La gourmandise (Les péchés capitaux - saison 4)

Inévitablement, voici venir le tentateur. Du premier homme, jusqu'à nous. Dans la vie de l'Eglise elle-même. Que faire? Et bien, regarder plutôt et d'abord le Christ. Souvent – longuement - bien. C'est admirable de voir Dieu fait homme entrer lui aussi en lice avec le démon. C'est source de paix dans le combat spirituel.

Poursuivant la suite sur les péchés capitaux, nous en venons à la gourmandise, péché pas si mignon. Au désert, le démon pousse Jésus à utiliser un pouvoir, une action, un moyen extraordinaire pour pourvoir à sa faim, là où un moyen ordinaire suffirait. Ce n'est donc pas un cas de gourmandise.

Prenons un exemple de ce péché capital. C'est au désert, à Qibrot A Taavah, après la délivrance d'Egypte. Dieu donne l'eau du rocher à En Avdat, la manne au long du trajet. Il attend la réponse, la fidélité de son peuple. La réponse vient... décevante; le peuple cède... à la gourmandise. Conséquences ; pleurs et réclamations - plus grave ; mauvaise humeur, mauvais esprit, insubordination et révolte contre Moïse - plus grave, murmure contre Dieu, défi et mise à l'épreuve; « Nous avons faim et soif... nous regrettons les menus égyptiens ; c'était si bon... tandis que cette manne, cette nourriture … non merci. Faites quelque chose, si vous êtes le Seigneur».

On peut quitter la juste mesure de 2 manières : trop (excès) ou trop peu (défaut). La gourmandise, c'est... trop. Le défaut inverse est plus rare. Soyons délicats cependant, pour voir la cause d'un trop peu ; ce peut être involontaire (une indisposition, une contre indication,...). Soyons délicats dans nos réactions (ce peut être un indice, un appel au secours).

4 « portraits robot » de gourmands:

  • Le renard = le goinfre. Trop sur la quantité, plus que de besoin. Il a « les yeux plus gros que le ventre ». Il ne finit pas son assiette, ou intercepte celle du voisin.
  • Le héron (Celui de la Fontaine) = le difficile. Trop sur la qualité ou le soin. « J'ouvrirai pour si peu le bec ? A Dieu ne plaise » - en français courant : « Je n’aime pas, je n’en veux pas, je n’en prends pas… »
  • Le hamster = le compulsif. Trop sur le temps, la fréquence. Le « hamster » ne peut rester plus de 2 heures sans manger, donc passe des heures à manger.
  • Le berger allemand= glouton. Trop sur la manière. Il se sert en premier, sans faire attention aux autres. Il choisit et engloutit la meilleure part avec bruit.

Comme pour les autres péchés capitaux, 2 niveaux possibles...

Une deuxième gourmandise concerne le plaisir exagéré, l'attachement désordonné qu’on met dans les choses spirituelles. « Goûter, oui, certes – mais avec mesure, avec sobriété ». Le gourmand spirituel cherche plus les consolations de Dieu que le Dieu des consolations. C'est comme un adolescent qui s’accroche au biberon, plutôt que de mastiquer du solide. Imaginez le spectacle et le résultat…

Capital. La gourmandise commande d’autres fautes :

  • Une domination des sens sur l’esprit, pesanteur spirituelle. «On est esclave de ce qui nous domine » avertit St Pierre. Une hébétude de la sensibilité.
  • Un manque de maitrise étendu à d'autres biens agréables, même non comestibles... nos écrans, portables, réseaux sociaux, blogs sont de possibles terrains de gourmandise, d'indigestion... et de jeûne aussi d'ailleurs.
  • Un affaiblissement... du sens des responsabilités – de la capacité à mériter confiance – de l’application, ce sens du travail bien fait (et fini) - de la parole donnée, souvent reprise - la stabilité des décisions, résolutions, la fermeté de volonté et de caractère.

Alors, voyons les remèdes à la gourmandise. D'abord c’est un péché léger en soi, du fait de circonstances atténuantes. Ensuite le Carême est une école de tempérance, et de faim spirituelle. L’appétit, la faim, la soif sont corporels mais pas seulement. Il y a en nous divers appétits, capacités de rechercher et recevoir un bien. Au-dessus des appétits physiques, sensibles, rationnels, il y a un désir surnaturel mis en l’âme par Dieu. Cette faim excède notre capacité. Son bien propre surpasse aussi notre capacité d’être comblé.

Pas d'angélisme. Un bon vieux prêtre me répétait souvent avec humour ; « Parfois on se croit vertueux, on n'est que maigre! ». Nous sommes des âmes incarnées, et des corps animés, et c'est bien, c'est aimable. Il ne s’agit pas d’éliminer tout autre appétit, tout autre désir inférieur. Voyons à maitriser et intégrer ces désirs, ces appétits chacun à leur place.

  • Le sens chrétien du nécessaire. Nourriture et boisson sont pour refaire les forces au service de Dieu – pratiquer convivialité et vertus sociales.
  • Les benedicite et grâces. « soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu ».
  • Le petit plus de Carême. Renoncer à un plaisir qui passe la raison, c’est tempérance. Renoncer à un plaisir légitime (bon ou indifférent en soi), c’est pénitence ; un peu plus de ce que vous n’aimez pas, un peu moins de ce que vous aimez…
  • Une conversation qui nourrit et refait les forces; paroles, attitude, service, écoute... évitez super ou beurk – passez, repassez souvent par s'il vous plait et merci.

Et... Ne pas rêver. Sans renoncement volontaire, pas de maitrise de soi. Avons-nous faim et soif ? Et de quoi ? Voulons-nous prendre part, un peu au moins, à cette faim et soif de Dieu? Si la gourmandise spirituelle est un défaut, en revanche gardez, cultivez le gout des choses divines, l'amour juste des biens spirituels; aimez prier, lire, méditer, assister à la Messe, adorer, communier, … C'est bon pour la sa(i)nt(et)é.

Regardez le Christ à table, mangeant, buvant, parlant, regardant, écoutant. Voyez sa faim au désert, sa soif au puit de Jacob. Ecoutez ; « ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui est dans les cieux » - « Oui, qui mange de ce pain possède la vie éternelle en lui, et moi je le ressusciterai au dernier jour ». Ecoutez Jésus crucifié dans le goût et le toucher, brûlé de la soif des hémorragiques ; « Sitio! » – et consumé dans la béatitude.

Bienheureuse l'âme qui partage ma faim et ma soif spirituelle,la faim et la soif de la justice, elle sera rassasiée!