Le bien commun sous conditions

C’est une des bases fondamentales de la Doctrine Sociale de l’Eglise dont la notion même est d’ailleurs tirée bien avant d’avoir été reprise par divers courants d’opinions ou idées sociales.

On préfèrera la notion de bien commun à celle d’intérêt général qui évoque davantage le quantitatif que le qualitatif, reposant sur l’assouvissement de satisfactions, de gains et de profits. Le bien commun est, lui, la réalisation durable de conditions extérieures : il comprend certes les éléments matériels, mais auxquels sont intrinsèquement rattachées les valeurs morales.

Le bien est ce qui perfectionne la personne humaine dans sa dimension raisonnable et libre. C’est ce qui, à travers la satisfaction de besoins matériels et physiques, va en plus répondre à l’apaisement de désirs et de besoins intellectuels, artistiques, culturels et spirituels et va donc lui procurer paix, sécurité, confiance, joie etc…de manière durable.

Dans son encyclique Rerum Novarum, Léon XIII associe fondamentalement la notion de bien commun à celle de bien moral. Ce bien se définissant par la personne humaine et dans le cadre d’une communauté humaine, il trouve son expression dans tous types de cercles : familial, professionnel, national et international. C’est un bien d’ensemble, assuré par un ensemble de conditions extérieures et pour l’ensemble des citoyens. Il demande donc de dépasser les intérêts particuliers ou collectifs de partis politiques, groupements professionnels, associations, courants de pensée.

Il requiert 3 conditions : l’ordre public et extérieur, la prospérité matérielle pour tous, et des valeurs supérieures.

1/ Un ordre public et extérieur

Pour Pie XII, l’économie sociale n’a d’autre but que de « permettre d’une façon stable, à la portée de tous les membres de la société, les conditions matérielles requises pour le développement de leur vie culturelle et spirituelle » et ajoute qu’il « n’est pas possible d’obtenir quelque résultat sans un ordre extérieur, sans des normes sociales qui visent à l’obtention durable de cette fin ».

Le bien commun nécessite donc un ordre public extérieur qui assure la sécurité des biens, la protection des personnes, le respect de la liberté et des droits, la défense du territoire etc… Cet ordre public doit être stable et permanent ; les changements, révolutions ou crises d’instabilité dans le gouvernement sont néfastes à la stabilité, d’où le besoin d’un statut juridique servant à la vie sociale de protection et orientant positivement toutes les énergies particulières des citoyens dans leur coopération au bien commun.

2/ Une prospérité matérielle pour le peuple tout entier

Dans son encyclique Rerum Novarum, Léon XIII précise le rôle des gouvernants et de l’Etat : «  Ce qu’on demande d’abord aux gouvernants, c’est un concours d’ordre général, fourni par toute l’économie même des lois et des institutions ; c'est-à-dire qu’ils doivent faire en sorte que, de l’ordonnance même et du gouvernement de la société, découle spontanément et sans effort la prospérité tant publique que privée ».

La prospérité est évidemment composée d’éléments matériels dont usent en commun les citoyens (denrées, transports, communications, agriculture, industrie, culture ; santé…), mais elle implique également une juste répartition du revenu national entre les différentes catégories sociales, et notamment une amélioration du niveau de vie des masses populaires par l’augmentation de leur pouvoir d’achat, une fiscalité claire, juste et modérée, un équilibre financier, une monnaie stable et forte.

Au-delà de ces éléments matériels, ce qui fait la prospérité d’un peuple, ce sont les familles qui le composent : des familles fécondes, ouvertes à la vie, unies, ouvertes aux autres et aux problèmes de leur temps. C’est une atmosphère de paix sociale et de sécurité, de collaboration loyale entre les diverses professions au bien commun, de climat favorable à l’épanouissement des valeurs intellectuelles, spirituelles et morales.

3/ Des valeurs supérieures de l’ordre intellectuel, spirituel, moral et religieux

Dans l’ordre intellectuel et moral, le bien commun appelle la généralisation de l’instruction, le développement de la formation intellectuelle, humaniste, technique, culturelle et artistique. Il exige que toute formation intègre l’éducation des âmes et de la conscience, de la volonté et de l’énergie, pour assurer le renouvellement de générations fortes, soucieuses de leur patrie, dotées d’une capacité de jugement sain, habituées à une certaine discipline de vie, à la maîtrise de leurs instincts, capables de se donner pour idéal le dépassement de soi. Cette éducation exige le goût de l’effort, l’amour du bien, du vrai, du beau, la lutte contre l’égoïsme, la paresse et la lâcheté.

Mais le bien commun inclut également l’ordre religieux, en respectant la religion pour ce qu’elle est en elle-même comme pour l’influence qu’elle peut avoir sur les consciences, les familles, les rapports sociaux et l’éducation du sens du bien commun.

Tiré de la Lettre Pastorale au clergé de Monseigneur Guerry