Retour sur la prière proposée par les évêques de France pour l'Assomption

la réaction de Jean Madiran

Le règne du "tout contre nature"


Dès le lendemain de l’Assomption, l’ensemble des grands médias a cherché à faire une riposte foudroyante à cette partie de la prière pour la France qui demandait à Dieu que les enfants français puissent « bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère ».
La riposte a donc voulu porter un grand coup susceptible de bien ancrer dans les esprits, une fois pour toutes, que désormais le mariage homosexuel est démocratiquement inévitable : 65 % des Français, 61 % des « catholiques non pratiquants » et même 45 % des « catholiques pratiquants » y sont favorables.

Les chiffres seuls. Aucune analyse critique. Le Monde, Le Figaro, La Croix ne précisent ni ne demandent même pas en quels termes était posée la question ni où se situait la frontière entre catholiques « pratiquants » et « non pratiquants » (la dernière définition connue est que le « pratiquant » est celui qui va à la messe une fois par mois). La publication de ces chiffres sans explication ni commentaire a pour les lecteurs de La Croix, du Figaro, du Monde, valeur pratique de totale authentification.
Après avoir été assommés par un tel coup, quelques esprits vont peut-être reprendre conscience.

L’efficacité de la prière n’est pas dans l’effet que produit son spectacle. Son efficacité est d’entrer en quelque sorte dans la causalité divine. On prie non point pour impressionner le public (ou pour envoyer un signe fort aux gouvernants), mais pour implorer la miséricorde de Dieu. Il n’apparaît pas que cela ait été bien clair pour tous les catholiques, pratiquants ou non, lors de la récente prière pour la France. Ni que cela leur ait été enseigné. C’est de Dieu que la prière espère une réponse, et non pas de l’audimat.

A vrai dire il n’est pas anormal que le spectacle de la prière puisse avoir un puissant effet sur les âmes des spectateurs. Mais c’est la recherche d’un tel effet qui est susceptible de contaminer la prière.

Dans tout l’univers démocratique occidental grandit une inversion sans limite de la conscience du bien et du mal.

Une conscience humaine abandonnée à sa seule autorité est l’inversion fondamentale, source et principe de toutes les autres. Il ne faut pas s’étonner aujourd’hui de cet effondrement général car nous en avons été avertis : en l’an 2000, Jean-Paul II avait prononcé l’acte de décès de la civilisation occidentale (cf. Une civilisation blessée au cœur, p. 59-66). Les grandes (et petites) démocraties laïques sont passées sous le règne annoncé du tcn : le « tout contre-nature », l’inversion généralisée.

On peut se demander si une prière pour la France, et pour le respect de l’institution du mariage, est vraisemblable dans l’absence désormais bien établie, semble-t-il, de toute pensée explicite pour le plus vaste génocide de tous les temps dont nous sommes pourtant les contemporains : nous faisons comme si, puisque nous n’y pouvons politiquement rien, l’avortement n’était plus d’actualité dans la prière.

L’étape déterminante dans l’itinéraire du "tout contre-nature" a été l’avortement, installation permanente du massacre en masse des enfants.

JEAN MADIRAN
Article extrait de "Présent" n° 7668 du mardi 21 août 2012