Comment tendre vers la paix sociale?

 La paix est un grand bien, que tous les hommes désirent. Et pourtant rien n'est plus difficile à obtenir et à préserver qu'une vraie paix. Quand on regarde l'histoire, on voit que le monde est rempli de violences, de crimes, de guerres... et ceci depuis Caïn et Abel jusqu'à aujourd'hui. Il est même probable qu'il en sera ainsi, hélas, jusqu'à la fin du monde !

La paix n'est d'ailleurs pas simplement l'absence de guerre. Il y a des sociétés qui ne sont pas en conflit ouvert avec d'autres nations ou en état de guerre civile, mais dans lesquelles une violence sournoise agresse les hommes, surtout les pauvres, les petits, les faibles. C'est le cas de notre société occidentale, où la vie du corps et de l'âme des petits n'est pas respectée : violence de l'avortement légalisé, qui tue des centaines de milliers d'êtres humains ; violence des agressions visuelles, par la pornographie, par des publicités qui attentent à la pudeur, par une « éducation sexuelle » dévoyée ; violence des « structures de péché », dans l'ordre économique et social, qui poussent les hommes au mensonge, à l'injustice, à l'égoïsme, etc.

La vraie paix est « la tranquillité de l'ordre » (S. Augustin). Elle suppose que la société soit fondée sur la justice. « Le fruit de la justice sera la paix " (Is 32, 17). Il faut donc que les principes de la loi naturelle soient reconnus par tous ; que les droits de chacun soient garantis et que les intérêts particuliers soient subordonnés au bien commun. La recherche par tous du bien commun produit d'ailleurs une multitude de bienfaits qui rejaillissent sur tous et chacun. Au contraire, l'égoïsme ne fait qu'engendrer des conflits et détruit la société : « Si chacun pense uniquement à ses propres intérêts, le monde ne peut qu'aller à sa ruine », disait Benoît XVI dans son message de Noël en 2008.

La recherche de la justice ne suffit pas, si elle n'a pas pour compagne la charité : l'amour désintéressé; le pardon qui répare les blessures et arrête la spirale de la vengeance et de la violence ; la bonté qui soigne toutes les misères imprévues et qui est à l'origine de tant d'œuvres extraordinaires de bienfaisance - pensons à saint Vincent de Paul, à la bienheureuse Mère Teresa et à tant d'autres bienfaiteurs de l'humanité... Mais comment établir de façon solide cet ordre social fondé sur la justice et la charité ? Comment soutenir cet édifice ? Une maison doit être construite sur le roc pour résister aux tempêtes (cf. Mt 7,25). Le roc, le fondement de tout l'ordre social, c'est Dieu et sa Loi. « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent » (Ps 126, 1). Une société qui rejette Dieu ne pourra jamais établir un ordre juste et une paix durable. « Il n'y a pas de paix pour les impies » (Is 48, 22).

Lorsque la société refuse de reconnaître Dieu et l'ordre qu'il a inscrit dans les choses, que l'on nomme l'ordre naturel, alors elle se construit sur le sable du relativisme. Les principes qui gouvernent les nations ne sont plus que le fruit d'un contrat, d'un accord d'une majorité instable qui ne repose plus sur la vérité objective, mais sur des opinions ou intérêts fluctuants. Tout peut être remis en cause. La « majorité » peut s'arroger n'importe quel droit, y compris celui de décider de la vie ou de la mort (avortement, euthanasie...). Inversement, lorsqu'un peuple, dans sa grande majorité, cherche Dieu, prend pour principes de sa conduite les commandements de Dieu, alors on peut voir s'épanouir une véritable paix. Frédéric Le Play, sociologue au XIXe siècle, a montré que les sociétés les plus prospères et les plus heureuses étaient celles où l'on respectait le Décalogue.

Bien sûr, même dans une société qui cherche Dieu, tout n'est pas parfait, car les hommes restent des hommes pécheurs. C'est pourquoi la grâce du Christ est absolument nécessaire pour guérir et vivifier sans cesse les hommes et le tissu social. Ainsi peut s'établir une société où le Christ règne, une « chrétienté », dans laquelle les hommes connaissent paix et bonheur, autant qu'il est possible sur cette terre. La société française du XIIIe siècle, par exemple, a connu cette prospérité et a pu être appelée le siècle d'or, le siècle des cathédrales ou le siècle de saint Louis : elle le doit en bonne part à son chef, un roi juste et saint, qui voulait servir Dieu avant toutes choses. Réciproquement, le saint roi est le fruit d'une chrétienté qui l'a formé. Y aurait-il eu un Saint Louis sans sa mère, Blanche de Castille, sans St Dominique, St François, St Thomas d'Aquin, ses contemporains ?

La paix reste toujours fragile et menacée, à cause des conséquences du péché originel, de la faiblesse humaine et de la tendance au relâchement. A chaque époque, ce sont les saints qui tirent les hommes vers le haut, qui réparent le tissu social, qui instaurent un ordre juste dans lequel les hommes peuvent vivre dans une certaine paix et tendre ainsi plus facilement vers leur fin surnaturelle, le bonheur du Ciel. Un des principaux paradoxes de l'Evangile est que, pour parvenir au bonheur, il faut passer par la Croix : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera » (Mc 8, 35). Celui qui veut capter le bonheur de façon égoïste, s'enferme sur lui-même et n'aboutit qu'au malheur. Au contraire, celui qui se donne généreusement à Dieu et aux autres trouve la vraie joie qui vient de la charité. « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir », disait Jésus (parole rapportée par saint Paul, Ac 20, 35). « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33).

Cette loi vaut aussi bien pour nos vies personnelles que pour la société entière. La vraie civilisation ne peut se construire que sur la recherche de Dieu et l'amour de Dieu par-dessus toutes choses. Comme l'a dit saint Augustin : « Deux amours ont donc bâti deux cités : l'amour de soi- même jusqu'au mépris de Dieu, celle de la terre, et l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi-même, celle du ciel. » (La Cité de Dieu, 14, 28.) Benoît XVI l'a rappelé : « Chercher Dieu et se laisser trouver par Lui : cela n'est pas moins nécessaire aujourd'hui que par le passé. Ce qui a fondé la culture de l'Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à l'écouter, demeure aujourd'hui encore le fondement de toute culture véritable. » (Discours au collège des Bernardins, 12 septembre 2008).

Cherchons donc à accomplir la volonté de Dieu en toutes choses, à bien remplir nos devoirs envers Dieu d'abord, et envers notre prochain comme envers nous-mêmes. Ainsi nous travaillerons efficacement à restaurer un ordre social et politique meilleur, fondé sur les principes de l'ordre naturel et de l'Evangile. Alors pourra s'établir, autant qu'il est possible ici-bas, « la paix du Christ dans le règne du Christ » (Pie XI).

Fraternité Saint-Vincent-Ferrier