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Sermon pour la Pentecôte


abbé Jayr Chers amis pèlerins,

la Pentecôte a des airs de chant scout : « monte flamme légère ». Une des impressions les plus fortes de la vie scoute, c’est la veillée autour du feu. Le feu est fascinant comme un être vivant. Le feu est vif mais on ne peut pas le saisir.

Ainsi en est-il de l’effusion de l’Esprit Saint. Il n’agit pas autrement avec nous : il éclaire, il brûle, il s’élève. Il est insaisissable, il éclaire les visages. Quand le bois est noirci, l’Esprit Saint s’est échappé. C’est exaltant : les bûches, c’est nous. Toujours consumées. Ce feu de l’Esprit Saint s’entretient non avec du feu mais avec des bûches.

Aujourd’hui, jour de la Pentecôte, la moins connue des trois personnes de la Sainte Trinité, le Saint Esprit, se fait connaître à coup de grand spectacle : violents coups de vent, langues de feu, apôtres remplis de l’Esprit Saint, prédication, conversions. L’Esprit Saint surgissant, transforme tout, se communique mais ne se fait pas voir. L’Esprit Saint reste invisible, volatile. Il va, il vient, on ne le voit même pas. C’est sa manière de faire à lui.

L’Esprit Saint ne se montre pas, il préside aux choses. Ce sont les choses que l’on voit et non pas lui. Pourtant il est là. Depuis le jour de la Pentecôte, il est donné à l’Eglise, il la fonde et la féconde et il se répand partout, par l’Eglise. Il est donc en nous et il ne demande qu’à se faire connaître, à se montrer mais à sa manière à lui, si déroutante. Son rôle n’est pas de se faire voir mais de nous faire voir. Il se cache car il met en valeur. Il montre l’amour du Père et du Fils car il est cet amour même. C’est cela qu’il montre.

Voilà pourquoi l’Esprit Saint se présente comme un feu. L’Esprit Saint inspire mais c’est nous qui pensons, l’Esprit Saint fortifie mais c’est nous qui agissons par nous-mêmes, l’Esprit Saint instruit mais il nous revient de parler. L’Esprit Saint surélève ceux qui se confient en lui, il les éclaire et les pousse à agir, agir encore, agir en lui.

L’Esprit Saint, flamme de la Pentecôte est l’anti-Babel. Souvenons nous de la tour de Babel. Elle est une œuvre d’orgueil et non pas d’obéissance. Elle est l’intelligence humaine, enivrée d’elle-même et dressée contre Dieu. Le châtiment survient, Dieu disperse les orgueilleux et brouille leur langage. L’orgueil rend la compréhension impossible. Il y a un lien très mystérieux entre la tour de Babel et la Pentecôte : Babel, c’est la perte de l’intelligence, et le regard avide. La tour est une rupture de parole, un refus de la parole de Dieu au profit de la seule parole humaine. Cet orgueil sera abattu. La Pentecôte ou l’anti-Babel, c’est le langage retrouvé. Les apôtres prêchent dans toutes les langues. Tout le monde les comprend. Le langage devient alors serviteur de la Parole et les langues de feu en sont les témoins. L’intelligence elle-même, anoblie en sagesse, don du Saint-Esprit, fait acte d’allégeance à Dieu.

Nous marchons aujourd’hui sous le signe des martyrs cristeros. Ce qui caractérise leur âme, c’est le courage. Cette vertu du guerrier qui prend le risque d’être blessé au combat. Le courage, c’est aussi l’endurance, c’est tenir dans les difficultés obstinément et patiemment : une règle d’or pour ces trois jours de pèlerinage.

La société dans laquelle nous vivons s’efforce d’éliminer cela, il n’existe plus que l’immédiat, le tout, tout de suite, le facile.

De nos jours, il faut faire preuve de courage. Les fidèles ont besoin de courage s’ils doivent supporter avec ténacité une paroisse desséchée et morte et des prêtres qui ne leur apportent plus grand-chose. Dans l’obscurité, dans l’ignorance du temps que durera l’épreuve, sans s’aigrir si celle-ci se prolonge, surmonter la fatigue et l’usure, c’est cela qui témoigne le mieux du courage et qui montre comment il apparaît comme un incontournable de l’existence chrétienne. Quand je vous dit cela, je pense aux missions de brousse de l’Institut du Christ Roi au Gabon où nos prêtres se dépassent sans compter…

Etre chrétien, c’est partager cette endurance. Nous sommes placés en cette vie comme en un champ de bataille et nous devons combattre courageusement sans fuir ni tourner la tête en arrière mais plutôt en regardant notre capitaine, Jésus, le Christ roi Souverain Prêtre qui persévère toujours. Il persévère et ne cesse pas d’accomplir la volonté de son Père et notre salut.

Souvent quand ce que nous attendons n’arrive pas, nous avons tendance à nous montrer impatients, on piaffe puis on se dit que le temps est venu de laisser tomber et de s’occuper d’autre chose. Mais les pères du désert croyaient que la voie royale vers la sainteté était de rester où l’on est, à attendre Dieu. L’un d’eux disait : « Si un oiseau abandonne sa couvée, les œufs ne pourront éclore. Si tu abandonnes ton poste, ta foi se refroidira et se dissoudra ». Le chrétien est celui qui combat et qui veille, en attente de Dieu.

Sainte Catherine de Sienne nous représente Jésus Christ comme un soldat vulnérable et patient. Il mène une bataille sur la croix, persévérant jusqu’au bout. Etre chrétien, c’est partager cette endurance. L’Esprit Saint n’est pas quelque puissant superman céleste agissant à l’échelle cosmique qui pourrait faire irruption dans notre univers comme un héros de western. L’Esprit Saint vient de l’intérieur, du plus profond de nous-même, il est, comme le dit Saint Augustin, plus proche de nous que nous-mêmes, il vient à nous comme un enfant près de sa mère, il vient dans l’intimité de notre âme.

La messe nous rappelle sans cesse que le Seigneur est avec nous. Cela nous donne courage : nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur est avec nous car il est ressuscité des morts, le Seigneur est avec nous car il nous envoie son Esprit. Nous combattons la peur en refusant l’isolement, en construisant une communion. Et ce courage appartient à tous les chrétiens par la vertu de leur baptême et pas seulement aux prêtres. La joie, la liberté et le bonheur d’être chrétien nous donnent part à la vie de Dieu. Nous sommes les témoins de la résurrection du Verbe et le courage est la vertu qui permet à toutes les autres vertus de fleurir.

Pèlerin de Chartres, il est temps de profiter de la halte spirituelle de cette messe de Pentecôte pour remplir ton sac à dos, celui de ton âme. Au dedans, tu places d’abord un désir profond. Le désir de ce que, petit à petit, tu veux faire de ta vie. Poses-toi la question : tant au plan humain qu’au plan surnaturel, qu’aimes-tu faire ? Qu’est-ce qui habite en toi comme un amour ? Qu’est-ce qui te finalise et qui te hante comme une passion réalisable ? Est-ce les amis, le don de toi, le désert, la famille à fonder, la vérité à transmettre, l’amour à donner, qu’aimes-tu faire ? Qu’aimes-tu être ? Oses-tu te le dire à toi-même ? N’aie pas peur de ton désir profond. Seuls sont à éliminer d’emblée les désirs et les mythes adolescents que l’on ne réalise jamais. Ils ne sont qu’une fuite de soi et du combat de la vie : comme la fameuse croisière autour du monde en interrompant ses études ou le désir d’être carmélite quand on est mère d’une famille de sept enfants. Pour le reste, il est rare que les désirs mentent et trahissent. Il faut simplement qu’ils soient rectifiés, purifiés, s’appuyant sur le bon sens et qu’ils se construisent devant la croix.
Jeune homme, jeune fille, ose aussi te poser la question du sacerdoce ou de la vie religieuse. N’aie pas peur d’être embrigadé, le Seigneur n’embrigade pas, il n’enrôle pas de force. Pose lui la question sincèrement : « Seigneur, voulez-vous de moi ? »
Le Seigneur n’embrigade pas, il donne envie, il fait naître la flamme dans ton âme, cette flamme qui te rend heureux ou bien il ne donne pas cette aspiration et rien ne se passe.

Alors, ce désir profond, il faut le soigner car il est fait pour être réalisé. La Vierge Marie n’aurait pas été la mère de Dieu si elle n’avait pas tant désiré, tant attendu, tant espéré.

Soigne bien ton désir profond, et fais le grandir encore. Tu veux faire de ta vie quelque chose de grand, de beau, de vrai, prends ça très au sérieux. Et ces trois jours de chrétienté, sont là pour te rappeler cette authentique direction de ta vie.

Deuxième résolution : il faut oser parler, se dire à un autre. Le simple fait de vider son sac est toujours libérant. Quand on se dit, on chasse la peur, le poids du trop lourd et la rêverie. Il faut prendre conseil. Et d’ailleurs, le conseil est un don du Saint Esprit. Le regard d’un autre est toujours utile. Il aide, libère l’âme. Rien n’est plus important que de pouvoir parler, être écouté, entendre parler.

Ce conseil appelle assez naturellement le choix d’un directeur spirituel. C’est une aide précieuse dont on redécouvre aujourd’hui les vertus. Ce n’est pas un gourou chargé de décider de façon autoritaire à la place de l’intéressé. Il est moins qu’un maître, plus qu’un guide. Il a la souplesse, l’autorité et le détachement d’un père. Comme le Père des Cieux, il est exigeant, mais pour éduquer à la liberté des enfants de Dieu. Et c’est parce qu’il est père qu’il évite aussi bien l’autoritarisme que le maintien dans l’enfance. Enfin, il est une perle rare. Saint François de Sales dit qu’il faut le choisir entre mille.

L’orientation d’une vie toute entière, une vocation ce n’est pas une chose abstraite. Elle est incarnée, elle a une histoire. On ne se marie pas avec le mariage, on se marie avec une personne. Il ne faut pas rêver sa vie, il faut la vivre comme un chemin de sainteté, c’est tellement plus vrai.

Pèlerin, voilà de quoi remplir ton sac. Mais n’oublie pas : tu as pris trois jours pour Dieu. Alors prends le temps, non pas en ne faisant rien ; prends le temps de mûrir, de devenir profond, de changer ta vie, de multiplier les lumières et de vivre avec un projet avant de le lancer car le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui.

Voilà pèlerin, tu peux boucler ton sac. Ah ! J’oubliais ! Pourrais-tu aussi profiter de cette messe pour te demander à nouveau pourquoi nous marchons.
Pour accomplir un exploit sportif doublé d’un exploit spirituel avec des gens trop sympas ? Ou avec des gens pas trop sympas, triple exploit ! Non !
Pour obtenir un certificat de bonne conduite chrétienne valable pour un an ? Non plus !
Pour te remonter le moral avant de replonger dans le boulet du boulot et de la grisaille quotidienne ? Non plus !

Je te pose cette question parce que je suis frappé par le pessimisme ambiant. Tout est perdu ! On finit par rêver d’une île perdue au milieu de l’océan pacifique, pour se protéger de tout, parce qu’on a peur. Ce pessimisme est malsain, tant sur le plan humain, car tout désespoir est une absurdité, que sur le plan surnaturel parce qu’il révèle une absence concrète de foi en la Providence.
On demandait à un père du désert comment faire pour devenir courageux, il répondait : « Arrêtez de vous plaindre ».

Alors, pourquoi marchons-nous ? Quelques soient nos motivations profondes, elles se fondent toutes dans l’essentiel, dans ce qui nous finalise durant tout ce pèlerinage de Pentecôte : demander le Saint Esprit pour chacun d’entre nous, pour nos familles, pour notre pays.

Comment faire ? Le mode d’emploi, est dans la messe d’aujourd’hui, dans la séquence de la messe de Pentecôte : « Veni, veni » Venez, envoyez, remplissez. C’est vous dire à quel point cela s’adresse à des gens comme nous : vides, pauvres, froids, tordus, blessés, souillés, nous !

« Veni Sancte Spiritus ». Arrêtons-nous de nous lamenter sur la dégringolade morale de notre pays. Cela ne sert à rien ou plutôt, cela ne sert que dans l’exacte mesure où ce constat nous fait chanter « Veni ! », nous fait supplier « Veni ! », nous fait marcher « Veni ! ». Que notre lucidité soit toujours accompagnée d’espérance, sous peine de conduire à un désespoir parfaitement païen.

Sans le Saint Esprit, que sommes-nous ? Nous ne sommes que des pervertis. C’est dit en toutes lettres ! Sans votre puissance divine, il n’est rien, en aucun homme, rien qui ne soit perverti. Nous sommes, je cite, et la liste n’est pas triste, sordides, c'est-à-dire sales, souillés, arides, blessés, raides, glacés, faussés, déprimés, en larmes souvent, et dans la nuit.

Le Saint Esprit nous connaît bien ! Et l’Eglise nous invite à demander sans relâche le remède correspondant au Saint Esprit : lave, baigne, éclaire, guérit, redresse, réchauffe, console, un vrai programme de nounou ! Il s’agit de la troisième personne de la Sainte Trinité, mais oui ! Du don que le Père céleste ne refuse jamais quand on le lui demande. C’est écrit dans l’Evangile ! Demandons-le et, si nous ne sommes pas d’humeur à demander, demandons à Notre Dame de la Sainte Espérance de former en nous cette prière qu’il attend pour nous combler car Dieu est le maître de l’impossible .Voilà pourquoi nous fêtons aujourd’hui les 25 bougies de notre pèlerinage ; 25 bougies, 25 flammes. Monte flamme légère !

Ainsi soit-il !

Abbé Jayr
Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre




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