La paresse ( Les péchés capitaux - saison 5)

Continuons notre série sur les 7 péchés capitaux : Gourmandise, Avarice, Luxure, Orgueil, Paresse, Envie, Colère. Ils sont faciles à retenir grâce aux initiales ; GALOPEC.

Avec la lumière du Saint Esprit, les avis, les conseils ou remarques de notre prochain (celui qui nous connait... bien), nous pourrons sans doute trouver celui qui « nous concerne le plus »; notre défaut dominant. Et du coup, nous trouverons en même temps la vertu contraire à exercer.

La paresse est une résistance de l’âme à la pratique du bien. Elle a 2 versants ; TRISTESSE du bien divin, et DÉGOUT de l’action. Est mauvaise en elle-même la tristesse qui provient d'un mal apparent et d'un bien véritable : le bien spirituel est un vrai bien, donc la tristesse qui provient d'un bien spirituel est mauvaise en elle-même.

«Je suis heureux... de vous avoir attristés ! » dit Saint Paul... « Non pas heureux de vous savoir tristes, mais parce que votre tristesse conduit à la pénitence, elle affermit le salut de l'âme... elle est de Dieu. Ce n'est pas une tristesse selon le monde, qui conduit à la mort » (II Corinthiens VII, 9-10).

La tristesse selon Dieu conduit à la conversion à Dieu. Donc elle est bonne ! La tristesse selon le monde est mauvaise, car elle conduit à l’aversion de Dieu. Cette paresse-là est encore un refus de l’action. Dégoût d’agir en vue du ciel, surnaturellement. Ne confondons pas avec la dépression, mal subi, maladie. Car alors on est dégouté d’agir et effectivement incapable. Je parle ici d’un mal responsable, moral, un vice. On est dégoûté d’agir mais capable. Cette paresse est celle des apôtres dans l’Evangile ; Jésus veille, ils dorment : « Simon, tu dors ? Ainsi, vous n’avez même pas pu veiller une heure avec moi ? ».

Comment reconnaitre la paresse ? La paresse spirituelle a 2 visages.

L’inerte… c'est le mexicain de Lucky Luke. Il ne bouge pas. « Caricatural » ! Et L’agité … Il fait bien des choses, sauf ce qu’il devrait, comme et quand il faut. Beaucoup plus subtil. Ce cher petit a tondu tout le jardin en rentrant de l’école,... plutôt que de faire son devoir de maths pour le lendemain. Autre précision ; c'est une activité purement naturelle, horizontale, appuyée sur ses seules forces – sans enracinement dans la prière, la grâce des sacrements. On n’a « pas le temps » pour le Bon Dieu. Dans l’éternité, « on verra, peut-être ».

Quels sont les signes extérieurs du paresseux ? Le paresseux a son vocabulaire: « Demain … Oui, oui» veut dire : jamais. Il conjugue au « futur incertain », au « conditionnel improbable ». Il revendique la foi du charbonnier... pour s’épargner un effort de catéchisme ; les restes de l’enfance suffiront,... s’il y en a. Il compense. Pourquoi ? Parce qu’il est fatigué ; de lui, des autres, de Dieu, de tout. Il faut bien tuer le temps, entre la table et l’écran. Il relate en long, en large, en travers les derniers « buzz ».

Il veut être séduit, pas convaincu. Lectures sérieuses et utiles ? La couverture seulement, le titre, le résumé au dos. Il ne prend aucune responsabilité. Il retient du sermon les formules chics-chocs et la durée. Jusque là, le christianisme le chatouille et l'amuse sans trop le déranger. Il a peur de rentrer en soi-même, de fermer la porte, d’aller au secret de son cœur. Peur du silence intérieur, de sa pauvreté. Il zappe ; changer, pour tromper l’ennui et le dégout! Changer de confesseur, de paroisse, de communauté. De « la brebis du Seigneur » à la « chèvre de Monsieur Seguin »... Il veut tout, tout de suite, sans peine, y compris dans la vie spirituelle. Et bien sûr, il se justifie. Dieu prend du temps. Il faut être raisonnable, pas le temps pour Dieu. Mais demain, peut-être. L’acédique ment, il se ment à lui-même.

Est-ce grave ? Oui. A mesure que c’est consenti. Cette paresse est un curare spirituel. Et demain, si le paresseux ne réagit pas, arrivera… La rancœur, l’amertume ; je devais, je pouvais, je n’ai pas fait le possible pour me sanctifier. Ainsi, le serviteur pusillanime déterre le talent reçu et enterré à l’heure des comptes, et se justifie devant son maître. L’inconstance et l’instabilité. Le manque de fermeté.

L’indifférence aux choses de la foi. A quoi bon le salut, la sainteté, l’imitation du Christ ? Ces biens difficiles mais possibles lui semblent impossibles. Il méprisera ou détestera ce qu’il n’a pas su aimer.

Les remèdes : Prenez la paresse de face. « Résiste, prouve que tu existes », chantait un air à la mode... affronter, ne pas fuir. Dites maintenant... Aujourd’hui... et faites; « J'ai dit, maintenant je commence, le secours me viendra de la droite du Très Haut ! » ; « Plutôt maintenant que plus tard, plutôt aujourd'hui que demain, plutôt demain qu'après » ; « Supprimons par nos progrès dans le bien les fautes dont nous nous sommes rendus coupables par ignorance, de crainte que surpris soudainement le jour de la mort, nous ne cherchions le temps de faire pénitence et ne puissions le trouver ».

Ne prétextez pas l’imperfection des êtres et des choses. Faites le point avec votre directeur spirituel. Exigeant? C’est bon signe, c'est l'autre nom d'une charité vraie... Patient ? Oui, mais n'en prenez pas prétexte pour renvoyer aux calendes grecques la grande affaire de … votre âme.

Ne changez pas de cap dans la difficulté : tout changement extérieur ne produit pas un changement intérieur. « Ne rien faire à moitié », indique sagement la loi scoute... « Au temps de la désolation, dans son état de vie, dans ses résolutions, il ne faut rien changer de ce qu’on a fixé au temps de la consolation » (St Ignace).

Soyez vous aussi exigeant et patient au prochain paresseux. Ce paresseux corrigé et repenti sera peut-être zélé pour la gloire divine et le salut des âmes.

Enfin regardez bien le Christ, regardez cette longue agonie où il endure le dégout et l’angoisse, et où il persévère dans la prière ; prolixius orabat.

Unissez vos « Gethsémani » au sien, je ne sais pas de meilleur antidote à la paresse !

Abbé Garnier – 17 Mars 2019