L’école (informelle) contre-révolutionnaire

Un article de Jean Madiran dans le numéro de "Présent" du 18 février 2011

L’école (informelle) contre-révolutionnaire


Justement parce que cette « école » de pensée est « informelle », c’est-à-dire sans organisation associative ou administrative, on peut douter de son existence ou négliger son influence. En fait c’est un courant intellectuel et ceux qui relèvent plus ou moins de ce courant, pour des raisons diverses et dans des disciplines différentes, sans consultations réciproques, ont en commun d’être réfractaires aux principes de la Révolution française et de refuser la domination de son héritage idéologique.
Une première appréciation du volume historique et actuel de cette école résulte de la nomenclature des poètes, des philosophes, des historiens, des romanciers, des journalistes (etc.), dont l’intention, l’œuvre, l’influence sont contre-révolutionnaires : énumérés ici selon la période non point de leur activité, mais de leur naissance.

I. – Ceux d’aujourd’hui

Ils sont de tous âges : François Brigneau (né en 1919), Albert Gérard (1921), Jean Raspail (1925), Georges Dillinger (1929), Hervé Pinoteau (1927), Jean de Viguerie (1935), Camille-Marie Galic (1940), Michel Fromentoux (1943), Bernard Antony (1944), Jacques Trémolet de Villers (1944), Xavier Martin (1945), abbé Claude Barthe (1947), Hugues Kéraly (1947), Alain Sanders (1947), Robert de Mattei (1948), Anne Brassié (1949).

Et la nouvelle vague, ceux qui sont nés dans la seconde moitié du XXe siècle :

Yves Daoudal (1951), Jean-Pierre Maugendre (1956), Rémi Fontaine (1956), Michel De Jaeghere (1957), Yves Chiron (1960), Jeanne Smits (1962), Philippe Maxence (1965), Caroline Parmentier (1965), Olivier Figueras (1966), Gabrielle Cluzel (1971), Samuel Martin (1973).

II. – Les ancêtres

C’est-à-dire les premiers, antérieurs à Maurras ; à partir bien sûr de la Révolution française, avec sa Déclaration des Droits de l’Homme (1789), sa Constitution civile du clergé (1790), sa première Constitution politique de la France (1791) et sa prétendue « volonté générale » selon Jean-Jacques Rousseau :

Abbé Barruel (né en 1741), Joseph de Maistre (1753), Antoine de Rivarol (1753), Louis de Bonald (1754), Jacques Crétineau-Joli (1803), Dom Guéranger (1805), Frédéric Le Play (1806), Louis Veuillot (1813), cardinal Pie (1815), Blanc de Saint-Bonnet (1815), Mgr Freppel (1827), Hippolyte Taine (1828), Fustel de Coulanges (1830), Mistral (1830), cardinal Billot (1846), Dom Delatte (1848), Emmanuel Barbier s.j. (1851).

III. – De Maurras à 1914

Pourquoi Maurras ? Parce qu’avec lui va commencer une nouvelle période de la pensée contre-révolutionnaire. Il en devient le principal animateur, de 1908 à 1944, avec son Action française et son quotidien du même nom.

Léon Daudet (1867), Charles Maurras (1868), Joseph de Tonquédec s.j. (1868), Augustin Cochin (1876), Réginald Garrigou-Lagrange o.p. (1877), Jacques Bainville (1879), Henri Charlier (1883), Antoine Lestra (1883), Henri Massis (1886), La Varende (1887), Bernanos (1888), André Charlier (1896), Pierre Gaxotte (1895), Gustave Corçaô (1896), Michel Dacier (1896), Henri Rambaud (1899).

Et de 1900 à 1914, ceux qui sont nés pendant cette période intense que l’on peut appeler l’avant-guerre patriotique française :

Abbé V.-A. Berto (1900), Jacques Perret (1901), Gustave Thibon (1903), Luce Quenette (1904), Mgr Marcel Lefebvre (1905), Marcel De Corte (1905), Louis Salleron (1905), Alexis Curvers (1905), Charles De Koninck (1906), Raymond-Léopold Bruckberger o.p. (1907), Fernand Sorlot (1908), Jules Monnerot (1908), Robert Brasillach (1909), Louis Jugnet (1913), Jean Ousset (1914), Roger-Th. Calmel o.p. (1914).

IV. – De la Première Guerre mondiale

à la fin du XXe siècle

Michel de Saint-Pierre (1916), Pierre Boutang (1916), Georges-Paul Wagner (1921), abbé Georges de Nantes (1924), Roger Nimier (1925), Dom Gérard (1927), Georges Laffly (1932).

Et les vingt-six noms mentionnés plus haut dans « Ceux d’aujourd’hui ».

Bref, ce n’est pas rien. Lecteurs et amis, vous êtes beaucoup moins seuls que peut-être vous le croyez parfois. Et vous qui découvrez un univers intellectuel que vous n’avez jamais exploré, si vous voulez vous instruire, vous avez de quoi faire.

Cette présence contre-révolutionnaire est minoritaire mais elle est décidée. Il arrive que même l’Eglise cherche aveuglément à s’en distancer, parce que sa maladie moderniste s’engage dans l’utopie politico-religieuse de devenir le mouvement d’animation spirituelle de la démocratie universelle (le MASDU). Et alors il manque à l’Eglise d’avoir pour interlocuteur temporel un pouvoir politique respectueux et ami, qui puisse l’aider à une appréciation moins inexacte des « signes du temps ».

L’école contre-révolutionnaire exerce là une sorte de fonction vicariante, sans l’avoir recherché et d’ailleurs sans être en mesure d’y parvenir pleinement.

JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7289 du vendredi 18 février 2011