Jean Piat - « La voix du pèlerinage s'est éteinte... »

Jean-Piat.jpg Si Jean Piat n'a pas été, à ma connaissance, pèlerin de Chartres, il est « la voix » indissociable de notre pèlerinage. Citons de mémoire: « J'ai fait un pèlerinage... à Chartres. Je suis beauceron, Chartres est ma cathédrale. Je n'avais aucun entrainement, j'ai fait 105 kilomètres en 3 jours. Ah, mon vieux, les croisades, c'était facile ! On voit les flèches de la cathédrale à 18 kilomètres sur la plaine.... de temps à autre elles disparaissent, (…) Dès que je les ai vues, ça a été une extase ! Je ne sentais plus rien... J'ai prié, mon vieux, prié comme jamais je n'avais prié. Mon gosse est sauvé. Je les ai confié tous à Notre Dame ». Qui n'avait entendu, un petit matin de Pentecôte ou bien au soir, sur le bivouac, sa voix chaude balançant les mots de Péguy, comme une foulée de marcheur ? Jean Piat, c'est d'abord et surtout cela ; une voix et une présence.

Né en 1924, il est décédé ce 18 septembre dernier à Paris, en la fête de St Joseph de Cupertino.

Il fut un acteur de théâtre remarquable, interprète notamment des pièces d'Edmond Rostand et de Sacha Guitry. Lorsque le théatre arriva sur le petit écran, il fut encore le truculent Robert d'Artois des Rois maudits. Il prêta sa voix à des chefs d'oeuvre de la litterature et du cinéma ; Gandalf dans le Seigneur des Anneaux – le commissaire Jacomet dans un bel enregistrement sur Ste Bernadette – ou encore Lawrence d'Arabie... Il a encore dit quelques belles narrations accompagnant les spectacles du Puy du Fou. Et puis les amateurs de belles pages et de nobles pensées iront écouter le lien ci-dessous.

Mais, on l'a dit, il reste surtout pour nous la voix qui a porté quelques morceaux choisis de Péguy, redisant à des milliers de pèlerins l'âme de cette route de conversion et de sainteté qu'est le « pélé ». Il affirmait crânement « être né catho », quoi qu'il ait rencontré et exprimé quelques difficultés devant les fins dernières.

Sur le grand âge, il pensait sérieusement au terme de sa vie, au passage de la mort - cet ultime rideau qui tombe sur le théâtre de notre existence terrestre... Et qui se lève sur l'éternité. Dans la mythologie de Tolkien, alors que le combat fait rage pour la défense de Minas Tirith, et que le 2e rempart est pris d'assaut par les forces de Sauron, Gandalf réconforte un hobbit découragé: « Le voyage n'est pas fini... la mort n'est qu'un autre chemin qu'il nous faut tous prendre... Le rideau de pluie grisâtre de ce monde s'ouvrira et tout sera brillant comme l'argent... alors vous les verrez... les rivages blancs et au-delà la lointaine contrée verdoyante … Alors ça ne va pas si mal? Non en effet... » Cela n'a pas la consistance d'une profession de foi catholique explicite en la vie éternelle, dira-t-on... Et cela ne suffit pas à faire de notre cher défunt un « saint de vitrail »... Certes! Mais nous aimons à penser qu'il y a un peu de l'âme de Jean Piat dans ces mots qu'il prononçait pour le compte de Gandalf. Alors nous laissons l'ultime jugement au Dieu qui seul sonde les reins et les cœurs. Et surtout nous redirons pour lui la prière à Notre Dame de Chartres :
« Mère voici vos fils qui se sont tant battus.
Qu'ils ne soient pas pesés comme on pèse un esprit.
Qu'ils soient plutôt jugés comme on juge un proscrit
Qui rentre en se cachant par des chemins perdus. »

« Donnez-lui, Seigneur le repos éternel, et que pour lui brille votre lumière sans déclin ».

Abbé Alexis Garnier,
Aumônier Général de Notre Dame de Chrétienté.


Pour réentendre Jean Piat déclamant Denoix de St Marc (« Que dire à un jeune de 20 ans »), cliquer sur ce lien.