Merci Mgr Centène ! Tout est dit...

Dans sa première épitre, après avoir présenté l’Église comme «une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut », St Pierre nous dit comment nous comporter dans la société des hommes : « Ayez une belle conduite parmi les gens des nations ». Et il détaille quelle doit être notre conduite à l’égard des autorités, dans les rapports sociaux, dans la vie familiale et entre chrétiens. À la différence des Esséniens qui se coupaient du monde et qui ont disparu, le chrétien vit dans une société dont il est solidaire car du bien de la société dépend aussi le bien de chacun. Le bien de chacun s’inscrit dans le bien commun.

Aussi, en cette année 2019, je souhaite à notre société et à notre pays la prospérité, la justice, la consolidation du lien social, une croissance qui ne soit source ni d’un surcroit d’inégalité entre les hommes, ni de mise à mal de notre environnement. Je souhaite à notre société et à notre pays de pouvoir se construire sur des valeurs qui soient à même de rassembler les citoyens dans le respect mutuel.

Ces vœux sont aisés à formuler mais nous savons, vous et moi, qu’ils ne pourront se réaliser qu’avec l’engagement de tous et de chacun, et sûrement passant quelques sacrifices joyeusement consentis. Saint Pierre nous le dit encore : « Exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ».

1) Les vœux que je vous présente aujourd’hui nous permettent de jeter un long regard sur la société dans laquelle saint Pierre a voulu que les chrétiens fussent véritablement intégrés au nom même de leur foi : « Soyez soumis à toute institution humaine à cause du Seigneur ».

Notre société est gravement fragilisée et par-delà les revendications, parfois contradictoires, des désormais célèbres “Gilets Jaunes” – contradictoires parce qu’on ne peut pas avoir en même temps plus de services et payer moins d’impôts – nous sommes les témoins de l’expression d’un malaise très profond qui, au-delà même de la fracture sociale, relève d’une crise de confiance et d’une crise de civilisation.

Les troubles sociaux qui traversent notre pays et qui s’expriment aujourd’hui pour la dixième fois consécutive révèlent une profonde détresse. Beaucoup de nos concitoyens souffrent et ont le sentiment d’être oubliés et incompris. Ils ne se sentent plus rejoints dans leurs préoccupations, ils ne font plus confiance, ils se sentent trompés, manipulés, spoliés, méprisés. Cela engendre la colère et la violence.

Mais derrière cette crise de confiance, nous voyons se dessiner une crise de civilisation parce qu’une crise de sens, causée par un déficit anthropologique. La conception individualiste qui prévaut aujourd’hui conduit à une impasse.

Dans une société individualiste, si ces deux termes peuvent être rapprochés sans constituer un oxymore, les lois ne servent qu’à équilibrer les forces contraires, équilibre toujours précaire et fragile.

Après le Bien commun, l’intérêt général lui-même a disparu dans la foire d’empoigne des intérêts particuliers antagonistes. L’évocation des droits de l’homme ne sert bien souvent qu’à garantir des revendications libertaires et mortifères. Aucune vision commune ne semble permettre aux Français de se mobiliser pour construire un avenir meilleur en acceptant les sacrifices indispensables à toute construction.

Les premiers défis de 2019 et des années qui suivront seront de donner une vision à notre société. Cela ne peut se faire sans une juste anthropologie.

L’Être humain n’est pas seulement un individu, certes il est unique, mais il est relié. De par sa nature même il est un animal politique. Sa dimension relationnelle apparait comme l’une de ses caractéristiques fondamentales.

Il ne peut s’épanouir que dans des relations interpersonnelles désintéressées, c’est-à-dire dans des relations de confiance.

Cet épanouissement n’est pas possible parce que ces relations de confiance ne peuvent pas s’établir lorsque les mots cachent la vérité au lieu de la dire, lorsque le relativisme semble laisser entrevoir la possibilité de vérités successives et contradictoires, lorsque le dialogue ne repose pas sur des critères objectifs.

Déjà en 2016, à travers un texte intitulé “Dans un monde qui change retrouver le sens du politique”, le Conseil Permanent de la Conférence des Évêques de France dénonçait le déficit de dialogue dans notre société, le déficit de l’écoute qui font que les idées ne se confrontent sans véritable débat. Des hommes et des femmes juxtaposés semblent se côtoyer alors que chacun est enfermé dans sa propre bulle, celle de ses préoccupations, de son égo, de ses réseaux. Or nous le savons bien, le manque de dialogue conduit à la confrontation.

Extrait des voeux de Mgr Centène à Vannes le 19 Janvier 2019