Amour divin. Étant doué d’intelligence et de volonté, capable de connaître et d’aimer, il est donc à l’image

de Dieu. Voilà sa dignité, il est une personne. Saint Thomas d’Aquin résume : « Le terme de personne signifie ce qu’il y a de plus parfait dans toute la nature. »

Chaque personne est unique et digne, parce qu’elle fait l’objet d’une pensée personnelle de Dieu. Il veut pour elle le plus grand bonheur qui soit : atteindre Dieu. Donc, l’image de Dieu en l’homme peut être plus ou moins parfaite, selon sa proximité avec Dieu : la nature humaine du Christ est davantage à l’image et à la ressemblance de Dieu que celle du dernier des pécheurs. Il faut alors distinguer plusieurs degrés d’image de Dieu et de dignité.

Trois degrés dans l’image de Dieu :

• Le 1er est notre nature raisonnable douée d’intelligence et de volonté, et donc notre aptitude à connaître et aimer Dieu. Cette image est première, indestructible en tous. Elle fonde aussi la dignité de toute personne humaine. Même le pire des criminels garde au fond de lui cette capacité à connaître et à aimer Dieu.

• Le 2e est la conformité de l’homme à Dieu. Elle est acquise en cette vie sous l’action de la grâce, par les actes et par les vertus. L’homme perfectionne sa nature en posant des actes de connaissance et d’amour, et se rapproche ainsi de Dieu. Plus je grandis dans la charité, plus je ressemble à Dieu, qui est Amour (cf. 1 Jn 4, 7).

• Le 3e est la connaissance et l’amour parfaits de Dieu au ciel : « Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, 2). Ce sera l’achèvement de notre être à l’image de Dieu. L’homme trouvera là sa plus grande dignité. En bref, les plus dignes selon ce 3e degré sont... les saints du ciel !

En résumé : tout homme, parce qu’il est homme, a une dignité inaliénable. Cependant cette dignité première (« ontologique ») est appelée à se déployer ensuite dans la vie théologale (« dynamique »), jusqu’au retour vers Dieu. L’image de Dieu est meilleure quand l’homme pose des actes de connaissance et d’amour de Dieu. Sa ressemblance avec les Personnes de la Trinité est meilleure : le Verbe procède selon la connaissance, et le Saint-Esprit selon l’Amour.

Toute la vie de l’homme doit être retour vers Dieu : de l’image initiale à la ressemblance parfaite

Chacun des actes humains que je pose, ceux où j’engage mon intelligence et ma volonté, a un poids d’éternité. Ou bien j’agis conformément à ma dignité d’image de Dieu, et je me rapproche de Dieu ; ou bien au contraire, j’use mal de ma liberté, et je m’en éloigne.

La dignité de l’homme est souillée par le péché…

L’âme en état de grâce rayonne de la lumière de Dieu. En posant un acte volontaire contre Dieu (péché), l’homme se détourne de sa source, et son âme est marquée d’une tache. L’âme devient difforme : elle perd une part de sa beauté. Si elle persiste dans cet état, dans cet agir du péché, elle s’éloigne de plus en plus de Dieu. L’enfer, c’est cela : parce qu’il a refusé Dieu pour toujours, le damné demeure pour l’éternité en état de difformité.

Par le péché, l’homme devient « esclave du péché ».

Très concrètement, le pécheur ne peut se sortir tout seul de la situation où il s’est volontairement

placé. À l’entrée du toboggan géant de la piscine municipale, il n’appartient qu’à moi de me lancer ; mais une fois lancé, je ne peux plus m’arrêter… à moins que la nature m’ait doté de ventouses dorsales !

… cette dignité est restaurée par la grâce du Christ…

Donc quel paradoxe chez le pécheur ! Je suis libre de faire le mal, d’agir contre ma dignité de créature aimée de Dieu – mais je ne pourrais m’en sortir si la grâce du Christ ne venait toucher mon coeur. Seul Jésus en effet peut me sortir de la spirale où le péché m’enferme. En s’offrant pour nos péchés sur la croix, Jésus donne à tous les hommes la possibilité de devenir fils de Dieu. En d’autres termes, il nous appelle à participer à la relation intime qui l’unit à son Père. Le Christ est par excellence « l’image du Dieu invisible » (Col 1, 15). En nous assimilant à Lui, le Christ restaure en nous la splendeur de la ressemblance avec Dieu. Et la grandeur de l’homme consiste précisément à reconnaître qu’il ne peut se sauver lui-même. Agir conformément à ma dignité, c’est donc accueillir dans ma vie cette phrase du Christ : « Sans moi, vous ne pouvez RIEN faire ! »

… cette dignité s’accomplit dans mon retour vers Dieu

Mais alors, faudra-t-il attendre que le Bon Dieu fasse tout à notre place ? Pas du tout ! Dieu m’a créé intelligent et libre, donc, j’ai la « dignité d’être cause ». Je ne suis pas un pantin actionné de l’extérieur. Dieu m’a confié la responsabilité de mes actes. Parce qu’il est mon Père, Dieu me demande de coopérer à ma propre rédemption. Par sa grâce, il me donne le pouvoir de mériter en justice ce qu’il veut me donner, à savoir la gloire du ciel : « Dieu, qui t’a créé sans toi, ne te sauvera pas sans toi ! » (Saint Augustin).

Alors, parvenus au terme de notre pèlerinage sur terre, nous réaliserons pleinement notre dignité d’image de Dieu. Et nous accomplirons ce « rêve du Créateur : pouvoir se contempler dans sa créature, y voir rayonner toutes ses perfections, toute sa beauté, comme au travers d’un cristal pur et sans tache».

Conclusion

Le transhumanisme, la révision des lois de bioéthique participent de ce refus de reconnaître la source de notre dignité. Cette source n’est pas notre pouvoir de nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature » ! C’est notre Père du ciel ! Il est légitime de vouloir faire fructifier les dons reçus.

Mais chercher seulement un bien-être matériel illimité, c’est refuser les limites de notre condition de créature. Cela nous invite à un examen de conscience :

• Ai-je bien conscience que ma dignité est d’être appelé à la vie béatifique, et non à rechercher les honneurs, les plaisirs que m’offre la vie ?

• Suis-je prêt à faire des sacrifices pour être toujours plus accordé à la volonté de Dieu, à renoncer à mes vues mesquines et horizontales, pour ouvrir tout grand mon coeur à la grâce que Dieu veut y déployer ?

• En bref, suis-je prêt, quand Il m’appelle, à tout quitter pour le suivre, et à marcher à sa suite sur la voie qui mène à la ressemblance parfaite ?