Entretien de Jean de Tauriers, président de Notre-Dame de Chrétienté, au journal Présent

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Jean de Tauriers, président de Notre-Dame de Chrétienté, a publié sur le site du pèle- rinage le 10 décembre dernier des chiffres parlants, dont celui-ci : 37 % des catholiques états-uniens allant à la messe au moins une fois par semaine ne croient pas en la Présence réelle. Il revient sur le sujet pour nos lecteurs.

— Nous nous trouvons devant un véritable effondre- ment de la foi...

— J’écoutais récemment un évêque américain com- menter ce sondage dramatique. Sa réaction était bien différente de celle de nos évêques européens. Il constate et accepte les faits, et ose parler « d’échec massif » dans la transmission de la foi pour reconnaître ensuite avec honnêteté une responsabilité personnelle dans la pastorale. Cette approche est douloureuse à ex-

primer mais aussi courageuse. Comment faire autre- ment ? Il ne s’agit pas d’inventer, comme nous l’enten- dons si souvent en France, une responsabilité globale sociétale (« la faute-à-Mai 68 »). En France, nous avons un défaut, nous voulons croire en nos rêves. Est- il exagéré, cinquante années après la nouvelle messe (1969), d’oser un bilan ?

Les positions du monde traditionnel semblent souvent pessimistes alors qu’elles ne sont que réalistes. La transmission de la foi connaît certes des lieux de résis- tance et des générosités magnifiques dans beaucoup de milieux, et le pèlerinage traditionnel de chrétienté en fait partie. Il n’en reste pas moins que le concile Vati- can II (cf. Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien) a marqué un décrochage dans la pratique religieuse, les vocations, le rayonnement du catholicisme en France. Cet échec évident est une grande tristesse. La résistance traditionnelle des années soixante-dix a fait ce qu’elle a pu pour endiguer cette vague progressiste, essayant de soutenir les tentatives de restauration des papes Jean-Paul II ou Benoît XVI.

— Quelles sont selon vous les causes de cet échec de transmission de la foi ?

— La déchristianisation aura été causée par toutes ces initiatives : communion dans la main, perte du sacré dans la liturgie, méconnaissance du sacerdoce du prê- tre, disparition des catéchismes, protestantisation des esprits, faux œcuménisme...

La crise actuelle de la foi est une crise de la transmis- sion et donc une crise du catéchisme. Jean Madiran a passé sa vie à réclamer l’accès aux vérités de foi grâce au catéchisme. Notons que le cinquantième anniver- saire de la nouvelle messe (premier dimanche de l’Avent 1969) n’a pas donné lieu à de grandes cérémo- nies en 2019. Nous faisons nôtres les propos du cardi- nal Ratzinger dans son livre Ma Vie (2005) : « Je suis convaincu que la crise de l’Eglise que nous vivons au- jourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie. » Phrase terrible du futur Benoît XVI qui re- prend tous les reproches émis par le monde traditionnel

réunissant les trois effondrements : catéchisme, liturgie et foi.

— Les signes d’adoration, présents dans le rite tradi- tionnel, ne sont donc pas inutiles et encore moins ridi- cules, comme on a tenté de nous le faire croire ?

— Ces signes sont offerts à Dieu et aident les pauvres hommes que nous sommes à cet effort de révérence. J’observe que beaucoup de cérémonies en forme ordi- naire veulent retrouver une sacralité en inventant de nouveaux signes d’adoration. Notre pèlerinage de chré- tienté a réuni 14 000 pèlerins en 2019 : 50 % ont moins de 20 ans, quasiment 100 % des pèlerins sont des prati- quants réguliers et 40 % des pèlerins ne pratiquent pas régulièrement dans la forme extraordinaire. Je ne peux que confirmer les analyses de Yann Raison du Cleuziou dans son dernier livre (Une contre-révolution catho- lique, 2019) sur cette exigence des catholiques français pratiquants, aujourd’hui sur une ligne beaucoup plus traditionnelle que nombre de leurs évêques.

— Pensez-vous que la situation soit différente aux Etats-Unis et en Europe ?

— Il existe des différences entre les pays, et certains pays, comme la France, ont été davantage touchés par le progressisme. D’où cette réaction traditionnelle par- ticulièrement puissante et efficace en France avec la création d’écoles, des mouvements scouts, pèlerinages, paroisses, communautés, abbayes... dont nous bénéfi- cions aujourd’hui.

— Qu’attendez-vous de nos pasteurs pour répondre à cette désastreuse dérive ?

— Nous attendons nos évêques au premier rang avec des mots vrais, courageux, sans langue de buis. Dire la vérité fortifiera l’espérance que les catholiques ne peu- vent perdre. La victoire finale nous est promise.

— Quel est le thème de votre prochain pèlerinage de Pentecôte, les 30 et 31 mai et 1er juin prochains ?

— Nous marcherons en méditant sur le thème « Saints Anges, défendez-nous dans les combats », de Saint- Sulpice à la cathédrale de Chartres. w