Pourquoi je suis chrétien

Pourquoi je suis chrétien : parce que j'ai soif d'un Dieu qui ne soit ni ténèbre pure ni moi-même – d’un être qui, tout en me ressemblant jusqu’au centre, soit aussi tout ce qui me manque.

Parce qu’en ce monde je veux tout bénir et ne rien diviniser.

Parce que je veux garder simultanément le regard clair et le coeur brûlant.

 Parce que je sens que l'aventure humaine débouche sur autre chose qu'un creux désespoir, une creuse interrogation ou une creuse insouciance.

Pour concilier mon immense amour et mon immense dégoût de l'homme.

Parce que j’ai besoin de lumière dans le mystère et de mystère dans la lumière.

Parce que je veux avoir la grande force de bâtir et de vivre, et celle plus grand encore, d’espérer dans l’éboulement et dans la mort.

Parce que je suis, à la fois et indissolublement, réaliste et excessif.

Parce que je veux m’abreuver d’excès sans renier l’ordre et retrouver l’ordre dans l’excès.

Parce que le christianisme nous ouvre seul une région supérieure où tout ce qui, sur la terre, est considéré à juste titre comme scandaleux, insensé et destructeur (l’espérance aveugle, l’amour sans frein, la confiance dans la fécondité du mal unie au refus absolu du mal…) devient sagesse et vérité ; parce qu’il verse en nous un sang nouveau et si pur que sa température peut monter indéfiniment sans qu’il ait de fièvre.  

L’échelle de Jacob. Gustave Thibon