Cardinal Juan Luis Cipriani : « La Patrie, c’est l’amour des tombes et des berceaux »

Extraits de l'homélie du cardinal Juan Luis Cipriani en sa cathédrale de Lima

Extraits de l’homélie prononcée par le cardinal Juan Luis Cipriani en sa cathédrale de Lima

à l’occasion du 190e anniversaire de l’indépendance du Pérou et en présence de toutes les autorités de l’Etat.
Traduction de Jeanne Smits

"Pour parler de la nation il est nécessaire de faire la relation avec la Patrie, qui fait référence à la paternité et aussi au patrimoine. « La Patrie, c’est l’amour des tombes et des berceaux », disait Don Victor Andres Belaunde. Bien que parfois les deux concepts de Nation et de Patrie se confondent, il est nécessaire de les distinguer si nous voulons penser et procéder avec une absolue précision. La Patrie se réfère à un héritage reçu, cet ensemble de valeurs qui se transmettent d’une génération à l’autre et qui en viennent à constituer une sorte de capital que l’on partage et que l’on reçoit aussi en héritage. Le progrès ne naît pas de la destruction ou du changement systématique, et ne les exige pas non plus, parce qu’il est croissance dans la continuité. (...)
« La société humaine doit être considérée, avant tout, comme une réalité d’ordre principalement spirituel ; qui pousse les hommes, éclairés par la vérité, à se communiquer entre eux les connaissances les plus diverses ; à défendre leurs droits et à accomplir leurs devoirs ; à vouloir les biens de l’esprit… à se sentir inclinés en permanence à partager avec les autres le meilleur d’eux-mêmes… Ces valeurs informent et, en même temps, dirigent les manifestations de la culture, de l’économie, de la convivialité sociale, du progrès et de l’ordre politique, de l’ordonnancement juridique et, au bout du compte, tous les éléments qui constituent l’expression extérieure de la communauté humaine dans son incessant développement. » (Catéchisme de l’Eglise catholique)
« L’Eglise, il convient de toujours le rappeler, que d’aucune façon ne se confond avec la communauté politique et qui n’est liée à aucun système politique, est en même temps le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine. » (Gaudium et Spes)
C’est pourquoi je considère avec préoccupation la manière dont l’organisation sociale dans le monde actuel a privilégié le progrès technique et économique – ce qui est matériel – et ne s’est pas occupé du nécessaire développement culturel et spirituel qui constitue le milieu naturel où se développe la transcendance de la vie humaine. L’amour et le respect de la vie, des parents, du mariage et de la famille, la protection de l’enfance, la paix spirituelle si nécessaire pour la vie sociale et tant d’autres dimensions du monde spirituel sont asphyxiées par la soif de l’argent, de la réussite, du plaisir et du pouvoir. ... La dictature du relativisme avec sa « pensée unique » engendre dans le monde, et aussi dans notre continent et, lentement, dans notre cher Pérou, non pas le progrès humain intégral auquel on aspire tant, mais la dégringolade dans ce qu’on appelle la postmodernité qui a plongé le monde dans une profonde crise économique et morale ; dans ce qu’on appelle la libération sociale qui, à l’ombre de l’idéologie qualifiée d’égalité de genre détruit les racines mêmes de la convivialité humaine. Une crise sociale et morale planétaire qui se manifeste notamment dans le crach financier mondial, dans la violence terroriste, dans la dégradation morale qui envahit notre civilisation, dans la destruction de l’institution du mariage et de la famille, dans la progression du trafic et de la consommation de drogues."