La colère, fission nucléaire!

Refermons ce dimanche la série des 7 péchés capitaux.

Et pour le faire, voici un petit portrait plein de sel :

« Sa colère est ardente. Ses lèvres débordent de fureur.

Sa langue est comme un feu dévorant,

Son souffle est comme un torrent débordant montant jusqu'au cou,...

Sa colère est comme une coupe de vin enivrant bientôt vidée » (Isaïe, 30 et 51).

 

Ce portrait inspiré, donc peu susceptible d'erreur, c'est celui d'un Dieu en colère.

La colère de Dieu

L'expression nous choque peut-être... La colère est-elle un attribut divin? Cela semble tellement contradictoire! Car Dieu est infiniment bon, miséricordieux. Cependant la Bible et la liturgie le répètent. Et aux apôtres d'un dieu apathique, puis-je suggérer la relecture tonifiante d'Isaïe, des 3 premiers chapitres de l'Apocalypse, de Saint Paul, du Dies irae?

Pour nous parler, Dieu assume notre langage d’homme. Les mots de la foi sont analogiques. Pour faire simple, un seul mot, la colère, désigne 2 réalités, en Dieu et chez les hommes... 2 réalités avec une certaine ressemblance, une plus grande différence. Et l'une surpasse infiniment l'autre.

Dieu est un pur Esprit; il n’a pas de passion désordonnée. Le langage de la foi utilise un «anthropomorphisme», une image humaine pour dire une qualité de l'action de Dieu ; la justice.

Cette justice divine a une fille : la vindicte. Dieu en a réservé pour lui seul le dernier acte et l'achèvement ; « A moi la vindicte, c'est moi qui rendrai ce qui est dû » (Deutéronome 32,35 et Romains, 12, 19). «Cela consiste à réprimer par mode de défense ou de punition, la violence, l'outrage et tout noir dessein " (St Thomas d'Aquin).

Oui, Dieu exerce la justice, il déteste le mal, il le condamne et le sanctionne. Il le compense par une peine proportionnée. Dieu ne pratique ni n'approuve la vengeance ; « ne vous faites pas justice vous-même, mes bien aimés ». Par contre, oui, Dieu pratique et approuve la vindicte. Ou alors, il faut être cohérent, et expulser de l'Eglise catholique les juges, les policiers, les gardiens de prison et même... les parents ou éducateurs.

La colère des hommes : passion ou péché

C'est d'abord une passion humaine. Il y a en nous un irascible, « une agressivité » ; une énergie pour affronter ou endurer un mal - pour conquérir ou attendre un bien difficile.

La colère agit quand la justice n’est pas respectée. Elle vient à la rescousse pour rétablir l’ordre. Donc c'est plutôt positif. J'en veux pour preuve l'exemple même de Notre Seigneur. Le Verbe de Dieu s'incarne, il prend vraiment une nature humaine. Il assume et montre une sensibilité, des passions... et même de la colère ; devant les marchands du Temple. Devant la dureté de cœur ou l'hypocrisie des pharisiens.

En quoi est-ce un péché?

La colère, c’est une fission nucléaire. Energie intéressante au service du bien vrai et difficile... Seulement, en l'état actuel des choses : la fission peut rater ; c'est le défaut... manque d'énergie, faiblesse ou lâcheté ou au contraire elle peut marcher trop bien comme à Hiroshima ; c'est l'excès... dureté. Chacun doit voir en quel sens travailler ce point de combat spirituel. En résumé, certaines âmes vont canaliser le trop plein d’agressivité et la dureté – d’autres vont corriger le trop peu d’agressivité et la faiblesse1.

Cette passion est moralement légitime, elle est vertueuse... SI et seulement si elle est mise au service de la justice, et de la droite raison

3 conditions sont indispensables : un objet juste ; une intention droite ; enfin, la réaction proportionnée.

  • Objet juste2: il y a une injustice ou une offense. Il y a un bien difficile en jeu. Vraiment. Objectivement. Un jeune homme poursuit une dame avec un tison ardent et la chasse violemment. Pas bien, n'est-ce pas ? Oui, mais la dame exerce un vilain métier, elle est là sur commande pour détourner un jeune de sa vocation. Et le jeune homme s'appelle st Thomas d'Aquin.
  • Intention droite: « je suis dans mon droit, j'ai raison... ». Peut-être, mais si l'intention est déviante, le conflit tournera en dispute, pas en bonne confrontation, en juste sanction. Laissez refroidir, rectifiez l'intention.
  • Réaction proportionnée : le juste objet, l’intention droite… tout y est sauf… la mesure. D’où visage fermé, reproches trop durs et longs, exagérés…

La colère est plus souvent injuste. 9 fois sur 10, pour risquer une statistique

  • Envers soi-même. « Ca m’énerve… de m’être énervé ! »3.
  • Envers l'entourage. Les choses, les personnes... Les petits riens accumulés par négligence injectent un poison subtil de rancoeur ou d'amertume.
  • Envers Dieu. On abîme le travail divin, on aggrave le désordre du péché dans la création. La colère tournée directement contre Dieu est la pire ; elle engendre la haine, le ressentiment, le mépris.

Les formes de la colère

La température ; colère froide ou brûlante. La couleur ; noire, rouge ou blanche... Le confiteor nous dit qu'on peut pécher par colère en pensée, en paroles, par action et par omission. Par faiblesse, par surprise, c'est véniel. Par calcul ou par plaisir…c'est mortel « Non: laissons cela. Je suis bilieux comme tous les diables, et il n'y a morale qui tienne : je me veux mettre en colère tout mon saoul, quand il m'en prend envie4! ». Il faudra encore éviter d'attiser ou de provoquer la colère ; celle de Dieu, celle du prochain. Bien mauvais service.

Remèdes

  •    Etes vous en colère, ne péchez pas5. Ayons l'humilité d'avouer à soi-même, aux autres, nos passions ou nos émotions. Et de passer ensuite à autre chose. Dieu attend, le bien commun aussi, les autres aussi!
  •    Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas. Attendez le retour au calme, pour vous et le prochain. Il sera bien temps alors de dire, bien dire, quand et comme il faut… pas de « non dits » !
  •    Compréhension. Et là, la foi rejoint le bon sens. Car depuis le péché originel, et jusqu'au dernier souffle, nous pouvons progresser, devenir meilleurs avec la grâce de Dieu. Certes. Cependant, il est illusoire et donc décourageant d'attendre une perfection absolue de soi et des autres. La maîtrise de soi n'est pas continue et absolue depuis la faute originelle.
  •    Ne pas propager l'incendie. «Pourrais-tu m’expliquer… me redire ce que tu penses, ce que tu ressens… Prenons le temps d'en reparler à tel moment, si tu veux…». Dans une vie commune, ne jamais être 2 en colère en même temps.
  •    Aigreur, colère, emportement, tout cela doit être enlevé de vous6Relisez la savoureuse fable du lion et du rat. Si la colère est incendiaire, la douceur est un contrefeu donné par le Saint Esprit.
  •    Regretter. Mais paisiblement, profondément, fermemement, et calmement. Le pardon offert et facilité, ou demandé; pardonner est plus que de fermer les yeux. Ne dites pas « il ne s’est rien passé, ce n’est rien »,… si ce n’est pas vrai. Mais « j’accepte ou je demande qu’on ne tienne pas compte de ce qui s’est passé »

Voilà, la grande et belle leçon du Pater, l'une des dernières paroles du Christ en croix, et sans doute une pierre de touche du chrétien authentique.

« Le Royaume des cieux souffre violence

ce sont des énergiques qui s'en emparent ».

« Bienheureux les doux, ils possèderont la terre »