Messe d'envoi du 30e pèlerinage de Chartres à Notre-Dame de Paris
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Première lecture : Ac 19, 1-8
Evangile : Jn 14, 15-23
"Laissez-vous saisir par le Christ, laissez-vous conduire par l’Esprit Saint!"
"Je ne vous laisserai pas orphelins." (Jn 14, 18). En ce début de pèlerinage, cette promesse du Christ retentit avec force, promesse qui prend toute son ampleur pour vous qui allez méditer sur la famille.
Le thème choisi pour cette année, "Famille, berceau de la chrétienté", est non seulement d'une urgence absolue pour vous, pour notre société, mais elle exige aussi beaucoup de finesse et de délicatesse. Il n'est pas nécessaire d'expliciter longuement combien les familles sont aujourd'hui malmenées. Pas seulement par les contraintes et les rythmes de vie de l'époque moderne, mais également par une déstabilisation bien plus profonde des familles qui présente des situations marginales comme des normes légitimes et surtout qui nie les principes fondamentaux de ce qu'est une famille.
Je me permets de reprendre la définition de la famille que le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a présentée à Barcelone aux jeunes Parisiens lors des JMJ de l'été dernier. "Une famille, c'est un homme et une femme, habituellement au service de l'éducation d'un ou plusieurs enfants. Pour que cette famille remplisse au mieux sa mission éducative, il faut qu'elle ait une stabilité réelle. On ne peut donc pas constituer une famille en dehors d'une détermination volontaire pour un engagement définitif. (1)"
Pourquoi parler aujourd'hui de la famille exige beaucoup de finesse et de délicatesse ? Simplement parce que beaucoup d'entre nous, et tout spécialement parmi les plus jeunes, n'ont pas vécu dans des familles fondées sur cet engagement volontaire et définitif, ou n'en ont pas rencontrées. Pour beaucoup, la famille a été le lieu de multiples blessures.
C'est pourquoi demandez à l'Esprit Saint qu'il donne à chacun l'écoute respectueuse du frère, une écoute qui ne juge pas et qui ouvre un chemin de réconciliation et de vérité. Demandez aussi à l'Esprit Saint qu'il guérisse vos mémoires et éclaire vos consciences. Oui, qu'il éclaire les consciences : nous vivons dans une société sans repère moraux, une société transgressive et, le plus souvent, sans en avoir conscience, sans la perception vive que ces pratiques sont destructrices pour les personnes comme pour la société.
Chrétiens, nous respirons nous aussi cet air ambiant qui, de multiples manières, bouscule ou même inverse les repères moraux. Nous avons à faire un vrai travail de la raison pour pouvoir nous expliquer à nous-mêmes - et pouvoir expliquer aux autres - avec les mots d'aujourd'hui, les grands principes de l'anthropologie fondée sur les desseins du créateur. Sur la route de Chartres, vous allez commencer ce travail de la raison. A votre retour chez vous, merci de le poursuivre (2).
Dans cette situation que j'ai rapidement décrite, les chrétiens sont appelés non pas d'abord à faire de grands discours, mais à porter l'humble témoignage de leur pratique de vie. C'est ce qu'on appelle la sainteté ! Ce témoignage est aujourd'hui prophétique. Tous, nous connaissons nos limites et notre péché. Pourtant, le Seigneur nous appelle à une vie exemplaire.
"Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre défenseur qui sera toujours avec vous : c'est l'Esprit de vérité. ... Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous." (Jn 14, 16-17a. 18b). Pour ce travail exigeant et fidèle de l'unification de toute notre vie à la lumière de la volonté du Père, nous ne pouvons avancer sans nous appuyer sur le Christ sauveur et sur cet autre défenseur qu'est l'Esprit Saint. Pas de conversion de notre vie sans ce compagnonnage avec le Christ, sans une écoute fidèle de sa Parole. Pas de conversion de notre vie sans une vraie docilité à l'Esprit Saint. Ce pèlerinage est une étape précieuse pour l'unification de votre vie : laissez-vous saisir par le Christ, laissez-vous conduire par l'Esprit Saint.
Je voudrais maintenant éclairer la réalité de la famille par la révélation de l'amour trinitaire. "Dieu est amour" (1 Jn 4, 16). Dieu est trois fois saint et, comme le rappelle Benoît XVI, "Celui qui rencontre le Christ et entre dans une relation d'amitié avec lui accueille la communion trinitaire elle-même dans sa propre âme, selon la promesse de Jésus à ses disciples : "Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui (Jn 14, 23)"(3) . Ainsi, toute réalité humaine est appelée à prendre pour modèle la sainte Trinité. Et le pape ajoute : "La famille est appelée à être une communauté d'amour et de vie, dans laquelle les diversités doivent concourir à former une "parabole de communion". La famille apparaît donc comme une communion de personnes où chacun accueille la vie trinitaire et s'engage à aimer en actes et en vérité.
Je voudrais enfin parler des vocations. Certains d'entre vous commencent ce pèlerinage avec cet appel au fond du cœur, d'autres l'entendront au cours du pèlerinage, d'autres encore à leur retour. Mes amis, laissez-vous saisir par le Christ. Entrez avec lui dans une vraie amitié : vous ne serez jamais déçus.
Un mot sur Famille et Vocations. Pour certains, la famille, comme reflet de l'amour trinitaire, vous a aidés à vous ouvrir à Dieu et à répondre à son appel. Heureux êtes-vous et rendez grâce à Dieu. Appuyez-vous avec force sur ce trésor spirituel. D'autres n'ont pas trouvé dans leur famille ce soutien pour grandir dans la foi. Parfois même, celle-ci n'était pas partagée. N'ayez pas peur, car beaucoup de vocations aujourd'hui naissent dans ce climat. C'est signe de la puissance de Dieu et de la gratuité de son appel. Pour d'autres encore, la famille a été un lieu d'épreuves et de blessures. N'ayez pas peur ; appuyez-vous résolument sur la grâce de Dieu et sa miséricorde. Ne vous trompez pas : rien n'est impossible à Dieu. Il est la source de l'amour et de toute guérison.
Enfin, pour vous qui vous interrogez sur un futur projet de vie conjugale ou qui venez de fonder une vie de famille, vous aussi laissez l'amour trinitaire vous éclairer. Si, pour vous, la famille a été comme le reflet de l'amour divin, rendez grâce et appuyez-vous avec force sur ce précieux héritage. Si la famille a été au contraire un lieu de souffrance et d'épreuve, n'ayez pas peur : laissez le Seigneur vous guérir par la douceur de son Esprit. C'est lui qui console et redresse, c'est lui qui nous rend capables d'aimer en actes et en vérité. Par sa bonté et sa miséricorde, le Seigneur vous appelle à bâtir un foyer qui resplendisse de sa présence.
Mes amis, à vous tous, bon pèlerinage, bonne route au souffle de l'Esprit Saint. Dans vos chapitres, par votre attention mutuelle et votre charité fraternelle, soyez le reflet de l'amour trinitaire. Bonne route dans l'unification de vos vies, à la lumière de l'amour trinitaire.
Amen.
+ Jean-Yves Nahmias
Evêque auxiliaire de Paris
Notes:
(1) "Catéchèse sur la famille" (15 août 2011). Texte disponible sur www.mavocation.org
(2) Pour approfondir votre réflexion, l'exhortation apostolique du pape Jean-Paul II "Familiaris consortio" (22 novembre 1981). Lisez aussi la lettre pastorale "La famille et la jeunesse : une espérance", du cardinal André Vingt-Trois (12 juillet 2010) sur le site www.paris.catholique.fr ou sur demande au 01 53 10 33 82.
(3) Benoît XVI, Angelus, solennité de la Très Sainte Trinité, 11 juin 2006.