Non, nous ne sommes pas Charlie. Nous sommes fils de France et fils de l'Eglise

Quelques réactions qui refusent la pensée unique

Nous reprenons ci-dessous plusieurs réactions qui refusent la pensée unique. Nous sommes en guerre. Il faut savoir nommer l'ennemi. Et il faut vouloir gagner cette guerre.

  • Philippe Maxence, dans « l’Homme nouveau »
  • Alexis Brézet, dans le Figaro
  • Ivan Rioufol, dans le « Figarovox » (édition électronique)
  • Gabrielle Cluzel (chroniqueuse à « Famille chrétienne » ) sur Boulevard Voltaire
  • l’abbé Grosjean, sur le « Padreblog »
  • Pasquin, dans « l’Homme nouveau »
  • Jean-Pierre Maugendre, Renaissance Catholique

Ces réactions ont déjà été reprises sur le Salon beige, que nous recommandons de suivre pour coller à l'actualité.


On meurt d'oublier le Christ

De Philippe Maxence dans "l’Homme nouveau"


Il aura fallu l’odieuse attaque perpétrée contre le journal satirique Charlie Hebdo pour que la France prenne conscience que nous étions en guerre. Et que la guerre fait mal ! Qu’elle n’est pas indolore et qu’elle est même sanglante. Mortellement sanglante ! Terrible dérision, c’est le jour de l’ouverture des soldes, moment cultuel de notre société hyper-individualiste et marchande, que des hommes ont tiré faisant douze victimes parmi les journalistes de Charlie Hebdo et les forces de l’ordre. Le rapprochement paraîtra scandaleux. Et, pourtant ! Aux yeux de beaucoup, l’Occident n’est devenu qu’un vaste supermarché d’où le sacré a été évacué quand il n’a pas été mis en vente entre Miss France et les préservatifs.
Que les assassins aient été Français de carte d’identité ne changent rien à la tragédie. Ils ont agi au nom d’Allah afin de venger ceux qui avaient tourné en dérision la figure principale de l’islam. Celui-ci est par nature conquérant, et même s’il a parfois dégagé une sagesse, il s’est toujours imposé par les armes. Cet attentat contre Charlie Hebdo démontre dans la douleur que la laïcité et la dérision du sacré sont incapables de lui répondre. À une soif de divin même déréglé, on ne réagit pas par l’évacuation de Dieu.
À ce titre, le catholicisme français porte une terrible responsabilité dans l’enchaînement des causes. À force de déserter l’évangélisation, à force de battre notre coulpe sur la poitrine de nos ancêtres croisés ou de nos grands-pères coloniaux, à force de diluer le message du Christ dans des slogans débiles ou dans des liturgies à l’horizontalité navrante, nous avons laissé s’installer en France un islam qui, quelle que soit la bonté des individus, est appelé à développer son dynamisme propre. Nous avons laissé défigurer le christianisme en laissant croire que toutes les religions se valent. Mais croyons-nous encore vraiment dans le Credo que nous proclamons chaque dimanche ? Avons-nous prêché le Christ à ceux qui peuplent aujourd’hui nos banlieues ? Nous l’avons-nous prêché dans toute sa force à nous-mêmes ? Seul le christianisme, fondé sur le mystère trinitaire révélé par l’Incarnation du Christ, affirme que Dieu est amour. On meurt aujourd’hui de l’oublier.
Face à cela, les « Je suis Charlie », pleins de compassion et de solidarité, apparaissent pourtant dérisoires. Ils montrent une fois de plus que notre époque ne sait plus pleurer ses morts et prier pour eux. Tourné en dérision, prétexte à la violence, le sacré est à nouveau évacué. Même s’il est légitime que l’émotion d’un peuple s’exprime, il est important aussi de resacraliser la mort par le silence et l’appel à Dieu.
(…) La tragédie de notre époque appelle un retour à la foi qui doit également s’incarner dans des institutions, garantes d’une vraie justice et du bien commun.

C'est une vraie guerre : la guerre du fanatisme islamiste contre l'Occident

Alexis Brézet dans Le Figaro


"C'est une guerre, une vraie guerre, menée non par des soldats mais par des assassins de l'ombre, des tueurs méthodiques et organisés, dont la tranquille sauvagerie glace le sang. Elle a tué, hier, en plein Paris.
Cette guerre, longtemps nous n'avons pas voulu la voir. Elle se déroulait si loin de nous, n'est-ce pas?, aux confins de la Syrie, de l'Irak, du Nigeria ou de la Libye… Par scrupule - sans doute par peur aussi -, nous n'osions pas même dire son nom. Les oiseaux de mauvais augure qui ne craignaient pas d'enfreindre la consigne étaient promptement disqualifiés. Les signes avant-coureurs - ces «gestes fous» commis à Noël encore par des «déséquilibrés» - aussitôt minimisés. Depuis hier, les euphémismes ne sont plus de mise: c'est une guerre, une vraie guerre, qui nous a été déclarée: la guerre du fanatisme islamiste contre l'Occident, l'Europe et les valeurs de la démocratie.
(...) Face à la guerre, le premier devoir est de s'unir. (...) Mais le second devoir est de s'armer. Moralement, d'abord - comment défendre nos valeurs si nous ne sommes pas convaincus de leur prééminente dignité? Politiquement et juridiquement, ensuite: trop longtemps, au nom d'un humanisme perverti, d'un antiracisme dévoyé, nous avons fait preuve de complaisance envers nos pires ennemis. Ces «enfants perdus du djihad», ces fanatiques qui se déchaînent sur Internet, mais aussi ces groupes d'influence qui, drapés dans leurs oripeaux «communautaires», conspirent à ciel ouvert contre notre pays et sa sécurité. Contre ceux-là, nous devons frapper. Sans faiblesse ni pusillanimité. Quand la guerre est là, il faut la gagner."

La France menacée par l'islamisme et l'angélisme

D'Ivan Rioufol sur Figarovox


"Le danger islamiste en France ? Fantasmes xénophobes ! La nation invivable ? Élucubrations réactionnaires ! Dans l’univers cotonneux de la Hollandie, où les peurs sont bruyamment moquées, l’inquiétude est bannie. L’optimisme d’État est repris par le chœur médiatique, prêt à avaliser les fadaises du Politburo sur le doux vivre ensemble et l’avantageux socialisme. On connaît la fin de l’histoire : mercredi, tandis que la France cédait à la Grande-Bretagne sa place de cinquième puissance mondiale, deux djihadistes faisaient un carnage à Charlie Hebdo (12 morts, dont six fameux journalistes). Une fusillade mortelle éclatait aussi jeudi matin dans une rue de Paris. Bien plus qu’une attaque contre la presse et la liberté d’expression, ces tueries sont une déclaration de guerre à la France. Elles obligent l’État pantouflard à se confronter à ses ennemis intérieurs, qu’il n’ose nommer par angélisme.
Les propagandistes du "Tout va très bien" peuvent mesurer leurs sottises, eux qui brocardent les "déclinistes" coupables de s’affoler de ce qu’ils voient. Depuis le 7 janvier - date qui clôt quarante années de désastres idéologiques - les dénégationnistes sont en sursis. Certes, ils persistent à édulcorer les dangers, obscurcir les causes, désigner de faux coupables. Ils ne peuvent admettre leur responsabilité dans le déclassement de la nation et son éclatement. Le complexe politico-médiatique, qui verrouille encore le Système, va ainsi s’accrocher à son pouvoir, et méchamment. De ce point de vue, 2015 promet son lot de faussetés qu’il faudra combattre. Mais les réalités brutales sont les meilleures alliées de ceux qui somment les autruches de relever la tête, ou de déguerpir.
S’observe, dans la France de ces faiseurs de morale, une odieuse complaisance pour le fascisme qui s’installe dans les cités et qui vient de tuer : tel est le scandale qu’étouffe la bonhomie élyséenne, qui se contente de répéter avec ses perroquets :"Pas d’amalgame !""

"Non, je ne suis pas Charlie"

Par Gabrielle Cluzel sur Boulevard Voltaire

« Non, je ne suis pas Charlie. » Et je ne crois pas qu’il faille se sentir obligé de répéter cette phrase toute faite comme une incantation pour avoir le droit d’exprimer sa compassion, de plaindre les victimes et les familles, de dire son inquiétude.
Je ne suis pas Charlie parce que ce serait faire injure aux policiers qui sont morts, eux aussi. Ou alors, il faudrait dire également « je suis flic ». Je ne suis pas Charlie, parce que j’en ai toujours détesté le contenu, et que je n’envisage pas de le prendre aujourd’hui à mon compte. Pour être solidaire de leur calvaire, pour être indignée par ces sordides exécutions, la France entière n’est pas forcée de s’identifier à Charlie Hebdo (...) Je ne suis pas Charlie parce que ce n’est pas insulter la mémoire des morts de dire que la ligne du journal relève plus souvent de l’insulte que de l’humour… et que j’aime bien rire mais pas conspuer, choquer, ni humilier. J’entends sur toutes les radios qu’il faudrait absolument republier un peu partout les caricatures de Mahomet pour montrer que l’on ne courbe pas l’échine. Je crains que ce soit l’exemple type d’une fausse bonne idée. Ne pas baisser la tête est une chose ; agiter le chiffon rouge jusqu’à indigner les plus modérés, les blesser dans ce qu’ils ont de plus cher, jusqu’à peut-être les convaincre que les plus radicaux ont finalement quelque raison de s’exciter, en est une autre.
Paradoxe suprême : les mêmes clament à qui veut l’entendre qu’il ne faut pas stigmatiser les musulmans, qu’il faut même leur tendre la main. Tendre la main de cette façon-là revient à embrasser son prochain en lui disant « Nique ta mère ». Discuter pied à pied de l’islam, montrer les contradictions, souligner les exactions, forcer l’autre à user de sa raison, bref, convertir. Mais pas cracher à la figure.
Je ne suis pas Charlie parce que ce psittacisme facile m’indispose. Il ne suffira pas d’être Charlie, de décréter un deuil national, de mettre les drapeaux en berne pour tout résoudre, si l’on refuse de regarder la réalité en face, de soulever le couvercle d’une marmite dont on redoute les remugles. Cette fois, plus de déséquilibré, de loup solitaire, de paumé, ni de bronzé-fait-le-djihad qui aurait crié « Allahu akbar » pour se donner du courage. Il suffit de regarder la vidéo, le sang-froid, la façon de progresser des tueurs… Ces hommes-là savent faire la guerre. Mais peut-être qu’autour de Noël, si on avait évité précisément de minimiser, de psychiatriser, d’isoler, de démontrer par A + B que rien de tout cela ne relevait du terrorisme pour, au contraire, voir la petite lumière rouge, le signal d’alerte, et commencer à ratisser méthodiquement, les choses auraient pu être différentes.

Nous pleurons ceux qui ne nous faisaient pas rire…

Abbé Grosjean – Padreblog


A notre tour, nous voulons manifester notre douleur et notre compassion pour les victimes – connues et moins connues – de l’attentat barbare du 7 janvier. Comme compatriotes, comme prêtres, comme croyants, nous sommes aux côtés de ceux qui sont tombés et de leurs proches. Car rien, absolument rien, ne peut justifier que des journalistes et des dessinateurs soient massacrés. Nous pleurons ces victimes assassinées, nous pleurons ces policiers abattus pour avoir voulu les protéger, nous pleurons avec toutes ces familles endeuillées… A la rédaction de Charlie-Hebdo, cible principale des terroristes, nous disons : « nous sommes à vos côtés, car au-delà de nos divergences et des blessures du passé, nous sommes frères en humanité, même s’il faut parfois des drames pour se le rappeler… ».
Soyons francs : il est vrai que nous avons souvent été agacés par Charlie-Hebdo, nous, prêtres, ou fidèles catholiques ! Parfois même, leurs caricatures nous ont heurtés dans notre foi. Nous avions l’impression qu’ils prenaient un malin plaisir à provoquer, salir ou dénigrer ce qui est sacré à nos yeux, sans qu’on soit pourtant ces « fanatiques » qu’ils voulaient viser. Nous avions eu l’occasion d’exprimer la peine de beaucoup de croyants devant ces Unes, certaines si difficiles pour nous à regarder.
Mais aujourd’hui nous pleurons ceux qui ne nous faisaient pas rire… « car au-delà de nos divergences et des blessures du passé, nous sommes frères en humanité, même s’il faut parfois des drames pour se le rappeler… ».
Le Pape et nos évêques – eux aussi souvent caricaturés ! – ont dit leur émotion et leur horreur devant ce qui s’est passé, en ce triste matin du 7 janvier. Ce fanatisme qui a criblé de balles ces journalistes et policiers persécute également nos frères chrétiens en Orient… Là-bas, des musulmans sont aussi visés. Ce fanatisme rapproche sans le vouloir tous ceux qui veulent l’affronter et qui aiment la liberté. Il nous force à retrouver ce que nous avons en commun. Car c’est la France qui est attaquée, à travers ses journalistes et ses policiers.
Sans doute que toutes les victimes n’étaient pas des piliers d’Eglise !… Cependant, dans les jours qui viennent, nous offrirons ce que nous avons de plus beau, nous, chrétiens : nos prières pour elles, leurs collègues et leurs familles. Sans oublier les blessés. Les cloches de nos églises ont sonné le glas : c’était notre façon modeste de partager la douleur de tout un pays pour une fois rassemblé.
A la messe, ces jours-ci, dans la lettre de saint Jean, on lisait cette affirmation : « Dieu est Amour ». Ceux qui tuent au nom de Dieu commettent la pire des profanations. Ne pas respecter la vie – même de celui qui nous offense – est un immense blasphème.
La France va retrouver en elle les valeurs morales et spirituelles à opposer à cette barbarie. On ne sort de l’épreuve qu’en grandissant. Ce sera le miracle que ces fanatiques auront alors permis, bien malgré eux : que la France se rassemble autour de ce qu’elle a de meilleur, « car au-delà de nos divergences et des blessures du passé, nous sommes frères en humanité, même s’il faut parfois des drames pour se le rappeler… ».

Les Padre

Je ne suis pas Charlie !

Un billet de Pasquin dans l'Homme nouveau (8 janvier 2015)


"Je ne suis pas Charlie : la liberté d’expression et la liberté de la presse ne sont pas le droit d’insulter, de mépriser, de blasphémer, de piétiner, de moquer la foi ou les valeurs des concitoyens, de prendre systématiquement de front les communautés musulmane ou chrétienne. Un dessin est un fusil à un coup, disait Cabu.
Non je ne suis pas Charlie et nous étions choqués de voir Mahomet sous la forme d’une crotte enturbannée ou Benoît XVI sodomiser des enfants. Il ne s’agit pas de tolérance ou de libre-pensée : l’insulte est une violence. Je ne suis pas Charlie et je ne crois pas à l’union nationale décrétée par le Président de gauche. Ils se sont trompés depuis trente ans, ils sont en partie responsables de la situation actuelle. Je ne crois pas à leur capacité de lutte contre le terrorisme alors qu’ils détricotent chaque année la souveraineté du pays et sa capacité de défense et de justice.
Je ne suis pas Charlie et le Président se trompe encore en proposant les caricaturistes en héros nationaux, eux qui ont contribué à détruire le lien entre les communautés, méprisé le sens de la nation et caricaturé flics, gendarmes, militaires, eux qui ont fait du Français moyen un beauf. Des flics sont morts dans cette exécution sommaire alors qu’ils étaient caricaturés par ceux-là même qu’ils protégeaient. Je ne suis pas Charlie mais je suis Français et je vois mon pays sombrer dans l’horreur. J’entends des Allah akbar guerriers venant des banlieues et des politiques refuser de voir cette réalité. Pourtant Charlie est mort d’avoir minimisé les risques de l’islam radical. Vivant dans un pays chrétien ils ont cru pouvoir insulter sans risque. Je ne suis pas Charlie mais je suis chrétien.
Je ne pense pas un instant qu’ils devaient mourir, ni qu’ils l’ont bien mérité. Paix à leur âme et que Dieu les accueille, s’ils le veulent, dans sa miséricorde. Mais… je ne suis pas Charlie."

Pourquoi je ne suis pas Charlie

Jean-Pierre Maugendre, Renaissance Catholique


Donner au monde l'impression que toute la France se reconnaît dans Charlie Hebdo est à la fois une erreur et une faute.

La tuerie du 7 janvier est en train de se transformer en tsunami médiatique, le slogan « Je suis Charlie » remplaçant comme signe de reconnaissance de la bienpensance contemporaine la célèbre main de fatma jaune ornée du slogan « Touche pas à mon pote », aujourd'hui un peu dévalorisée. Il semble que la mobilisation médiatique soit, cependant, sans commune mesure avec l'émoi, réel mais plus mesuré, suscité par la mort de 10 soldats français le 18 août 2008 dans la vallée d'Uzbin au Pakistan. Tous les morts n'auraient-ils pas la même valeur ?

Une manipulation
L'opération en cours n'est pas sans analogie avec celle montée en 1990 à l'occasion de la profanation du cimetière juif de Carpentras. Un fait divers particulièrement odieux ou dramatique est utilisé par le pouvoir en place afin de rassembler autour de lui « les démocrates et les républicains » contre hier « le racisme et l'antisémitisme », aujourd'hui « le terrorisme et l'extrémisme ». Les médias s'emballent, une grande manifestation nationale est organisée, les appels à l'union nationale contre le péril de l'heure se multiplient… Il s'agirait, paraît-il, de défendre la liberté d'expression. Il n'en est rien car la liberté d'expression absolue n'existe pas. Toute époque a ses tabous. Hier il s'agissait de la sexualité. Aujourd'hui Charlie Hebdo a-t-il jamais tourné en dérision les cérémonies maçonniques ou caricaturé le Grand Maître du Grand Orient en train d'être sodomisé par le GADLU (Grand architecte de l'Univers). Les pseudo-libertaires de Charlie Hebdo n'ont jamais remis en cause les nouveaux tabous et leurs critiques de l'Islam ne dépassaient pas certaines limites. Ainsi, il ne semble pas avoir existé dans cette publication de caricatures de Mahomet à connotation sexuelles alors que le pape est régulièrement placé dans des situations scabreuses.

L'Europe et le fait religieux
Dans une passionnante conférence prononcée le 21 novembre dernier aux Vèmes Assises Nationales de la Recherche Stratégique sur Mondialisation, Politique et Religion, Hubert Védrine, l'ancien ministre des Affaires étrangères, a solennellement déclaré que le drame de l'Europe, gros de menaces pour l'avenir, était d'être devenue incapable de comprendre le fait religieux alors que celui-ci était partout en plein essor. Dans une vision très européo centrée, et en définitive pleine d'orgueil et de vanité, profondément irrespectueuse des autres cultures, les caricaturistes de Charlie Hebdo étaient devenus inaptes à mesurer à quel point ils blessaient les croyants de toutes les religions qu'ils tournaient en dérision. Alors que les chrétiens essayaient de se défendre par des moyens juridiques, offraient leurs souffrances et priaient pour la conversion de leurs persécuteurs les musulmans, eux, fourbissaient leurs armes pour « venger l 'honneur du prophète ». Près de quinze siècles d'histoire sont là pour témoigner que cette issue était inéluctable. Qualifier systématiquement de « déséquilibrée » une personne qui ne partage pas votre propre système de valeurs ou de non-valeurs n'est-il pas d'ailleurs le summum de l'arrogance suffisante. « Il ne pense pas comme moi donc il est déséquilibré ! »

La route de Paris passe par Riyad et Alger
L'ensemble de la classe politico-médiatique semble découvrir qu'il fait jour à midi et se lamente : on ne pouvait pas prévoir, surtout pas d'amalgame entre l'Islam et le terrorisme, unissons-nous autour des valeurs de la République, notre patrimoine commun… Il se trouve que face à ces déclarations de bisounours, l'histoire longue nous enseigne que les rapports entre l'Islam et les autres civilisations se résument à une alternative simple : dominé, l'Islam s'avère compatible avec la civilisation qui le domine, conservant cependant son identité propre ; dominant, l'Islam tend inéluctablement à imposer de la charia. Dans l'histoire contemporaine, deux étapes majeures marquent, semble-t-il, le repositionnement de l'Islam en position dominante. D'une part, depuis le pacte du Quincy en 1945, puis la crise pétrolière de 1973, le soutien inconditionnel des États-Unis d'Amérique à l'Arabie Saoudite confère à l'Islam radical des moyens financiers illimités&nb sp;; d'autre part la capitulation d'Évian, imposée par le général De Gaulle, avec la complicité de l'opinion publique, des partis politiques et de l'Église catholique, et accordant l'indépendance à l'Algérie, est devenue dans l'imaginaire collectif de millions de musulmans une victoire de l'Islam contre les « croisés ». Comme vient de l'illustrer Abderrahmane Sissako dans son excellent film Timbuktu, le drame de l'Islam modéré, d'inspiration soufie ou occidentalisé, est que le musulman modéré est sans réponse face à un fondamentaliste qui trouvera toujours une sourate du coran qui justifiera son attitude. Hubert Védrine dans la conférence précédemment citée regrettait la non existence d'un « pape sunnite » qui déciderait souverainement comment interpréter telle ou telle sourate.

Changer de paradigmes
Donner au monde l'impression que toute la France se reconnaît dans Charlie Hebdo est à la fois une erreur et une faute.
Une erreur car ce n'est pas la réalité. Une publication qui atteignait difficilement un tirage de 10.000 exemplaires n'est pas représentative d'un peuple de plus de 60 millions de personnes.
Une faute car Charlie hebdo n'était pas un authentique symbole de liberté. L'auto-dérision y était absente, la dérision s'exerçant au détriment des croyants surtout chrétiens et parfois musulmans qui risquent de rejeter dans une même opprobre, compréhensible, Charlie Hebdo et la France. Enfin, puisque tout le monde s'accorde à penser que, depuis les attentats criminels du 7 janvier, nous sommes en guerre, il va falloir nous adapter à cette nouvelle situation et d'abord définir des objectifs de guerre. Ensuite oser repenser : nos relations avec les états islamistes (Arabie Saoudite, Qatar, Pakistan...), l'image de la France que nous envoyons au monde musulman, nos moyens de sécurité et de défense, le contrôle de nos frontières, les processus de naturalisation, le statut des mosquées et de leurs prédicateurs… Il n'est pas certain que les responsables politiques et médiatiques qui nous ont conduits à cette situation soient les mieux placés pour gérer l'avenir. Notons d'ailleurs que le terme de classe politico-médiatique n'a jamais paru aussi approprié quand l'homme de la rue découvre, ahuri, que nombre des caricaturistes assassinés étaient francs-maçons et que l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy et fille de harki, Jeannette Bougrab, était l a compagne du dessinateur Charb.
Les mêmes causes produiront les mêmes effets ! C'est bien à une authentique réforme intellectuelle, morale et institutionnelle que doivent nous conduire ces tragiques événements. Tout replâtrage hâtif aura autant d'effet qu'un cataplasme sur une jambe de bois. À la légitime compassion pour les victimes et aux prières à leurs intentions et à celles de leurs familles, doit faire place une réelle analyse des causes de la situation présente et pas uniquement des déclarations incantatoires sur la République, la démocratie, le vivre ensemble… La non prise en compte de la réalité ne ferait que préparer de nouveaux bains de sang.