Qui, depuis des années, sape la foi de l'Eglise ?

Le dernier article de Jean Madiran en 2010 dans "Présent"

La lecture de Jean Madiran : une cure de désintoxication

Nous reproduisons ci-dessous le texte intégral de articlepublié dans le numéro de "Présent" en date du 31décembre

Contre la foi de l’Église
  • Une question que Peter Seewald pose à Benoît XVI, page 226 de Lumière du monde, commence ainsi : « Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, les Evangiles n’ont pas été écrits bien après les événements, mais juste après eux. Ces textes ont en outre été transmis avec une fidélité sans pareille… » Vraiment : on a longtemps cru ! Qui donc est cet « on » si longtemps retranché dans une erreur aussi cardinale ?
  • Cet « on » n’est pas l’Eglise, telle qu’elle n’a cessé de s’exprimer par son magistère et par sa liturgie, par la doctrine et par l’exemple de ses saints, par son peuple fidèle qui ne s’est jamais arrêté de croire que les évangiles avaient bien été écrits « juste après » la vie de Jésus, et que ces écrits avaient bien été transmis « avec une fidélité sans pareille ».
  • Le « on » qui a si longtemps cru le contraire de la vérité, et qui continue à le croire, ce n’était pas l’Eglise, ce n’étaient pas les saints, ce n’étaient pas les fidèles, ce n’était pas la vetula classique, la vieille femme presque illettrée mais ardemment habitée par les trois vertus théologales, devant laquelle s’inclinent les plus grands théologiens. La foi de l’Eglise n’a pas failli. Mais les Importants médiatico-sociologiques du catholicisme, eux, oui.
  • Ils continuent de croire ce qu’ils ont longtemps cru, Peter Seewald est trop optimiste, ou ne connaît pas la France. La Bible Bayard n’est pas si ancienne, elle est de 2001, elle a été répandue à des centaines de milliers d’exemplaires dans la francophonie, et cela continue, garanti et vanté pour son « appareil critique » par la commission doctrinale de l’épiscopat : et cet « appareil critique » affirme « scientifiquement » qu’aucune des paroles de Jésus dans l’Evangile n’est authentique, elles auraient été inventées par des scribes s’inspirant de « la richesse culturelle de tout le Proche-Orient ». Cette Bible des Editions Bayard (celles qui éditent notamment La Croix) n’a toujours pas été rétractée (cf. La trahison des commissaires, p.15 à 26).
  • Le « on » qui a cru pendant longtemps et qui continue à croire que les paroles de Jésus sont une invention tardive, ce sont les élites officielles de notre catholicisme, les élites universitaires et les élites médiatiques, les gros éditeurs catholiques et les grosses publications catholiques, les gros malins selon Péguy, les gros malins qui voulaient perfectionner la religion comme si l’on pouvait perfectionner le nord, réviser l’histoire sainte, moderniser l’exégèse et faire un concile « plus important que Nicée ». Les élites, qu’elles soient ecclésiastiques ou bien laïques, de l’apostasie immanente.
  • Il y a eu les réfractaires. Mais depuis Vatican II, c’est pour la messe et pour le catéchisme qu’ils ont surtout milité. Pourtant l’appel laïc adressé à Paul VI en 1972 puis à Jean-Paul II en 1988 disait bien : « Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe. » Le commentaire précisait : rendez-nous la version et l’interprétation traditionnelles de l’Ecriture. Cette réclamation avait constaté ce que dit Peter Seewald : « on » ne croyait plus que les évangiles avaient été écrits juste après la mort et la résurrection de Jésus, et fidèlement transmis. Mais la foi de l’Eglise l’a toujours fermement cru. Et ce n’est pas une interprétation subjective, conjecturale, pseudo-scientifique de l’Ecriture qui juge l’Eglise : c’est la foi de l’Eglise qui juge l’Ecriture, la preuve en est que, pour commencer, c’est bien l’Eglise qui juge quatre évangiles authentiques et les autres apocryphes.
  • A Angoulême et dans La Croix, un évêque, oui : un évêque, et quel évêque ! nous prévient : « On ne peut plus considérer l’Eglise comme un carcan. » Comme un carcan ! Qui donc considérait l’Eglise comme un carcan avant Vatican II ? Lui sans doute. Et les lamentables élites médiatico-sociologiques du catholicisme. Mais point les saints ; ni les fidèles du chapelet ; ni la vetula faisant son signe de croix. Cet évêque est en outre membre de l’Académie française. Il représente ce qu’il y a de plus agréablement mondain dans notre épiscopat, et de médiatiquement le plus à l’honneur. Il insiste : « Aujourd’hui participer à la vie du corps du Christ, ce n’est plus un conformisme social. » Mais ça l’était donc avant Vatican II. Depuis, nous avons changé de conformisme social. Avec Mgr Dagens, nous en sommes au conformisme de l’« esprit du Concile ».
  • Si l’on cherche l’interprétation la plus bienveillante, à contresens pourtant d’un contexte décourageant, on peut imaginer que Mgr Dagens pensait seulement aux incroyants, aux marxistes, aux maçons, aux libertaires et aux libertins, et que c’est eux – et non pas lui – qui considéraient l’Eglise comme un « carcan » et qui maintenant, après Vatican II, ne peuvent plus la considérer ainsi ; ni considérer la foi de l’Eglise comme un conformisme social. Mais cela voudrait dire que l’« esprit du Concile » consistait à donner à l’Eglise un visage qui convienne aux libertins et aux libertaires, aux maçons, aux marxistes, aux incroyants. C’est-à-dire un visage défiguré, une atroce grimace.


JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7254 du vendredi 31 décembre 2010