FORMATION : La persévérance, règle de vie

A travers un très beau texte de Jean-Paul Ier

Lu dans "l'Homme nouveau", n° 1471, sous la plume de Pierre Durrande, cet article qui doit tous nous faire réfléchir.

LA PERSEVERANCE, REGLE DE VIE

Cinquième règle, la persévérance. La mouche se pose à peine sur la fleur et passe, inconstante et agitée, à une autre fleur ; le bourdon s’arrête un peu plus, mais c’est le bruit qui l’intéresse ; l’abeille, silencieuse et active, s’arrête, aspire à fond le nectar, le porte à la ruche et nous donne le miel délicieux.

Ainsi s’exprime saint François de Sales et il me semble que tu acquiesces : pas d’étudiant-mouche, ni d’étudiant-bourdon. Tu aimes la volonté tenace et réalisatrice et tu as bien raison. À l’école et dans la vie, il ne suffit pas de désirer, il faut vouloir. Il ne suffit pas de commencer à vouloir, il faut continuer.

Et il ne suffit même pas de continuer, il faut être capable de recommencer à vouloir partir de zéro, toutes les fois que l’on a été arrêté par la paresse, les échecs ou les chutes. Ce qui fait la malchance d’un jeune étudiant, ce n’est pas tant une mémoire défaillante qu’une volonté alanguie. Sa chance, plus qu’un grand talent, c’est une volonté solide et tenace. Mais la volonté se forge au feu de la grâce de Dieu, et se trempe au contact des grandes idées et des grands exemples.

Albino Luciani (Jean-Paul Ier)
Humblement vôtre (Nouvelle cité)
Lettre à saint Bernardin de Sienne

Cette lettre du Patriarche de Venise, le cardinal Albino Luciani, devenu Jean-Paul Ier, fait partie des perles pédagogiques laissées en héritage par ce pape plein d’humour et d’esprit de finesse. La lettre est une série de conseils tirés d’un enseignement de saint Bernardin à des étudiants de Sienne en juin 1427. « Avec ta permission, je vais tâcher de proposer aux étudiants d’aujourd’hui tes sept règles, abrégées et… apprivoisées. » Ces règles pour la conduite des études et de la vie se résument en sept mots clés : l’estime, la séparation, le calme, l’ordre, la persévérance, la discrétion et le goût.

Affermir sa volonté

La persévérance retiendra plus particulièrement notre attention dans cette leçon par le texte. L’un des maux dont souffre l’éducation est l’affaiblissement de la volonté. On voudrait bien, plus qu’on ne veut vraiment et une certaine confusion tend à s’introduire entre désirer et vouloir. Les velléitaires prennent la place des volontaires. Et cependant une volonté n’est efficace et libre que si elle atteint vraiment le bien qu’elle poursuit. Il ne suffit pas de vouloir, il faut vouloir efficacement. L’intérêt de cette lettre est d’abord de bien mettre en évidence ce qui fait obstacle à cette efficience. Le premier obstacle, c’est l’inconstance et l’agitation ; le second, symbolisé par le bourdon, c’est le bruit. Les éducateurs et les pédagogues d’aujourd’hui se retrouveront dans cette description imagée. Le papillonnage, appelé aussi zapping, et le bruit sont deux facteurs de divertissement qui conditionnent une habitude de dispersion entièrement contraire à l’éducation d’une volonté. Celle-ci réclame à la fois une dépollution et un désencombrement de tout ce qui trouble l’esprit et la sensibilité car ils sont causes d’agitation et rendent la volonté incapable de constance. Combien de spectacles inutiles, de conversations vaines faites de bavardages, de jeux accaparants, de mauvaises lectures, de distractions sans le moindre intérêt… la liste pourrait être longue ! L’absence de silence, extérieur comme intérieur, amoindrit les capacités d’intériorité, ce qui a pour conséquence directe non seulement la superficialité des jugements mais surtout la fragilité de toute forme d’attention, cause d’alanguissement et bien vite d’ennui.

La volonté de Dieu

Pour remédier à ces carences, l’auteur propose trois choix : celui de forger notre volonté humaine au « feu de la grâce de Dieu », autrement dit ne pas s’appuyer d’abord sur soi mais ancrer sa volonté selon la demande du Notre Père dans la volonté divine ; celui de puiser dans le trésor de culture des grands « maîtres », ceux qui nous évitent de devenir «un porc dans sa bauge qui mange, boit et dort » ; celui de suivre l’exemple des hommes qui, dans le florilège immense des talents et des vocations, sont témoins de l’humble grandeur de l’homme.