Subsidiarité, solidarité, bien commun et dignité de la personne

L'ensemble des conditions sociales qui permettent aux personnes de se réaliser collectivement et individuellement, est le bien commun. La solidarité est la vertu qui permet à la famille humaine de partager en plénitude le trésor des biens matériels et spirituels et la subsidiarité est la coordination des activités de la société qui soutient la vie interne des communautés locales.

Toutefois, ces définitions ne sont qu'un début et ne peuvent être comprises comme il se doit que si elles sont organiquement liées les unes aux autres et considérées comme se soutenant réciproquement. Pour commencer, nous pouvons tracer les interconnections entre ces quatre principes en plaçant la dignité de la personne au point d'intersection de deux axes, un axe horizontal, qui représente la "solidarité" et la "subsidiarité", et l'autre vertical, qui représente le "bien commun". Cela crée un espace dans lequel nous pouvons tracer les divers points de la doctrine sociale catholique qui forment le bien commun.

(…) Lorsque nous examinons les principes de solidarité et de subsidiarité à la lumière de l'Evangile, nous comprenons qu'ils ne sont pas simplement "horizontaux": ils possèdent tous les deux une dimension verticale essentielle. Jésus nous exhorte à faire aux autres ce que nous voudrions qu'on nous fasse (cf. Lc 6, 31), et à aimer notre prochain comme nous-mêmes (cf. Mt 22, 35). Ces commandements sont inscrits par le Créateur dans la nature humaine elle-même (cf. Deus Caritas est, n. 31). Jésus enseigne que cet amour nous exhorte à consacrer notre vie au bien des autres (cf. Jn 15, 12-13). C'est pourquoi la solidarité authentique, bien qu'elle commence par la reconnaissance de la valeur égale de l'autre, ne s'accomplit que lorsque je mets volontairement ma vie au service de l'autre (cf. Ep 6, 21). Telle est la dimension "verticale" de la solidarité: je suis poussé à me faire moins que l'autre pour satisfaire ses nécessités (cf. Jn 13, 14-15), précisément comme Jésus "s'est humilié" pour permettre aux hommes et aux femmes de participer à sa vie divine avec le Père et l'Esprit (cf. Ph 2, 8; Mt 23, 12).

De même, la subsidiarité, qui encourage les hommes et les femmes à instaurer librement des rapports vitaux avec ceux qui sont les plus proches et dont ils dépendent le plus directement, et qui exige des plus hautes autorités le respect de ces relations, manifeste une dimension "verticale" adressée au Créateur de l'ordre social (cf. Rm 12, 16, 18). Une société qui honore le principe de subsidiarité libère les personnes du sentiment de découragement et de désespoir, en leur garantissant la liberté de s'engager réciproquement dans les domaines du commerce, de la politique et de la culture (Quadragesimo anno, n. 80). Lorsque les responsables du bien commun respectent le désir naturel de l'homme d'un autogouvernement fondé sur la subsidiarité, ils laissent place à la responsabilité et à l'initiative individuelles, mais, surtout, ils laissent place à l'amour (cf. Rm 13, 8; Deus Caritas estt, n. 28), qui reste toujours la "voie supérieure à toutes les autres" (1 Co 12, 31).

En révélant l'amour du Père, Jésus nous a enseigné non seulement comment vivre en frères et en sœurs, ici sur la terre, mais aussi qu'il est lui-même la voie vers la communion parfaite entre nous et avec Dieu dans le monde qui viendra, car c'est par son intermédiaire que "nous avons accès au Père dans un seul Esprit" (cf. Ep 2, 18). Alors que vous œuvrez pour élaborer les façons dont les hommes et les femmes peuvent promouvoir au mieux le bien commun, je vous encourage à sonder les dimensions "verticale" et "horizontale" de la solidarité et de la subsidiarité. De cette manière, vous pourrez proposer les modalités les plus efficaces pour résoudre les multiples problèmes qui frappent l'humanité au seuil du troisième millénaire, en témoignant également de la primauté de l'amour, qui transcende et réalise la justice dans la mesure où il oriente l'humanité vers la vie authentique de Dieu (cf. Message à l'occasion de la Journée mondiale de la Paix 2004).

Extraits de Benoît XVI à l'Assemblée Plénière de l'Académie Pontificale des Sciences Sociales - 3 Mai 2008