Etre digne de ses responsabilités

L'homme est un "animal politique", nécessairement appelé à s'unir à ses semblables au sein de multiples groupements. Il ne peut vivre et s'épanouir qu'en société  ; or il n'y a pas de société sans autorité : "toute communauté humaine a besoin d'une autorité qui la régisse" (Léon XIII, Immortale Dei, 1885). 

L’ordre naturel ayant Dieu pour auteur, l'autorité émane de Dieu Lui-même. "Que voulez-vous dire ? Chacun des gouvernants serait-il établi par Dieu dans sa fonction ? Ce n'est pas ce que j'affirme, répond Paul, je ne parle pas des individus revêtus du pouvoir, mais proprement de leur mandat. Qu'il y ait des Pouvoirs Publics, que des hommes commandent, que d'autres soient subordonnés et que tout n'arrive pas au hasard, voilà, dis-je, qui est le fait de la sagesse divine" (saint Jean Chrysostome).

L'Eglise enseigne donc que toute autorité vient de Dieu et qu'elle est même une participation à l'autorité divine : "Quiconque a le droit de commander ne tient ce droit que de Dieu, Chef suprême de tous" (Léon XIII, Immortale Dei). Ce qui n'est pas incompatible avec l'existence d'une sainte démocratie : "l'origine divine de l'autorité n'enlève aucunement aux hommes le pouvoir d'élire leurs gouvernants" (Jean XXIII, Pacem in Terris, 1963). Mais elle est à l'opposé de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui fait procéder du peuple ou de la volonté générale l'origine de tout pouvoir ("le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément" article 3).

L'autorité n'a pas pour objet la satisfaction des intérêts particuliers de son ou de ses titulaires, mais le bien de tous les membres de la communauté concernée. Elle a pour seule raison d'être la poursuite du bien commun de la Cité. C’est la seule condition de sa légitimité : "l'autorité ne s'exerce légitimement que si elle recherche le bien commun du groupe considéré et si, pour l'atteindre, elle emploie des moyens moralement licites" (Catéchisme de l'Eglise Catholique, n° 1903). Les détenteurs de l'autorité, quelle qu'elle soit, apparaissent ainsi comme des serviteurs du bien commun, conformément à la conception chrétienne selon laquelle l'autorité est d'abord un service. Tel est l'enseignement du Maître qui "n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude" (Mt 20, 28) et telle est aussi la signification de la scène évangélique du lavement des pieds. Chef du pouvoir spirituel, le Pape ne se définit-il pas lui-même comme "le serviteur des serviteurs de Dieu" ? Chef du pouvoir temporel, le roi saint Louis n'affirmait-il pas, lui aussi, que "détenir le pouvoir, c'est d'abord servir" ?

C'est parce qu'elle est au service du bien commun que l'autorité confère à ceux qui l'exercent le droit de commander et d'être obéis, comme elle impose le devoir de ne jamais transgresser la loi morale et divine. "Si donc il arrive aux dirigeants d'édicter des lois ou de prendre des mesures contraires à cet ordre moral et, par conséquent, à la loi divine, ces dispositions ne peuvent obliger les consciences" (Jean XXIII, Pacem in Terris).

L'exercice de l'autorité requiert enfin, de la part du chef, certaines qualités particulières. Ne dit-on pas que "celui qui ne sait pas obéir ne sait pas commander" ? Le rôle du chef n'est pas de soumettre quelqu'un à sa propre volonté mais de susciter l'adhésion de chacun de ses subordonnés en se conformant à l'ordre des choses ainsi qu'à l'ordre moral qui s'imposent à l'un comme à l'autre. C'est ce qu'exprime Gustave Thibon lorsqu'il écrit : "C'est dans cette obéissance que réside le fondement de l'autorité. Nul n'a le droit de commander aux autres s'il n'obéit pas lui-même à un commandement supérieur qui est celui de la nature, quand il s'agit de notre action sur les choses, et de la justice et de l'amour dans nos relations avec les hommes. Dans le premier cas, l'autorité a pour principe la compétence technique ; dans le second, elle a pour but le service du prochain et le bien commun. Et c'est dans la mesure où le chef s'impose par cette double qualité qu'il mérite et qu'il inspire la confiance de ses subordonnés. Dans ce sens, le chef est le serviteur de tous".