L'Europe anti-chrétienne

un article très important de Paul-Marie Coûteaux dans "La Nef"

L'arbre ne doit pas cacher la forêt

La montée de l'islam ne doit pas nous faire oublier le caractère anti-chrétien de l'Europe

Un article de Paul-Marie Coûteaux dans le numéro 225 (avril 2011) de "La Nef"

En décembre dernier, on apprenait que la Commission de Bruxelles diffusait à des millions d’exemplaires un calendrier dit « européen » qui présentait la caractéristique de ne mentionner parmi les grandes dates, profanes ou religieuses de l’année, aucune fête chrétienne – pas même Pâques ou Noël... Ce calendrier a été expédié à des milliers d’établissements scolaires des pays membres pour distribution gracieuse aux élèves – chose qui, en soi, n’a aucun lien avec la mission de la Commission. Depuis que cette opération a été connue, un concert de protestations s’est élevé de toutes parts, hélas, sur le ton fort à la mode de l’indignation bien davantage que sous la forme d’une analyse, à quoi pourtant le sujet se prêterait. Trop souvent, ces protestations se sont bornées à souligner une incongruité, comme s’il était anormal que l’UE trahisse le message évangélique censé l’avoir inspiré depuis ses origines. Or, ce n’est pas une incongruité, mais une confirmation : du caractère profondément anti-chrétien de l’entreprise dite « européenne », nous en avons eu depuis des années de multiples exemples : tels l’ordre donné à différents États de supprimer tout crucifix des écoles ; ou l’interdiction de toute annonce à caractère chrétien sur l’intranet de la Commission, « IntraComm », alors qu’elle accepte les annonce bouddhistes ; ou encore le refus de mentionner les racines chrétiennes dans le projet de Constitution ; ou l’interdiction de toute politique de natalité, réputée discriminatoire – même les cartes de familles nombreuses ont été interdites par la Commission ; ou la très significative affaire Boutiglione – du nom d’un homme politique italien qui fut en 2004 « commissaire européen pressenti » mais qui, ayant déclaré lors de son audition préalable devant le Parlement européen qu’il faisait siens les interdits de la Bible, fut barré par la majorité des groupes et finalement renvoyé en Italie.
À la différence des indignés d’occasion, Chantal Delsol va droit à l’essentiel quand elle se demande, dans un bel article de Valeurs Actuelles (27 janvier 2011), ce que traduit « le silence absolu » qu’impose le fameux calendrier à toute référence chrétienne. « L’agenda tient pour rien la culture instauratrice et nourricière, écrit-elle. Cela s’appelle du négationnisme » ; et de rappeler comment le juriste Raphaël Lemkin décrit le processus d’éradication d’une culture par le déni et la substitution. « On tait les éléments d’une culture pour les remplacer par ceux d’une autre. On n’extirpe pas par la violence, mais on les supplante. C’est bien ce qui se passe ici ».
On rétorquera que les droits de l’homme et la démocratie constituent le « supplément d’âme » de la Nouvelle Europe. Hélas, en niant les peuples, l’UE ne peut pas ne pas nier la démocratie, qui fait procéder tout kratos d’un demos, ici inexistant, et l’on ne s’étonne plus du peu de cas qu’ont fait les oligarchies bruxelloises des « non » français puis néerlandais et irlandais, sans compter les pays où les sondages laissaient penser que des référendums eussent récolté les mêmes résultats négatifs. Déni de démocratie qui se retrouve pour la quasi-totalité des décisions bruxelloises, et notamment celle qui accoucha du fameux calendrier. Ici aussi Chantal Delsol vise juste en écrivant que « le citoyen est celui qui peut demander des comptes mais l’UE ne s’est pas donnée des citoyens mais des sujets puisque ses responsables sont inconnus, anonymes et sans visage. ». Et de conclure que « le premier adversaire du christianisme n’est pas un certain Islam, mais, d’abord, les instances de l’Union européenne ».
Déni des sources chrétiennes, déni de la démocratie : les deux vont de pair, tant il est vrai que la démocratie comme les droits de l’homme ne font que procéder de la conception chrétienne de l’homme, à commencer par ce principe d’égalité sur lequel Jésus et ses apôtres fondèrent notre Eglise.
En réalité, l’entreprise bruxelloise a bien un projet : normaliser les économies et les politiques aux fins de tout plier aux règles d’une mondialisation marchande, contredisant ainsi à angle droit non seulement la doctrine économique et sociale de l’Église, mais la conception chrétienne de l’homme, dont ce fut l’œuvre historique de la chrétienté que de l’arracher à sa seule dimension économique. Ce n’est pas pour rien que le peuple nouveau que Bruxelles veut créer de toutes pièces, ce populus économicus qu’elle veut seul connaître, a pour socles principaux un « marché unique », et une monnaie unique, cet euro donné comme la grande réussite de l’entreprise. De même est-il significatif que les effigies des pièces et billets en euro se limitent à des bouts de bâtiments anonymes, des cartes sans frontières, sans relief et sans nom, et même des ponts suspendus, grinçantes figures de ce vide à quoi glisse toute entreprise humaine quand elle se borne à l’administration des choses, et la détache obstinément de tout principe spirituel.

Paul-Marie Coûteaux