Avarice : le possesseur possédé ( les 7 péchés capitaux - saison 2)

La bonne semence qui tombe dans les épines, ce sont ceux qui ont écouté, mais qui peu à peu sont étouffés par les soucis, les richesses, les plaisirs de la vie. Aussi ne portent-ils pas de fruits. (Lc, VIII, 4-15).

Continuons notre marche vers Pâques à travers ces temps de Septuagésime et de Carême. Pour éclairer nos éventuelles résolutions (avant le 5 mars à 23h59...), je poursuis avec vous cette petite suite, cette « série » sur les péchés capitaux.

Saison 2 : l'avarice, ou le possesseur possédé

La parabole pointe une disposition étouffante et stérilisante pour le germe de grâce du baptême. Songez à quelques circonstances concrètes : quelle réaction et décision devant... les soldes, un partage d'héritage, le paiement des factures et dettes, le chevreuil qui percute votre voiture, l'occasion légitime de faire un cadeau, de soutenir un apostolat ou un projet... - le premier clochard de la journée, quand vous avez une pièce en poche.

Accumuler de l'argent, but dernier de ma vie? C'est rare pour un chrétien, direz-vous... En revanche,  premier souci de sa vie ? C'est moins rare. « Tout obéit à l'argent», constate déjà avec lucidité l'Ecriture. Donc, voyons ce qu'est l'avarice, ce qu'elle entraine, et comment la combattre.

Qu'est-ce que l'avarice ?

* « Avidus aeris -avide de métal - amour de l'argent ». Chacun souhaite accroître sa personnalité, en effet. Comment donc ? De bien des manières... Entre autre, en possédant les biens utiles à ses nécessités matérielles et spirituelles. En fait, l'avarice pervertit ce droit légitime. On confond le moyen et la fin. C'est le désir démesuré de l'argent, et plus largement de n'importe quel bien. Le possesseur devient... possédé. INQUIÉTUDE excessive d'AVOIR, de GARDER, de NE PAS PERDRE. Notez bien cette compréhension fine de l'enseignement de Jésus ; dans l'Evangile, le « danger de richesse » pointe une qualité de désir, non une quantité de richesses.

* L'histoire, la fiction offrent une sympathique galerie d'avarice et d'avaricieux : Midas,... Crassus ... le jeune homme riche de l'Evangile... Judas... Harpagon... Don Salluste... Le savetier et le financier de la Fontaine... Scrooge de Dickens... Picsou de Walt Disney...

* Notre monde ne facilite pas le rapport aux biens matériels... Après une longue prospérité, un mirage économique, voici le temps de l'addition. Notre système se nourrit de richesses artificielles ... nourriture limitée. Alors de temps à autre, cela entraine des crises :  2001, 2008,... . Ce même système pousse à la consommation aveugle et passive. Enfin, «notre système brutal n'est même plus traversé par la perspective d'un au-delà meilleur». Eclipse de spiritualité, de philosophie réaliste, de transcendance... Ca ne fait pas disparaître le besoin d'infini, d'illimité qui hante le cœur de l'homme. Mais cela détourne un désir d'infini vers des biens finis.

A quoi s'étend l'avarice ?

Tout vice peut être « matériel » ou « spirituel ».

  • avarice matérielle relativement « facile » à comprendre, et à détecter...
  • avarice spirituelle, celle du temps, du service , même celle de la vie spirituelle. En tout cela, on peut manquer à la pauvreté d'esprit.

 

Est-ce vraiment « capital » ?

Oui, et cela peut aller loin... « L'amour de l'argent est la racine de tous les maux ». Un péché racine d'autres péchés, c'est cela, un péché capital, un défaut dominant. La suite logique de l'avarice est l'insensibilité, l'inquiétude de posséder, la violence pour s'approprier,  le vol, la trahison, la tristesse, l'alourdissement de cœur ; pas de changement de vie, de conversion, de réponse aux appels divins... Perte de l'union à Dieu... Abandon du devoir d'état... dépendance et accoutumance...

Voyez Judas... Le jeune homme riche... En ces deux exemples, il y a, au moins au départ, double désir du cœur ; désir de perfection, de charité, d'amour de Dieu, de vie éternelle – et puis désir des richesses.

Quels sont les remèdes à l’avarice ?

Il y a des Judas et des jeunes hommes riches, certes, mais il y a aussi des Sts Zachée et Matthieu ; c'est consolant. « Le scout est économe, il prend soin du bien d'autrui». « Le vrai problème, ce n'est pas la richesse, c'est le gaspillage». L'attitude juste est l'économie : ni avarice ni prodigalité.  Alors faites votre choix dans les résolutions suivantes...

  • Mesurez bien … L'Evangile, l'enseignement de l'Eglise, l'exemple des saints donnent des instruments de mesure : le nécessaire, le convenable, le superflu. Bien voir cela, concrètement. Quels sont mes moyens présents ?
  • Pratiquez la sobriété du côté des biens : consommer, soit, mais pas en vain. «En ai-je vraiment besoin (et pas seulement envie)?». Question utile parfois, devant la vitrine, le rayon, la promotion…ce qui n'empêche pas d'user largement pour une bonne cause.
  • Exercez la confiance en Dieu : quel remède à la peur de manquer, à l'inquiétude excessive, à la fausse sécurité des richesses ?  La confiance, mais sans imprévoyance ni injustice.
  • Remettez le moyen à sa place : demandez-vous souvent « Pour quoi faire ? ». Plus que propriétaire, nous sommes intendants, administrateurs, bienfaiteurs. St Ignace rappelle l'exercice des 3 parts : quelle part pour mes/nos besoins ? Quelle part pour l'Eglise et le culte dû à Dieu ? Quelle part pour l'aumône ?
  • Soyez généreux sans être injuste ou indélicat : St Benoit Joseph Labre mendiant partageait ses aumônes avec ses frères de la rue. Quelle leçon !
  • Éduquez à la gratuité et à la privation [mesurée], choisie ou au moins acceptée. Eduquez... vous-même, et ceux qui vous sont confiés. « Pas tout, pas tout de suite, pas sans effort». Belle sortie, concrète, hors de la prison de l'argent facile et roi. C'est beau de voir de nombreux jeunes sortir de la spirale de l'avarice du temps, de l'argent, du loisir, par un don gratuit, des engagements, de la dépense de temps et de talent au service de bonnes causes. C'est promesse de prêtres, de parents et de consacrés généreux!
  • Méditez la passion de Jésus : attaché à la croix, Jésus nous détache de bien des choses. Criant sa soif d'aimer et d'être aimé de sa créature, Dieu fait Homme tempère la soif des biens matériels, cette fièvre qui brûle le cœur de l'homme. Offrant toute sa vie d'Homme, et sa vie divine, Jésus prêche la libéralité, la largesse, la magnificence à nos cœurs d'épiciers un peu chiches.
  • Gardez le détachement intérieur : il est « engendré par l'expérience et le goût de Dieu, mais aussi la pensée des comptes qu'il faut rendre à l'heure de la mort ». II Cor VI, 10.

Saint Matthieu, Saint Zachée, Priez pour nous !

Abbé Alexis Garnier – 25 Février 2019