Cardinal Canizares : la liturgie, en suivant l'exemple de Benoît XVI

Dans l’herméneutique de la continuité

Un article à lire dans "Présent" (n° 7255 du samedi 1er janvier 2011)

Le cardinal Cañizares souhaite un « nouveau mouvement liturgique »

Le cardinal Cañizares Llovera est le préfet de la Congrégation pour le Culte divin. Il est en tant que tel « ministre de la liturgie », chargé de cette « réforme de la réforme » que le cardinal Ratzinger appelait de ses vœux, et dont on ne parle plus en ces termes au Vatican depuis son élection à la chaire de Pierre. Le vaticaniste italien Andrea Tornielli a longuement interrogé le cardinal Cañizares pour Il Giornale afin d’en avoir le cœur net. Comment s’oriente le travail de la Congrégation – dont le nouveau cardinal Raymond Burke, très favorable à la liturgie traditionnelle, vient d’être nommé membre –, quel est son programme ? Sachant que Tornielli est souvent une voix officieuse du Vatican, comme en témoignent les réponses riches et très claires du cardinal Cañizares à son interlocuteur, voilà un texte à connaître. En voici des extraits.

  • « Je ne sais si l’on peut, ou s’il convient de parler de “réforme de la réforme”. Ce que je considère comme absolument nécessaire et urgent, et c’est ce que veut le Pape, c’est de donner vie à un nouveau mouvement liturgique, clair et vigoureux, dans toute l’Eglise. Parce que, comme l’explique Benoît XVI dans le premier volume de ses Opera Omnia, c’est en relation avec la liturgie que se décide ce qu’il advient de la foi et de l’Eglise. Le Christ est présent dans l’Eglise à travers les sacrements. C’est Dieu qui est le sujet de la liturgie, et non point nous autres. La liturgie n’est pas une action de l’homme, mais de Dieu. »
  • « La réforme liturgique a été réalisée très à la hâte. Il y avait de très bonnes intentions, et le désir d’appliquer Vatican II. Mais il y a eu de la précipitation. (…) Je me rappelle bien la mentalité qui était alors répandue : il était nécessaire de changer, de créer quelque chose de nouveau. Ce que nous avions reçu, la tradition, était considéré comme un obstacle. La réforme était comprise comme une œuvre humaine, beaucoup pensaient que l’Eglise était l’œuvre de nos mains, et non de Dieu. On voyait la réforme comme une expérience de laboratoire, fruit de l’imagination et de la créativité – c’était le mot magique d’alors. »
  • Tout en affirmant la « bonté » du renouveau liturgique conciliaire qui a apporté une « participation plus consciente » des fidèles et « la présence enrichie de l’Ecriture sainte », le cardinal Cañizares n’hésite pas à décrire des « zones d’ombre » : « Le renouveau conciliaire a été compris comme une rupture et non comme un développement organique de la tradition. Nous devons raviver l’esprit de la liturgie et pour cela, les gestes introduits dans les offices célébrés par le Pape sont significatifs : orientation de l’action liturgique, la croix au centre de l’autel, la communion à genoux, le chant grégorien, un espace pour le silence, la beauté de l’art sacré. Il est également nécessaire et urgent de promouvoir l’adoration eucharistique : devant la présence réelle du Seigneur, on ne peut faire autre chose que d’être en adoration. »
  • Retour en arrière, donc ? demande Tornielli. Le cardinal Cañizares lui répond qu’il s’agit plutôt de retrouver ce qui a été perdu : « le sens du sacré, du Mystère, de Dieu ». Et invité à juger l’état de la liturgie catholique dans le monde, il précise : « Au vu du risque de la routine, de certaines confusions, de la pauvreté et de la banalité du chant et de la musique sacrée, on peut dire qu’il y a une certaine crise. »
  • Dans la bouche d’un cardinal, ce sont des mots forts… Il annonce : « Le Pape demande à notre Congrégation de promouvoir un renouveau conforme à Vatican II, en harmonie avec la tradition liturgique de l’Eglise, sans oublier la norme conciliaire qui prescrit de ne pas introduire d’innovations sauf s’il existe une utilité véritable et vérifiée pour l’Eglise qui l’exige, en prenant garde que les nouvelles formes, dans tous les cas, doivent jaillir de manière organique depuis celles qui existent déjà. (…) Nous devons considérer le renouveau liturgique selon l’herméneutique de la continuité dans la réforme, donnée comme guide par Benoît XVI pour lire le Concile. »
  • Et pour cela, entreprendre un effort de formation des prêtres, séminaristes, fidèles. « Nous sommes aussi conscients de ce qu’il ne sera pas possible de donner une impulsion à ce mouvement sans un renouveau de la pastorale de l’initiation chrétienne. »
  • Le cardinal Cañizares parle ensuite de la nécessité de retrouver un vrai sens de la beauté, qui ne soit pas l’« esthétisme vide, formaliste et stérile » où l’on tombe parfois. Et à une question précise de Tornielli sur les ornements, il répond : « Le risque existe de croire que la beauté et le caractère sacré de la liturgie dépendent de la richesse ou de l’antiquité des ornements. Il faut aussi une bonne formation et une bonne catéchèse basée sur le Catéchisme de l’Eglise catholique, pour éviter aussi le risque opposé, celui de la banalisation, et en agissant avec décision et énergie quand on recourt à des usages qui avaient leur signification dans le passé mais qui ne l’ont plus aujourd’hui, ou qui n’apportent rien à la vérité de la cérémonie. »


On peut lire une traduction complète de l’interview sur le site benoit-et-moi.fr.