Mère Marie-Yvonne, protectrice des hosties profanées

Mère Yvonne-Aimée de Jésus, mystique et réformatrice, a joué un rôle mystérieux dans les cas de profanations d’hosties. Son procès de béatification est en cours.

Au cours des âges, le Saint-Sacrement a toujours excité la rage des ennemis les plus acharnés du Christ. Le jeune Tarcisius aurait été martyrisé vers 275 à Rome pour avoir refusé de livrer à un centurion les hosties qu’il cachait sous sa tunique. Quinze siècles plus tard, le marquis de Sade fit son premier séjour en prison pour avoir profané les Saintes Espèces, pratique qui inspira certaines des pages les plus abjectes des 120 journées de Sodome. L’irruption du rationalisme sous l’ère moderne n’a pas mis fin à ces actes scabreux, régulièrement commis dans le cadre de rituels occultes ou satanistes. L’Église les a toujours vigoureusement combattus, parfois de la plus impénétrable des façons. Dans ce registre, au XXe siècle, Mère Yvonne-Aimée de Jésus, née Yvonne Beauvais, s’est imposée comme l’une des protectrices les plus efficaces de l’Eucharistie.

Récupération des hosties profanées

Née en 1901 à Cossé-en Champagne (Mayenne), d’une santé fragile, elle parvient à intégrer l’ordre des Augustines hospitalières de Malestroit (Morbihan) en 1927, après en avoir été longtemps tenue à l’écart en raison de ses dons surnaturels. Son entrée en clôture s’accompagne d’une multiplication des phénomènes de bilocation : physiquement présente dans un lieu – dans son couvent breton la plupart du temps – la religieuse peut se montrer et agir dans un autre lieu. quatre-vingt-neuf cas ont ainsi été recensés en 1927 et 1928, conduisant Yvonne-Aimée à se manifester dans 186 lieux différents. Les bilocations se raréfient ensuite, à l’exception d’un pic constaté au début de la Seconde Guerre mondiale, en 1940 et 1941. Attestés par de nombreux témoins, ces déplacements semblent obéir à des desseins multiples : assister des mourants, guérir des enfants, sauver des marins-pêcheurs en perdition, délivrer des prisonniers de guerre… Mais numériquement, le principal objet de ces bilocations demeure la récupération d’hosties profanées ou menacées de l’être.

À quarante-sept reprises identifiées, Sœur Yvonne ramène des hosties du lieu de son déplacement à celui de sa présence physique. D’abord stupéfaits, puis s’habituant progressivement, les témoins – religieuses ou prêtres pour la plupart – rapportent des faits concordants. Pendant les phases de transe, la jeune religieuse est capable de s’exprimer dans des langues étrangères qu’elle n’a jamais apprises. Plus spectaculaire encore, son corps est marqué en temps réel par les coups et blessures qu’elle reçoit dans son combat pour récupérer le Saint-Sacrement dans les endroits les plus dangereux ou les plus sordides. Enfin, plusieurs observateurs attestent de la présence matérielle des hosties – souvent ébréchées ou tachées de sang – lors de ses retours de mission. «  Je la vis, tout à coup, saisir une hostie sanglante : elle avait du sang sur les mains (…). Nous avons adoré l’hostie, la Sœur s’est assise sur la chaise ou plutôt on l’a assise. L’aumônier est allé chercher un corporal, et il a emmené l’hostie à la chapelle (…). La Sœur nous a dit qu’elle venait de biloquer à Paris chez des francs-maçons qui avaient profané cette hostie  », raconte un témoin oculaire, en visite au couvent de Malestroit le 10 janvier 1928.

Mère Yvonne-Aimée de Jésus ne saurait être réduite à ces phénomènes extraordinaires, que l’Église envisage avec le plus de prudence et de discernement possible. En témoignent l’énergie, la volonté et la rationalité avec lesquelles cette femme, bien campée dans son temps, parvint à créer la Fédération des augustines hospitalières au prix de mille difficultés. Ou encore son intrépidité et son engagement dans la résistance durant la Seconde Guerre mondiale, qui lui valut d’être décorée par le général de Gaulle en personne. Mais son attachement viscéral à l’Eucharistie et à sa protection, mystérieusement manifesté, rappelle que Mère Yvonne-Aimée était avant tout entièrement donnée au Christ, comme elle l’avait décrété petite fille, lorsqu’elle s’était consacrée à Lui.

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