Le Cardinal André Vingt-Trois et le « mariage » gay : à la périphérie du combat !

le discours du président de la CEF

le discours du président de la CEF mardi 16 avril 2013

Devant les 120 évêques de France réunis en assemblée plénière à Paris, le cardinal André Vingt-Trois a tenu mardi un dernier discours général de « synthèse » sur la situation de notre Eglise en France. Le cardinal-archevêque de Paris achève en effet son deuxième mandat en tant que président de la Conférence des évêques lors de cette session de printemps qui doit s’achever jeudi, avec le renouvellement de plusieurs instances. Mgr Pontier, archevêque de Marseille, doit lui succéder.

Evoquant les derniers événements de l’Eglise avec la renonciation de Benoît XVI et l’élection du pape François, Mgr Vingt-Trois s’est bien sûr aussi inquiété du projet de loi sur le « mariage » gay. S’il a rappelé avec respect « la ligne donnée par Benoît XVI » dans son fameux discours du 22 décembre 2005 sur « l’herméneutique de continuité », il n’a pas manqué de relever l’« infléchissement » que paraît apporter le nouveau pape François dans sa mission d’« évêque de Rome ». Interprétant l’insistance du successeur de Pierre pour appeler l’Eglise à se porter aux « péréphéries » (sociales et existentielles), il s’est ensuite lancé dans une forte critique de notre société. Un propos relativement juste – à plusieurs réserves près (1) – mais plutôt abscons, dont la complexité réside peut-être qu’à la différence des discours simples de François, il est demeuré à la périphérie sociologique de son sujet fondamental (le détournant vers un anthropocentrisme démocratique) sans être clairement relié à son centre théologique (théocentrisme).

Alors que l’opposition au « mariage » gay s’amplifie dans la rue, Mgr Vingt-Trois a dénoncé « la tentation de refuser toute différence entre les sexes », soulignant qu’« on se refuse à gérer le fait » que les gens ne sont pas identiques : « Si l’on fait disparaître les moyens d’identification de la différence dans les relations sociales, cela veut dire que, par un mécanisme psychologique que nous connaissons bien, on entraîne une frustration de l’expression personnelle. »

Et, pour le cardinal, « la compression de la frustration débouche un jour ou l’autre sur la violence pour faire reconnaître son identité particulière contre l’uniformité officielle » : « C’est ainsi que se prépare une société de violence… L’impuissance à accepter un certain nombre de différences dans la vie sociale aboutit à la cristallisation de revendications catégorielles de petits groupes, ou de sous-ensembles identitaires, qui pensent ne pouvoir se faire reconnaître que dans la violence. » Mgr Vingt-Trois estime que la loi pour le mariage des personnes homosexuelles « participe de ce phénomène et va l’accentuer en le faisant porter sur le point le plus indiscutable de la différence qui est la différence sexuelle ».

Il a également regretté que la « fracture se manifeste dans les intentions de légiférer sur la laïcité (…) Il serait dommageable pour la cohésion nationale de stigmatiser les personnes attachées à une religion et à sa pratique, spécialement les juifs et les musulmans. Dans ce domaine, les mesures coercitives provoquent plus de repliement et de fermeture que de tolérance et d’ouverture », a-t-il ajouté. L’Eglise, a-t-il dit, ne peut se taire « quand nous voyons les plus fragiles de notre société menacés ». Et de citer « les enfants et les adolescents formatés au libertarisme sexuel, les embryons instrumentalisés dans des recherches, des personnes en fin de vie dévalorisées dans leurs handicaps et leur souffrance et encouragées au suicide assisté (…) des familles dans la misère soumises aux rigueurs des expulsions, les camps de roms démantelés… ».

Si l’on compare ce discours du cardinal Vingt-Trois avec celui de son homologue le cardinal Rouco Varela lors de l’ouverture de l’assemblée plénière de la Conférence épiscopale espagnole (cf. sur le blog de Jeanne Smits), l’on est frappé par la différence de ton. Là où le prélat espagnol défend clairement une identité catholique (universelle !) au centre de la tradition espagnole contre l’idéologie dominante, on a l’impression que le souci principal du cardinal français est plutôt de défendre un pluralisme démocratique invoquant certes la loi (morale) naturelle mais où la loi surnaturelle (la proclamation confessionnelle) doit s’effacer comme « revendication catégorielle, sous-ensemble identitaire » (parmi les autres). Captif, semble-t-il, d’un système de pensée et victime du vocabulaire et de la sémantique de l’ennemi, sa « phobie » pour le coup est de se prétendre en tant que catholique au centre et au cœur de la mobilisation française : « réduire ces manifestations à une manie confessionnelle, rétrograde et homophobe » !

Il parle aussi de « vivre notre différence sans nous laisser tromper et tenter par les protections trompeuses d’une organisation en ghetto ou en contre-culture ». Mais c’est Benoît XVI qui avait parlé lui-même de « contre-culture » non comme une protection trompeuse mais pour une protection féconde, missionnaire, analogue à la dissidence radicale des anti-communistes refusant le système généralisé du mensonge. Comment « l’écart qui doit apparaître entre notre manière de vivre et les conformismes de la société » pourra être « un espace d’appel et comme une espérance » (et non « perçu comme un jugement pharisien ») si l’on est quelque part, comme on dit, dans ce Panthéon du mensonge, comme sa caution utile dans la dictature du relativisme ? Là est le nœud du problème.

REMI FONTAINE
"Présent" n°7836 du 18 avril 2013