Le rond-carré de Mgr Simon

Un évêque dans le flou

Alors que s’achève son mandat de vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont, revient sur les grands sujets de société en des termes particulièrement inquiétants qu’a soulignés Maximilien Bernard sur son blog Perepiscopus.

Interrogé sur le site officiel de la CEF sur l’attitude que les chrétiens peuvent adopter sur les questions de société, il commet cette réponse évidemment relative à la loi Taubira : « Continuons à être vigilants sur la législation mais on ne peut pas rester tout le temps en train de contester une loi. En ce qui concerne le mariage, la nouvelle législation en France ne change rien pour les catholiques. La loi de séparation de 1905 entre l’Eglise et l’Etat garantit que chaque Eglise, chaque communauté religieuse s’organise selon ses propres lois. C’est donc à l’Eglise catholique qu’il revient de déterminer les conditions liées au sacrement du mariage. J’ai envie de dire à tous les catholiques : “Soyez exemplaires dans votre façon de vivre le mariage !”… »

Voici ce qu’on pourrait appeler un malsain et illégitime communautarisme catholique. Les citoyens ne sont plus légalement sous l’obédience de la loi naturelle mais peu importe aux catholiques : ils ne vont pas en faire une jaunisse puisqu’ils peuvent y trouver égoïstement leur compte grâce à la sacro-sainte loi de séparation ! C’est l’argument libéral éculé : les chrétiens sont libres de ne pas travailler le dimanche, comme ils sont libres de ne pas avorter et de se marier comme il faut, c’est leur choix, mais pourquoi imposeraient-ils leurs options à tous ?

Au reste, la recommandation de Mgr Simon s’est particulièrement bien appliquée pour la loi Chirac-Veil (cf. Livre noir des évêques p. 134) et l’on a vu des évêques intimer l’ordre à des catholiques de ne plus (se) manifester contre cette funeste loi devenue comme intouchable : — On ne peut pas rester tout le temps en train de contester politiquement une loi. Contentez-vous d’être éthiquement exemplaires puisque vous êtes libres en la matière et faites simplement du social et de l’humanitaire, selon la pastorale de l’enfouissement ! Nous avons vu le résultat.

On pose quand même implicitement la question des principes non-négociables à l’archevêque de Clermont : « On va reparler de la recherche sur l’embryon, de la fin de vie, de la famille… » Et voici sa réponse : « Je crois que les catholiques s’habituent à penser que nous sommes dans une société de plus en plus païenne. Il y règne beaucoup d’idolâtrie : de l’immédiateté, de la consommation, du libéralisme absolu. Il faut prendre du recul par rapport à cela. Il ne s’agit pas de se replier sur un communautarisme qui serait malsain mais d’avoir une colonne vertébrale personnelle pour être capable de faire des choix et d’en rendre compte… »

Ne pas se replier sur un communautarisme qui serait malsain ? Mais c’est déjà fait, comme nous l’avons montré plus haut. Maximilien Bernard cite à ce propos Olivier Drapé, le responsable de l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron : « La loi Taubira modifie en profondeur le code civil et les règles de la filiation, non seulement pour les catholiques mais pour l’ensemble des citoyens français, la séparation de l’Eglise et de l’Etat à laquelle se réfère Mgr Hippolyte Simon ne saurait être interprétée dans le sens d’une séparation de la loi morale et des lois civiles. Les catholiques ne sont pas seulement concernés par la défense des intérêts propres à leur communauté religieuse mais ont bien évidemment un rôle irremplaçable à jouer en vue du bien commun de la société dans laquelle nous vivons. »

Or pour jouer ce rôle, il n’y a paradoxalement qu’un bon moyen moral et politique, historiquement vécu : celui d’Antigone ou de Thomas More, qui sont restés tout le temps (jusqu’à leur mort !) à contester la loi inique de Créon. C’est aussi ce nous avons appelé, par métaphore sanitaire et organique, le moyen de l’anticorps, celui des premiers chrétiens et des dissidents anticommunistes (1). Autrement dit encore ce sain et légitime communautarisme expliqué et notamment développé dans Ni laïques ni musulmans ou Sous le signe d’Antigone chez Renaissance catholique.

REMI FONTAINE

"Présent" - n°7896 du 17 juillet 2013

(1) Mgr Simon évoque lui-même dans cet entretien le déclin et l’effondrement du marxisme-léninisme, lequel avait « une force d’intimidation intellectuelle en France »…